par Céline Molitor
26 novembre 2021
Environ 35 % des parents, majoritairement des mères, souffrent de ce qu’on appelle «le syndrome du nid vide». Une forme de dépression qui se traduit par un sentiment d’abandon et de vide quand les enfants quittent le domicile familial.
Le départ des enfants provoque chez les parents des émotions paradoxales: d’une part la joie, le bonheur mais aussi la fierté de voir leurs oisillons voler de leurs propres ailes et d’autre part, malheureusement, la tristesse est parfois aussi au rendez-vous. On assiste alors à une forme de déchirement et de renoncement.
Comment faire pour passer au mieux ce cap délicat? Comment mieux le comprendre et donc mieux l’appréhender? Voici quelques éléments de réponse.
L’anticipation
Il faut avoir très tôt en tête que vos enfants auront un jour une vie sans vous. Ils ne vous appartiennent pas. Vous avez pour mission de les construire afin qu’ils réussissent à vivre loin de vous. Anticiper leur départ, c’est maintenir, quand ils sont encore à la maison, une vie en dehors d’eux, ne pas mettre sa propre vie en veilleuse. Combien de femmes, une fois le premier enfant arrivé, investissent de manière presque pathologique leur rôle de mère et en oublient leur partenaire, leurs amis etc… bref leur vie. Ce n’est sain pour personne d’agir en ce sens et cela deviendra compliqué au moment du départ des oisillons.
S’entraîner à la séparation
Tous les spécialistes de l’éducation s’accordent à dire qu’il est essentiel que les parents s’entraînent à se séparer de leurs enfants, mais pas trop tôt non plus. Par exemple, en les laissant prendre les transports en commun pour se rendre à l‘école, en les autorisant à partir en week-end chez des camarades d’école pour leur donner la possibilité de nouer des relations hors du cercle familial. Plus tard, lorsque les enfants deviendront étudiants tout en vivant encore au domicile familial, vous pourrez par exemple commencer à les laisser gérer leurs rendez-vous médicaux ou encore leurs démarches administratives.
Il est aussi judicieux de leur montrer l’intérêt d’avoir son permis de conduire, en ne jouant pas au chauffeur dès qu’ils en expriment le désir… Cela va les rendre progressivement autonome.
Ne pas couver à l’excès: lâcher prise
Une éducation trop protectrice les prive de la possibilité d’acquérir progressivement leur indépendance. L’enfant qu’on aura trop couvé risque de se rebeller quand le besoin d’autonomie pointera le bout de son nez. Faute d’expérience, le grand saut vers la vie d’adulte pourrait alors se révéler plus difficile que prévu.
Ce lâcher-prise implique, de la part des parents, de préserver des moments d’intimité pour le couple et de continuer à avoir, occasionnellement, des activités sociales sans leurs enfants. Cela suppose de surmonter un certain sentiment de culpabilité à l’idée de ne pas consacrer suffisamment de son temps et de son attention aux enfants. Voilà encore un exercice difficile, surtout dans une société où les enfants sont plus que jamais considérés comme un facteur d’épanouissement du couple. Certains experts n’hésitent pas à parler d’un «surinvestissement» vis a vis de l’enfant, censé faire le bonheur de ses géniteurs.
Le sentiment de vide que certains parents ressentent après l’envol du nid n’a sans doute jamais été aussi fort, car dans nos sociétés contemporaines, les enfants sont au centre de la famille. «Plus ils représentent un refuge affectif fort pour les parents, plus leur départ est vécu de manière douloureuse et complexe.»
Du côté des enfants?
Les enfants se sentent souvent coupables de partir quand leur parent est célibataire. La culpabilité est aussi plus forte pour le petit dernier de la famille ou encore pour l’enfant unique sur qui il y a eu un investissement massif des parents.
Du côté du couple?
Le départ signifie souvent un retour à la vie de couple pour les parents et cela change complètement la donne au quotidien. Le bât blesse si la vie des parents ne tournait qu’autour des enfants car une fois qu’ils sont partis, le couple parental n’a plus lieu d’être. Leur départ oblige à se poser des questions sur soi, à faire le point sur sa propre vie pour savoir où l’on en est. Beaucoup de choses se jouent: peur de la solitude, angoisse du vieillissement, etc. Le couple devra à nouveau faire connaissance. Il va falloir se regarder et regarder l’autre en face, s’écouter dans ce silence assourdissant laissé par le départ des enfants. Et ce n’est pas facile.
Les bons côtés?
Le départ des enfants n’est pas seulement une perte. Les parents gagnent tout d’abord en liberté et en temps. Voilà que s’achève le temps des cours, des rendez-vous pris pour eux, des repas pensés et préparés en fonction d’eux… Il serait dommage de ne pas profiter de cette nouvelle liberté de mouvement! Les parents n’ont plus qu’à s’occuper d’eux-mêmes, c’est une sensation oubliée. Par ailleurs, une nouvelle relation va se tisser avec les enfants devenus de jeunes adultes. Et c’est très enrichissant.
Gare aux nouvelles technologies
Avec les téléphones portables et Internet, il est tentant pour les parents de maintenir un lien étroit avec leurs enfants après leur départ. Il ne faut pas en abuser. Certaines mères ont pris l’habitude d’appeler leurs enfants tous les jours du bureau pour savoir comment s’est passée leur journée à l’école, et cette habitude est parfois difficile à perdre. Il ne faut pas se priver de ces nouvelles technologies, mais savoir être raisonnable. Si vous n’y prenez pas garde, vos messages risquent de devenir rapidement envahissants.
Peut-il y avoir une absence du syndrome du nid vide?
Oui. Certains parents, à l’image du fameux film « Tanguy », sont soulagés de voir leurs enfants partir. Ce n’est pas très fréquent, mais en effet cela arrive de plus en plus. Les enfants partent plus tard aujourd’hui à cause du contexte économique, cela peut expliquer cette réaction. Aux parents de faire passer régulièrement le message qu’ils souhaiteraient les voir prendre leur indépendance, assez en amont, avant que la cohabitation ne devienne trop compliquée.
Le syndrome du nid vide est, comme vous avez pu le constater au travers de cet article, une réalité. Savoir ce qu’il est, pourquoi il intervient et comment s’en préserver est essentiel pour maintenir une dynamique familiale saine pour tout le monde.
Céline Molitor – Psychologue
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