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« On ne parle plus d’amour »

par Charles Demoulin

14 novembre 2021

Curieux ce titre de Stéphane Hoffmann paru chez Albin Michel. Alors qu’on vous explique que l’amour est une entreprise réciproque qui fait s’envoler la liberté, et donc qu’il vaut mieux ne plus en parler, cet ouvrage, sorte de vaudeville aux rebondissements multiples transpirant l’effronterie, l’insolence, la dérision, ne fait que de vous parler d’amour et de débats amoureux, décrits avec pudeur il est vrai, entre Louise et Guillaume. C’est vrai qu’eux ne parlent plus d’amour, ils le font. Vous parvenez à me suivre?

Nous sommes à Guénic-sur-Vilain, en Bretagne. Louise Lemarié, vingt ans, est arrivée là-bas à contrecœur. Mais sa présence est nécessaire, car son père Olivier, président du Yacht-club, va recevoir des mains du ministre des Comptes publics et de la Simplification de l’État, l’Ordre national du mérite. Un couronnement pour lui, qui vit bien au-dessus de ses moyens. Louise déteste tous ces ronds de jambe, cette bourgeoise et cette noblesse venues là simplement pour pavaner. De plus, suivant son père comme un chien suit son maître, il y a Armand-Pierre Foucher, un homme riche, plus vieux qu’elle, qu’elle méprise, mais qu’elle va bientôt épouser. Un triste sire qui ne la prend pour femme que pour obtenir un statut social.

Or, tentant de trouver place parmi les invités, arrive Guillaume, le fils du baron de Guénic-sur-Vilain. C’est vrai que son jeans et sa tenue quelque peu dépenaillée, ne sont guère compatibles avec l’événement. Il faut dire que le garçon fuit un énorme chagrin d’amour et que, pour l’instant, le protocole lui importe peu. Attirée par cette entrée imprévue qui dérange énormément et fait jaser, Louise reconnaît le garçon qui, il y a peu, lui avait prêté son écharpe afin de tenter de réchauffer le petit oiseau blessé qu’elle était en train de secourir. Peu après, quand elle sonnera chez Guillaume pour lui rendre cette écharpe, lui qui prenait sa douche, lui ouvrira dans le plus simple appareil. Cette aisance et cette simplicité vont bouleverser Louise. Le début d’une passion qui va tout chambouler dans cette petite ville de villégiature de Bretagne qui ne croit qu’au champagne, aux régates, aux jardins, aux bains de mer et autres plaisirs de l’été.

Un roman à l’ironie mordante, dans lequel la part belle est réservée aux femmes, laissant aux hommes le soin d’étaler leur vanité, mais aussi et souvent, leur immaturité. Un énorme moment de belle lecture qui, telle une flèche, frappe en plein cœur.