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Quelques BD pour l’été

par Charles Demoulin

25 juillet 2023

Il paraît que la BD est faite pour les jeunes de 7 à 77 ans. Alors, pourquoi ne pas en lire l’une ou l’autre en ces périodes de vacances propices aux évasions en tout genre ? D’autant qu’avec les températures ambiantes, on se retrouve le plus souvent en position… assise ou allongée.

  • CASTERMAN

‘La reine en péril’, d’Olivier Weinberg et Marc Bourgne

Personnage adulé des amateurs de BD, Alix, le héros du regretté Jacques Martin, continue désormais ses aventures avec d’autres scénaristes, d’autres dessinateurs. S’il est devenu ‘Senator’ sous la griffe du duo Thierry Démarez-Valérie Mangin, on le découvre gamin, grâce à la paire Olivier Weinberg-Marc Bourgne. C’est justement le tome 4 de cette série que l’on vous propose ici.

Depuis la Sardaigne où il a été pris en charge par le gouverneur Calénus, le jeune Alix n’a qu’une idée en tête : retrouver la trace de son père qui est pour l’instant retenu comme esclave en Égypte. S’embarquant pour le pays de Pharaons, Alix, débarquant à Alexandrie, fait la rencontre de Tahoser, la fille du Grand Prêtre. Ce sera aussi dans cette ville qu’il va découvrir une conspiration menée contre la souveraine. De quoi voir notre jeune héros tenter de la sauver ?

Les jeunes vont adorer… nombre d’aînés aussi.

‘Suites algériennes T2’, de Jacques Ferrandez

Avec la montée du Front Islamique du Salut (FIS) durant les années 1990, l’Algérie bascule dans la guerre civile et devient un terrain dangereux. Notamment pour le journaliste Paul-Yanis qui va toutefois tenter le diable afin de se sortir du placard où sa rédaction a voulu l’enfermer.

Il entend se refaire une réputation professionnelle, mais il veut également retrouver Nour, cette jeune femme rencontrée lors des manifs étudiantes de 1988, et dont il est depuis sans nouvelle.

Avec Ferrandez, ses personnages, bien que fictifs, évoluent dans l’Histoire d’une Algérie d’après l’indépendance. Son diptyque s’achève ici en 2019, moment où les manifestations sont nombreuses suite à la nouvelle candidature de Bouteflika à la présidence, mais également au moment où les relations France-Algérie ne sont guère au beau fixe.

Un récit fiction se nourrissant aux mamelles du réel, aidé il est vrai, par un dessin rempli d’émotions. Superbe.

  • COMIX BURO

‘Monte-Cristo T1 et T2’, de Jordan Mechner et Mario Alberti

C’est sous forme d’un triptyque dont voici les deux premiers volets (Le prisonnier suivi de L’île), que les auteurs entendent transposer à notre siècle, cette histoire du Comte de Monte-Cristo écrite de maîtresse façon par Alexandre Dumas.

New York 2005. Sam Castillo, tout juste fiancé à Abigail et venant d’être promu à un poste important, suscite la jalousie. Jusqu’au jour où, accusé de terrorisme dans une affaire impliquant la sécurité nationale, il se voit enfermer dans un sinistre pénitencier au large des côtes africaines. C’est là qu’il va rencontrer un autre détenu qui va lui offrir l’espoir et même… beaucoup plus.

Coupé du monde dans une prison militaire secrète, Sam Castillo, après 15 ans d’enfer, revient au pays sous le nom de Victor Sirin, un énigmatique milliardaire. Un homme qui va utiliser son immense fortune afin de se venger des trois puissants conspirateurs qui l’ont privé de sa jeunesse et de sa fiancée. Il entend se venger, sans pour autant perdre son humanité et causer des dommages collatéraux.

Si Mechner malgré la connaissance de cette histoire arrive encore à nous passionner, le dessin réaliste et d’une précision rigoureuse d’Alberti y est aussi pour beaucoup. Bien vite le T3 !

  • DARGAUD

‘Swamp – Un été dans le bayou’, de Johann G. Louis chez Dargaud 

Louisiane, fin des années 1930. En ce début d’été, il ne se passe jamais rien à Sunny Point, petite ville perdue au fin fond du bayou. Si bien que lorsque le bus arrive en ville, c’est toujours la promesse annoncée d’un bon divertissement pour les gens du coin.

Or, un jour, Otis et Red, deux jeunes copains, assistent à l’arrivée de Shelley, une petite fille pleine de secrets. Ces trois enfants que tout sépare – un Noir, un Blanc, une fille – sont loin de se douter qu’ils vont vivre un été inoubliable et fondateur. En fait, une belle histoire d’amitié envers et contre tout alors que le ségrégationnisme fait rage et que le Ku Klux Klan sème la terreur au sein de la société noire.

Un récit romanesque, animé de jolies illustrations réalisées au moyen d’un trait léger et pétillant.

‘Six’, de Philippe Pelaez et Javi Casado

Avec cette nouvelle série au nom générique de ‘Six’, c’est à une tétralogie sous forme de western que nous invitent Pelaez et Casado.

Dans ce premier volet intitulé ‘Le massacre de Tanque Verde’, il y a d’abord Quintus Jones, caporal de l’armée fédéral, rétif à l’autorité et déserteur récidiviste. Quand il s’évade de sa prison militaire, il entraîne dans sa course son compagnon de cellule, un guerrier Chiricahuas nommé Tsiishch’ili.

Les deux fugitifs vont ensuite faire la rencontre d’un esclave en fuite lui aussi, puis d’une religieuse rescapée d’une attaque de diligence. Viennent encore Elsie, une fille de saloon, et ce gamin borgne dont elle prend grand soin et qu’elle appelle Kid.

