par Charles Demoulin
20 mars 2022
Ce dimanche 20 mars est la journée mondiale du bonheur. Alors, parmi les nouveautés arrivées en librairies, j’ai cherché un titre où il serait question de bonheur. Et qu’importe sa forme ! En parcourant les quatrièmes de couverture j’ai finalement, avec ce premier roman que signe Claire Vigarello chez Albin Michel, déniché mon… bonheur. Bonheur qui j’espère sera aussi le vôtre.
Sylvie, le personnage central, est le type même de l’héroïne improbable. Et pourtant ! Aujourd’hui, le résultat est là : Sylvie est devenue invisible. Le monde l’a étiquetée grosse, timide, maladroite. Bref, sans intérêt. Le monde l’a tout simplement éjectée. Bien évidemment cela n’est pas arrivé en un jour, ni en un mois, ni même en une année. Il a fallu du temps, sans doute un certain temps. Mais voilà, le constat était là !
Pour elle, cela n’était pas complètement désagréable. C’était comme être assise dans un train en regardant défiler, bien au chaud, les paysages. Les autres prenaient la parole, les décisions, les engagements, criaient, se disputaient, voire s’étripaient joyeusement. Pendant ce temps Sylvie prenait des notes, que personne ne lisait, pas même elle. Elle n’avait pas plus d’importance qu’un petit coléoptère qui serait passé vers 7 heures du matin sous les fenêtres de ‘MaBelleNuit’, entreprise spécialisée dans le matelas haut de gamme made in France pour laquelle elle travaillait depuis six ans.
Elle avait bien un peu lutté, surtout au début. On ne s’habitue pas comme ça à passer dans l’invisibilité. Il faut du temps. Alors, au tout début, elle y avait cru. Tout restait possible, ce n’était qu’un triste malentendu, les choses allaient s’arranger. Sylvie avait voulu lier des amitiés, tenter quelques échanges à la machine à café sur l’orientation scolaire, les week-ends barbecue, l’action des syndicats, le nouveau boss qui avait pris ses fonctions en avril, ou encore les gâteaux hypercaloriques de la cantine, bref sur la marche du monde. Elle avait tourné dans sa tête les plus belles répliques et même inventé des blagues très très drôles. Hélas, les réparties les plus percutantes lui venaient une fois seule à son bureau, devant le fond d’écran plage et cocotiers de son ordinateur. Quand elle était au milieu des autres, elle se contentait de hocher la tête, de murmurer quelques oui, ou mieux, de répéter leurs mots d’un air complice. Seule Nadine, la boss du syndicat, lui faisait toujours de petits clins d’œil pour l’encourager. C’était son ange gardien.
La suite ? Quelque chose qui va naître en elle et se développer peu à peu. Comme un être qui lui sera propre, intime, qui la prendra par la main, lui fera perdre du poids, parler aux autres, la fera vivre, jouir… Bref son héroïne qui lui dira : « Viens, on s’en fout, le monde est nous. » Son héroïne qui transformera sa vie en un roman merveilleux, en un bonheur flamboyant.
Malicieux et tendre, réjouissant d’un bout à l’autre de ses quelque 410 pages faites d’une écriture vive, plaisante et pétillante, voilà un roman qui fait du bien et qui s’impose comme une irrésistible invitation à réveiller l’héroïne qui est en vous mesdames. Un vrai bonheur !
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