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Muse : Sarah Vaughan, la virtuose anticonformiste

par Elodie Lambion

25 mars 2024

Figure emblématique du jazz, Sarah Vaughan est tellement plus qu’une voix captivante et impressionnante, qu’une artiste novatrice et accomplie, c’est une femme qui a osé défier les conventions établies. En s’imposant dans un monde essentiellement masculin, elle a brisé préjugés et stéréotypes, elle a montré la voie à suivre.

« Je ne suis pas une personne spéciale. Je suis une personne ordinaire qui fait des choses spéciales. »

Sarah Vaughan

DANS LES GÈNES

Asbury et Ada Vaughan accueillent la petite Sarah Lois le 27 mars 1924 à Newark. Respectivement charpentier et blanchisseuse, ses parents sont de vrais mélomanes. Lui joue de la guitare et du piano, elle chante à la chorale de l’église baptiste fréquentée par la famille. 

Cet amour, le couple le transmet très tôt à Sarah qui, dès l’âge de 7 ans, apprend le piano, l’orgue et accompagne la chorale. Plus tard, elle devient soliste au sein de l’église baptiste Mount Zion de Newark, où elle prouve rapidement que sa voix est comparable à un instrument épatant. 

UN BESOIN VITAL

Adolescente, privilégiant sa passion plutôt que sa scolarité, elle enchaîne les virées nocturnes dans les night-clubs urbains afin de s’adonner au chant et au piano. Cette passion qui semble la dévorer l’oblige à quitter le lycée pour se concentrer sur la musique. 

En 1942, son entourage, notamment sa mère – qui a de grandes ambitions pour sa fille – pousse Sarah à participer au mythique concours pour amateurs de l’Apollo de Harlem, réputé pour faire émerger de nouveaux talents. 

Habituellement timide, sur scène, elle apparaît transfigurée : son interprétation de ‘Body and Soul’ bluffe le public dont son idole Ella Fitzgerald présente dans la salle. En remportant le premier prix, elle reçoit également les félicitations et les conseils de celle qu’elle aimerait égaler, voire secrètement détrôner.

Sa maîtrise vocale attire l’attention de Billy Eckstine, chanteur de jazz et chef d’orchestre. Engagée en tant que chanteuse de l’orchestre Earl Hines, elle fait ses premiers pas dans le monde musical professionnel. 

LE BEBOP

En 1943, elle quitte le groupe pour rejoindre la nouvelle formation initiée par Billy Eckstine. La chanteuse et ses nouveaux comparses tels que le saxophoniste Charlie Parker et le trompettiste Dizzy Gillespie expérimentent un jazz plus libre, aux rythmes complexes, aux harmonies audacieuses, à l’improvisation musicale et vocale : le bebop. Ce style de jazz novateur crée l’admiration et se dévoile notamment dans la chanson ‘Lover Man’ réunissant Vaughan, Parker et Gillespie, sortie en 1945.

L’ASCENSION

Un an après avoir rejoint le groupe de Billy Eckstine, celle qu’on surnomme ‘Sassy’ vu sa forte personnalité et son style vocal distinctif, décide de voler de ses propres ailes. 

Alors qu’elle lance sa carrière solo, qu’elle enchaîne les représentations dans les clubs new-yorkais, elle fait la connaissance du trompettiste George Treadwell au célèbre club de jazz : le Cafe Society Downtown. Cette rencontre professionnelle – il devient son manager – se transforme en histoire d’amour puisque le couple se marie le 25 février 1946.

Avec des titres tels que ‘Tenderly’, ‘It’s Magic’, signés par le label Musicraft, elle se fait peu à peu un nom auprès du grand public. Désormais chez Columbia, les succès s’enchaînent avec les titres ‘That Lucky Old Sun’ et ‘Saint or Sinner’. ‘The Divine One’ est née et elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. 

Cependant, ce bonheur professionnel s’accompagne d’une tristesse sentimentale. George et elle s’éloignent de plus en plus si bien qu’il engage un nouveau manager pour le remplacer : cela sonne peu à peu la fin de leur couple. Pourtant, tel un ultime geste d’amour, le trompettiste se charge de finaliser le nouveau contrat de la chanteuse avec le label Mercury. C’est d’ailleurs auprès de ce dernier qu’elle signe l’album ‘Swingin’Easy’, considéré comme l’un des plus représentatifs de son immense talent vocal.

