par Paule Kiénert
28 novembre 2024
Certaines ont la chance de vivre de douces fêtes de fin d’année. Pour d’autres, c’est tout-à-fait différent. Si vous faites partie des premières, l’Orange Week vient vous rappeler qu’il y a encore beaucoup à faire dans la lutte contre les violences faites aux femmes. S’appuyer sur cette chance et nos forces pour soutenir celles qui souffrent et sensibiliser à leur cause est une belle manière d’entrer dans l’esprit de partage propre à cette période de l’année.
Une semaine d’action pour Stand Speak Rise Up !
Le lundi 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est aussi le début de l’Orange Week qui se déroule jusqu’au 10 décembre. Chez Janette, c’est tout particulièrement vers les actions menées par l’association de S.A.R. la Grande-Duchesse, Stand Speak Rise Up !, que nous nous sommes tournées. En effet, nous avons rencontré cet été notre Grande-Duchesse qui nous expliquait ce combat qui lui tient tant à coeur : éradiquer l’usage du viol comme arme de guerre en zones de conflit.
Durant la semaine du 18 novembre, celles que l’on nomme les Survivantes, celles qui ont subi ces atrocités, ont participé à des ateliers et à des temps d’échanges avec les équipes de Stand Speak Rise Up! afin d’approfondir la mission de l’association, avec notamment un projet de mentoring pour les accompagner dans la communication et la concrétisation de leurs projets personnels et professionnels, leur permettant de renforcer leurs compétences et de s’entourer d’un réseau de soutien.
Des revendications portées jusque dans les airs
La venue des Survivantes au Grand- Duché a eu pour point d’orgue la journée du samedi 23 novembre. Aux côtés de S.A.R. la Grande- Duchesse et toute l’équipe de Stand Speak Rise Up!, elles ont pu découvrir un avion Luxair décoré aux couleurs de l’association, ce faisant ainsi le vecteur de leurs voix jusque dans les airs, et au monde entier.
Sensibiliser, soutenir et s’engager, sont des principes qui définissent les valeurs de Luxair dont les missions sociales se sont déjà vues à plusieurs reprises représentées sur la carlingue de leurs appareils. Si le De Havilland Q400, immatriculé LX-LGF, s’est paré d’une nouvelle livrée dont le design conçu par Luxair est inspiré par les récits des Survivantes (des nuances d’orange symbolisent la diversité des origines et des parcours, et une texture au crayon évoque les épreuves endurées), ce partenariat exclusif unissant Stand Speak Rise Up! et la compagnie aérienne va cette fois encore plus loin que porter un message aux yeux des nombreux spectateurs dans les aéroports desservis par l’appareil. Il permet de faire venir les Survivantes une fois par an via Luxair, de sensibiliser les voyageurs grâce à des actions véhiculées par le personnel d’aviation, et des informations sur l’association sont disponibles à bord.
Témoignages des Survivantes
Janette a pu s’entretenir avec deux Survivantes. Des femmes témoins ou victimes et désormais actives pour aider les autres.
Sylvia est une Survivante ougandaise. Elle est la fondatrice de Golden Women Vision (goldenwomenvision.org), une organisation dédiée à l’amélioration du statut socio-économique des Survivantes et des enfants nés du viol à travers l’autonomisation économique.
Janette : C’est votre première fois au Luxembourg?
Sylvia : C’est la 2ème fois que je viens au Grand-Duché. La première fois, c’était pour le Forum donné par S.A.R. la Grande-Duchesse. J’ai pu y raconter mon histoire et pourquoi d’autres femmes, victimes, restent silencieuses.
Janette : Vous avez été vous-même victime de violences.
Sylvia : Oui, je suis une victime de guerre. Cette guerre a fait que ma communauté s’est retrouvée sans habitation, n’ayant nulle part où aller. Des milliers de personnes ont été tuées. Des enfants on été enlevés dans leurs écoles et emprisonnés malgré leur jeune âge.
