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« Soror »

par Charles Demoulin

30 mai 2021

Après ‘Riviera’, paru en 2013 chez Actes Sud, Mathilde Janin, chez ce même éditeur, nous propose un second roman aussi inventif que bouleversant de justesse, et axé sur l’éclosion de la féminité chez les adolescentes d’aujourd’hui et même d’hier. Via une plume mélodique et cabossée, lyrique et tranchante, elle orchestre de façon saisissante de créativité, un récit fait de mensonges, de semi-vérités et d’angles morts. En décryptant son ouvrage, on peut comprendre pourquoi les victimes de violences sexuelles ne sont guère écoutées. Mais la société veut-elle vraiment les écouter et les voir libres?

Alors qu’il sort d’un concert donné en province, Jérôme, violoncelliste classique, tombe par hasard sur Nicola, une jeune fille à la beauté redoutable et à l’étrangeté farouche. Nicola ou Nick qu’il n’a plus revue depuis le collège, époque où Yaël, sa sœur, était inséparable de Nicola. Nicola qui enviait Yaël pour son audace de voleuse à l’étalage, pour son charme banal et vulgaire d’ado plantureuse, pour sa facilité déconcertante à se faire des amies et à embrasser les garçons. Quant à Yaël, elle était attirée par la beauté hautaine de Nicola, par le confort de sa grande demeure vide, mais également par sa mélancolie de solitaire. Mais aujourd’hui Jérôme a du mal à reconnaître cette ado qui naguère l’avait séduit. Toutefois, lorsque Nicola le prend dans ses bras, le doute n’est plus permis. Et tous deux de plonger dans un passé rempli de zones d’ombre. Bien loin de là, une musicienne au crâne rasé se faisant appeler Légion sillonne la France et l’Europe en jouant dans les bars. Curieusement, c’est son nom qui est tatoué sur le bras de Nicola. D’un bout à l’autre de cet étrange puzzle, les pièces manquantes seraient des enfants étudiant le violon dans un château entouré de hauts murs, un frère mort trop tôt, un poète amoureux, une actrice mystérieusement disparue, un professeur de piano aux boucles angéliques, et une fillette qui attend sa mère bien tard après l’école. Le puzzle enfin terminé, on se rend compte que Mathilde Janin entend confronter des jeunes filles, à la névrose et au déni d’une société qui n’entend pas les voir libres. Elle invente une poétique de la mémoire fracassée, et mise sur l’antidote des amitiés extraordinaires.

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