LE COURONNEMENT

Les années 50 sont celles du couronnement pour ‘Sassy’ qui alterne jazz et musique plus commerciale. Ses tournées l’emmènent aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. Elle sort des tubes comme ‘Misty’ en 1957 et ‘Broken Hearted Melody’ en 1959 pour lequel elle reçoit un disque d’or. Ses chansons sont entendues dans les films ‘Disc Jockey’ et ‘Basin Street Revue’. Elle se produit lors de festivals tels que le Newport Jazz Festival ou le New York Jazz Festival. Elle devient l’une des meilleures chanteuses de jazz de tous les temps. 

Sur le plan privé, son divorce avec George Treadwell ayant été prononcé en 1958, elle retrouve l’amour dans les bras de Clyde B. Atkins qui devient son mari en septembre 1959. La même année, elle rejoint le label Roulette. 

En 1961, le couple adopte la petite Debra Lois, qui s’illustrera plus tard en tant qu’actrice sous le pseudonyme de Paris Vaughan. Mais le bonheur familial est de courte durée : en 1963, Clyde et Sarah se séparent. 

LA DÉTERMINATION

Au début des années 60, alors que les détracteurs pensent que les tendances musicales vont mettre un terme à la carrière de ‘The Divine One’, il n’en est rien. L’album ‘Sassy Swings the Tivoli’ bat même tous les records. Émotions, vibratos, trois octaves, sa singularité fait d’elle une icône adulée par les amateurs de jazz, mais aussi par les novices qui découvrent ce style musical unique à travers elle.

La décennie suivante est marquée par de nombreuses collaborations avec des orchestres symphoniques et philharmoniques oeuvrant aux quatre coins des États-Unis et par son histoire d’amour avec Marshall Fisher. Suite à leur coup de foudre dans un casino à Las Vegas, le couple partage vie privée et professionnelle jusqu’à leur séparation en 1977. Un an plus tard, elle épouse le jeune trompettiste Waymond Reed. 

LA RENAISSANCE

Si l’année 1981 signe à nouveau une rupture sentimentale, elle consacre également Sarah puisqu’elle reçoit un Emmy Award pour sa prestation avec la New Jersey Symphony. Cette décennie va se poursuivre telle qu’elle a débuté. Deux ans plus tard, elle remporte le Grammy Award de la meilleure chanteuse de jazz puis elle inaugure son étoile sur l’emblématique Hollywood Walk of Fame en 1985. La consécration : en 1988, elle fait son entrée à l’American Jazz Hall of Fame.

LA FIN D’UN COMBAT

En 1989, tandis qu’un Grammy Award lui est décerné pour l’ensemble de sa carrière, sans le savoir, elle dit adieu à ses fans lors d’un ultime concert donné au Blue Note Club à New York. Le 3 avril 1990, à Hidden Hills, le cancer du poumon contre lequel elle se bat depuis plusieurs mois emporte l’icône du jazz, celle dont la voix sera souvent imitée, mais jamais égalée. 

BIOGRAPHIE

  • 27 mars 1924 : naissance à Newark dans le New Jersey. 
  • 1942 : remporte le concours organisé à l’Apollo Theatre de Harlem.
  • 1945 : introduit le bebop dans son chant sur le titre ‘Lover Man’.
  • 1946 : épouse le trompettiste George Treadwell.
  • 1959 : premier disque d’or grâce au titre ‘Broken Hearted Melody’.
  • 20 avril 1961 : naissance de sa fille adoptive Deborah Lois Atkins dite Paris Vaughan.
  • 1981 : reçoit un Emmy Award dans la catégorie ‘Individual Achievement – Special Class’.
  • 1983 : reçoit le Grammy Award de la meilleure chanteuse de jazz.
  • 1988 : introduite à l’American Jazz Hall of Fame.
  • 1989 : dernier concert donné au Blue Note Club de New York.
  • 3 avril 1990 : décès à Hidden Hills en Californie. 

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