Janette : Comment avez-vous trouvé la force d’aider les autres?
Sylvia : C’est parce j’ai vu la souffrance en captivité. Il est très important de faire que les femmes qui ont souffert comme moi sortent de cette situation. Je ne peux pas rester silencieuse. J’ai besoin de parler de cela et de faire quelque chose pour aider les enfants nés de la guerre, nés des viols.
Janette : Vous prenez beaucoup de risques lorsque vous dénoncez cette situation.
Sylvia : Oui, je prends des risques quand je parle de mon histoire. Mais ma parole aide les « sans voix », je deviens leur voix. Quand je parle, j’aide des milliers de personnes.
Janette : Qu’est-ce que l’association Stand Speak Rise Up ! vous apporte ?
Mon association a des projets pour l’éducation des enfants. Beaucoup doivent abandonner l’école pour des travaux domestiques. Certains qui n’ont plus de parents vont à l’école à tour de rôle : l’un va à l’école, tandis que l’autre cuisine ou garde la maison. Stand Speak Rise Up ! donne des fonds pour permettre à ces enfants d’étudier et de donner l’exemple aux autres pour aller à l’école chaque jour. Ces enfants qui sont aidés sont les meilleurs dans leurs classes et leurs résultats sont communiqués par les professeurs à l’association.
Janette : Quel message aimeriez-vous faire passer aujourd’hui ?
Sylvia : Les institutions nationales et internationales doivent porter une attention particulière à tous les conflits et ne pas oublier les victimes qui souffrent. La guerre est partout. Soutenir l’éducation est la clé. Au travers de ses actions, S.A.R. la Grande-Duchesse apporte l’espoir, la santé, la vie aux femmes de Golden Women Vision en Ouganda. Personne ne les avaient aidé avant. Nous avons besoin de ressources et d’endroits sûrs pour les victimes, pour pouvoir les soigner, leur rendre justice. Le monde devrait prendre exemple sur votre Grande-Duchesse ! Je voudrais la remercier, ainsi que l’association Stand Speak Rise Up !, « They should be blessed ».
Justine, militante congolaise, fondatrice de Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles, apporte un soutien juridique et sensibilise sur les violences sexuelles en République Démocratique du Congo tout en plaidant pour la justice en faveur des Survivantes.
Janette : Comment êtes-vous entrée en contact avec Stand Speak Rise Up ! ?
Justine : S.A.R. la Grande-Duchesse a été informée de la publication de mon livre « Femmes debout face à la guerre » aux éditions de l’aube paru en mars. Elle a voulu me rencontrer. C’est une femme au grand coeur qui veut vraiment que les Survivantes soient au centre de ce qu’elle entreprend. Nous sommes actuellement en train d’imaginer un projet de collaboration entre son association et la mienne.
Janette : Comment aidez-vous les Survivantes ?
Justine : Justine : En 2003, j’ai créé Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles. Cette création découle du contexte dans lequel j’ai évolué. J’ai trouvé du travail après mes études dans une organisation locale qui s’occupaient des femmes paysannes qui travaillent dans les champs et nous ont raconté qu’elles y étaient abusées. Un rapport « la guerre dans la guerre » a aussi été publié sur les problèmes de viols à l’est de la RDC, des viols de masse comme arme de guerre. Il fallait que ces femmes puissent être prises en charge. Elles avaient des lésions physiques graves, elles étaient traumatisées, bafouées et rejetées. La réparation devait alors se faire à différents niveaux et la prise en charge devait être globale, jusqu’à aller en justice avec les femmes qui pouvaient reconnaitre leurs agresseurs.
Puis, l’expérience du terrain est une chose, mais il fallait aussi s’attaquer aux causes. À savoir : les richesses de la RDC et l’exploitation illégale des ressources ; l’impunité, la corruption, l’absence de justice ; la non réforme de la police et de l’armée qui sont sans formation ; les coutumes et les traditions qui considèrent la femme comme une personne de second rang.