D’où vient-il ? Pourquoi ses parents ont-ils été massacrés dans le ranch du vieux McKurry ? Nul ne sait. Tout ce qu’on sait c’est qu’il a la peau dure et qu’il a réussi à convaincre les cinq autres de l’accompagner vers les Black Hills. Comment ? En leur promettant une montagne d’or !

Une nouvelle vision du western via une fresque qui vous tient en haleine, magnifiée qu’elle est par le dessin explosif de Casado.

  • DELCOURT

‘Premier rendez-vous’, de Nena et Gilles Aris

Cet ouvrage prend place dans la collection Pataquès que proposent les éditions Delcourt

Lors d’un premier rendez-vous et grâce aux applications de rencontre, le deal est d’emblée très clair. Ce qui permet des abords bien plus directs qu’auparavant, mais aussi des rencontres sans doute moins romantiques, mais pas moins maladroites.

Cet ouvrage, au dessin bien dans le ton de ce qui nous est proposé, présente un large panel de nombres de rencontres possibles, avec des motivations plus ou moins avouables. Il s’attache à mettre en scène, tout un type de couples potentiels, hétéro, homo, offrant ainsi un panorama assez exhaustif de la société actuelle et de ses mœurs.

On ne sait jamais à l’avance si, à l’issue d’un premier rendez-vous, l’amour triomphera. Ce que l’on sait toutefois, c’est que dans cet album, c’est l’humour qui l’emporte. Et de très loin !

‘Jack London’, de Fred Duval, Jean-Pierre Pécau et Colin Wilson

Avec ce titre, nous plongeons dans le quatrième volet de Nevada, l’homme à tout faire des studios d’Hollywood, l’âme damnée de l’industrie cinématographique. Un gars qui n’a pas toujours été l’homme qu’il est aujourd’hui. L’occasion dans cet album de revenir sur sa jeunesse. Action !

Si la vieillesse est un naufrage, la jeunesse n’est pas toujours dorée. Il y a quelques années de cela, Nevada et Louise tentaient de survivre en se faisant pilleurs d’huîtres dans la baie de San Francisco. Pris en chasse par des garde-côtes particulièrement hargneux, nos deux voleurs se voient rapidement obligés de plonger dans la mer. Heureusement que passait par là le voilier d’un certain Jack London. 

Un album où le crayon de Colin Wilson fait toujours merveille, et qui jette les bases du dernier opus de la série qui devrait paraître prochainement.

  • LA CITÉ GRAPHIQUE

‘Petites chroniques féministes’ de Lisa Frühbeis

Pourquoi sept des huit personnages de Super Mario Kart sont-ils des hommes ? Et pourquoi est-ce la fille, bien sûr, qui roule à deux à l’heure et ne fait que glousser ? Saviez-vous, qu’à l’origine, les femmes se rasaient les jambes quand elles ne pouvaient pas se payer des bas nylon, et que certains fins gourmets raffolaient du placenta ?

Dans cet ouvrage bien pensé, l’auteure mêle expériences personnelles et anecdotes historiques afin de nous livrer des observations plus que perspicaces sur des réalités du quotidien féminin : les menstruations, la pilosité ou encore la difficulté pour la femme d’uriner en plein air. Tout y passe !

D’un trait épuré et efficace, elle interroge, avec humour et franchise la légitimité des principes sur lesquels se sont construits les rôles dominants, et s’exprime haut et fort pour l’égalité homme-femme.

  • LE LOMBARD

‘Robin Dubois – C’est parti mon Shérif !’, de Bob de Groot et Turk

En 1969, déboulaient dans le Journal de Tintin, Robin Dubois, Fritz Alwill, Cunégonde et leurs irrésistibles comparses. Si ce Robin Dubois hante comme son célèbre homonyme la forêt de Sherwood, il n’a vraiment que de très très très lointains liens de parenté avec le mythique ‘prince des voleurs’ proscrit par les Normands, et forcé de vivre caché avec la belle et séduisante Marian.

En réalité, sous ce titre, se cache un best of des meilleurs moments passés en compagnie de l’inénarrable héros enfanté par de Groot et Turk. Héros qui par huit fois consécutives se classera N°1 du référendum annuel des lecteurs de Tintin.

Gags en cascades, calembours et anachronismes hilarants constituent ici les ingrédients d’un savoureux pastiche des exploits du célèbre héros que Walter Scott a popularisé. 

C’est délicieusement bon et surtout ça récrée, en ces moments où rien ne tourne plus rond sur une planète totalement déboussolée.

  • SOLEIL

‘Rappelle-toi ces belles années’, de Julien Langlais aux Éditions Soleil

Ce très beau premier album que nous livre Julien Langlais s’avère un dramatique et poignant récit de guerre et d’amour. Nous sommes durant la Première Guerre mondiale. Le cœur lourd, Mathilde regarde Célestin, son mari, s’éloigner à bord d’un train qui va le conduire au front.

À peine arrivé là-bas que notre poilu va connaître les affres de la guerre et la violence des combats. Les copains qui meurent à côté de lui dans ces tranchées humides, pleines de boue, et où la peur règne en maître.

Et puis, soudain, il y a cet obus qui tombe. Du coup tout devient noir pour celui qui n’attendait qu’une seule chose : rentrer au plus vite à la maison. Grièvement blessé, entre la vie et la mort, il se réveille sans sa mâchoire inférieure, sans sa langue et amputé d’une jambe. Il fait désormais partie des ‘gueules cassées’. Et Célestin de voir ses souvenirs revenir au grand galop.

Un dessin hyper réaliste servi par des coloris rendant à merveille l’atmosphère meurtrière de ces combats où l’hémoglobine coule à flots et où la peur de mise à plus de 200%. Sans doute le début d’un nouveau grand nom de la BD.