#Janette bien dans sa tête | #Janette bien dans son corps | #Psycho & Bien-être

Cancer du sein : retrouver sa féminité via le tatouage 3D

par Salomé Jeko

28 octobre 2021

Installée près Metz, la tatoueuse Laurren Prieur aka Sookie Sale Gosse est également « faiseuse de tétons », comme indiqué sur son compte Instagram @bringmyboobsback. En réalisant des tatouages 3D sur les poitrines des femmes ayant subi une mastectomie puis une reconstruction mammaire après un cancer du sein, Laurren leur permet de se réapproprier leurs corps et de tourner enfin la page de la maladie.

En quoi consiste la reconstruction d’aérole post-mastectomie ?

Les seins étant le symbole de la féminité, il est clair que la mastectomie affecte fortement les femmes. La reconstruction mammaire et le tatouage 3D d’aéroles aident à se réapproprier son corps et à ne pas, chaque matin devant son miroir, devoir se rappeler du cancer et de tout ce qui va avec cette maladie. L’objectif est donc de reproduire et d’imiter l’aréole et le mamelon du sein grâce au tatouage 3D. On part sur la base de ce qui existait avant et on essaie de rester cohérent par rapport aux dimensions de la poitrine, aux éventuelles asymétries et à la colorimétrie de la personne. Je donne du réalisme en reproduisant les tubercules du téton et un effet de volume via des techniques de dessin. Le résultat est donc personnalisé et très réaliste, surtout de face.

Comment avez-vous appris à dessiner ces aéroles et mamelons plus vrais que nature ?

Je suis autodidacte, je me suis formée en dessinant énormément et en regardant beaucoup de vidéos. Il existe des formations mais elles sont soit très chères, soit gardée sous cloche ce qui est vraiment dommage. Mais mon métier de tatoueuse m’apporte beaucoup dans la mesure où j’ai une bonne connaissance de la peau et des techniques de pique. Et contrairement à la dermopigmentation qui est éphémère, le tatouage que je pratique dure toute la vie. Les femmes n’ont plus besoin de revenir ensuite pour des retouches : les pigments que j’utilise sont définitifs.

Avez-vous beaucoup de demandes ?

Jusqu’à présent, j’ai aidé une quinzaine de femmes qui avaient autour de 45 ans en moyenne. Mais je pense qu’avec le COVID-19, tout a été un peu ralenti. Je collabore au Luxembourg avec la clinique du sein à Strassen et bientôt avec l’Hôpital-Clinique Claude Bernard de Metz, en France. Mais c’est aussi le bouche à oreille qui m’a fait connaitre et les réseaux sociaux comme Instagram, même si – parce qu’y montre mon travail et donc des seins – mon compte a déjà été suspendu. Reste que la pratique n’est pas assez connue selon moi. Je regrette surtout qu’elle ne soit pas remboursée et que les frais, qui vont de 180 à 400 euros, restent la charge de la patiente. J’ai personnellement choisi de ne rien facturer et de proposer mes services gratuitement à ces femmes qui ont déjà tant enduré.

Est-ce que le tatouage sur cette zone du corps est douloureux ?

Pas du tout. Dans tout ce malheur, on a quelque part la chance que ça soit quasi indolore. Après un cancer, après une radiothérapie et une chimiothérapie, les tissus sont très endommagés et les terminaisons nerveuses ont souvent été détruites, surtout que parfois, il y a eu greffe de peau.  Et puis il est toujours possible d’appliquer une crème anesthésiante pour endormir la zone.

 » Ce qui est incroyable et très beau, c’est que trois de mes clientes disent avoir retrouver une forme de sensibilité – qui passe par le psychologique bien sûr – au niveau de leurs nouveaux mamelons. « , indique Laurren Prieur.

Vous êtes finalement le dernier maillon de la chaîne de la reconstruction mammaire. Votre intervention est très technique mais doit aussi être empreinte d’émotions…

Les femmes qui viennent chez moi sont en rémission ; il n’est plus vraiment question de peur ou de craintes, mais plutôt d’un épuisement au terme d’un parcours très long et très dur. Le plus gros est alors derrière elle et elles ont hâte d’en finir. Je pratique au sein de mon salon de tatouage, et non pas en hôpital même si ça pourrait se faire, aussi pour sortir de cette ambiance anxiogène et de l’univers des blouses blanches. C’est toujours un moment très intense, effectivement, qui finit souvent en larmes de soulagement. Ce qui est incroyable et très beau, c’est que trois de mes clientes disent avoir retrouver une forme de sensibilité – qui passe par le psychologique bien sûr – au niveau de leurs nouveaux mamelons.

Installée près Metz, la tatoueuse Laurren Prieur aka Sookie Sale Gosse pratique le tatouage 3D post mastectomie.

@bringmyboobsback sur Instagram

les derniers articles Janette bien dans sa tête