Cela fait 30 ans que nous sommes en guerre. Il y a des périodes d’accalmie, mais depuis 3 ans la guerre a repris. D’après Médecins Sans Frontières, 244 femmes sont violées par semaine. Pour moi, cela correspond seulement à celles qui en informent MSF. Mais il y en beaucoup plus que cela. Et ce ne sont pas des viols pour le plaisir sexuel, mais pour détruire. À 13 ans, une jeune fille responsable de ses frères et soeur, chef de famille, est obligée de donner son corps pour survivre. S’en suivent grossesse précoce et MST. Que va-elle devenir avec un enfant à 13 ans et n’ayant pas été scolarisée ? C’est tout une génération qui est détruite.
Janette : Vous prenez des risques à dénoncer cette situation.
Justine : Oui, non seulement auprès des autorités, mais aussi des groupes rebelles. J’ai dû quitté plusieurs fois le pays. La dernière menace en date date du 7 ajout 2024. À 6 heures, ma fille vient me dire que des militaires doivent entrer chez nous pour contrôler. Six militaires sont entrés dans la maison et ont fouillé pendant 45 minutes. Ils disaient qu’ils cherchaient des armes et, en fait, ils cherchaient mon livre. Heureusement, il n’y avait pas de copie du livre à la maison. C’est certainement ce qui m’a sauvée. Mais j’ai peur maintenant. Je sais qu’à tout moment ils peuvent revenir.
Parfois, j’ai envie d’abandonner l’action à cause de ces menaces. J’ai vraiment failli le faire lorsqu’ils se sont attaqués à mes enfants. Ils les ont tabassés. Ma première fille a perdu une dent. Ma seconde fille, on a voulu la violer et on a introduit un couteau dans son anus. C’était vraiment horrible. Cette fois-ci, je me suis dit : « J’abandonne, je ne sais pas comment continuer. »
Mais les femmes que j’accompagne sont venues me trouver et m’ont dit : « Si, toi non plus, tu ne veux plus amener notre voix là où nous ne pouvons pas la porter, comment va-t-on faire ? ». En voyant ces femmes, je me suis convaincue que je devais continuer…
Justine : J’ai un message à faire passer à deux catégories de gens.
D’abord aux donateurs que je remercie pour tout ce qu’ils font, pour redonner le sourire aux femmes victimes de violences sexuelles en RDC. Qu’ils continuent à soutenir ses actions. Beaucoup de familles sont sauvées grâce à cela.
Aussi à la communauté internationale. La guerre en RDC, c’est à cause de ses ressources. Vous avez l’ordinateur portable, vous avez le téléphone (en effet mon laptop et mon smartphone sont posés sur la table sur laquelle nous sommes installées et je commence à me sentir mal, ndlr). 80% du coltan qui vous facilite la communication avec le monde entier vient de ma province. C’est le malheur pour lequel les femmes sont violées et les enfants utilisés comme des enfants soldats qui portent des armes. Il y a aussi le développement écologique et les batteries pour les moteurs électriques. Le cobalt, le lithium viennent de l’Est de la RDC. Alors je dis : « Nous vous donnons la facilité, le développement écologique, donnez-nous la paix. Rien que la paix. »
Il y a Gaza, il y a l’Ukraine, mais la guerre en RDC n’est pas dans les médias. Personne n’en parle. Et pourtant, il a des morts chaque jour. Chaque jour, on enterre des gens.
Janette : Comment vous aider ?
Justine : Pour nous aider, il faut passer par Stand Speak Rise Up ! que j’aimerais remercier pour cette opportunité donnée pour que je puisse, encore une fois, porter la voix de femme de RDC et celle des victimes des conflits.
Pour faire un don à l’association Stand Speak Rise Up!, utilisez les coordonnées bancaires de l’association – IBAN : LU42 1111 7233 4516 0000 – BIC / SWIFT : CCPLLULL.
Plus d’informations sur standspeakriseup.lu.
L’avion décoré.
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