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Le syndrome d’alcoolisation foetale : « Les risques encourus sont encore trop souvent méconnus »

par Elodie Lambion

7 septembre 2023

Ce 9 septembre, c’est la journée mondiale de sensibilisation au syndrome d’alcoolisation foetale. Sujet de société, les risques encourus par le foetus sont trop souvent méconnus. Janette a rencontré Lisa Hatto du Quai 57 (arcus asbl), chargée de mission sur la prévention de ce syndrome soutenue par André Losch Fondation.

  • Que signifie le syndrome d’alcoolisation foetale ?

C’est un terme assez vague, peu connu. En fait, parmi les troubles dus à la consommation d’alcool durant la grossesse, c’est-à-dire de la fécondation à la naissance, le syndrome d’alcoolisation foetale est la forme la plus forte. Les troubles peuvent être d’ordre cognitif, comportemental ou/et physique.

  • La recommandation « zéro alcool pendant la grossesse » ne s’adresse pas uniquement à la maman. Expliquez-nous.

Nous voulons sensibiliser le grand public vis-à-vis des risques. Notre but n’est pas du tout de culpabiliser la future maman. C’est déjà assez compliqué pour elle de savoir ce qu’elle peut faire ou ne pas faire lors de sa grossesse, elle reçoit tellement d’informations. Son entourage joue un rôle important puisque c’est souvent la pression sociale qui fait qu’elle va boire juste une petite gorgée d’alcool. Informer toutes les générations est donc une nécessité. Par exemple, il y a 25 ans, les dépliants donnés à la future maman prétendaient qu’un ou deux verres de vin par semaine étaient moins dangereux que le stress. Il faut changer les mentalités.

  • Quelles peuvent être les séquelles pour l’enfant ?

Récemment, en 2020 et 2021, de nouvelles études ont démontré qu’une faible consommation d’alcool durant la grossesse peut avoir des effets néfastes sur les organes, notamment le cerveau et le système nerveux central du bébé. Le cerveau étant vulnérable, même un seul verre d’alcool peut endommager celui-ci et empêcher les cellules de se développer comme elles devraient le faire. On ne s’en rend pas spécialement compte, mais un verre standard d’alcool, qu’il s’agisse d’une coupe de champagne ou d’un shot de tequila, contient la même quantité d’éthanol.

  • La génétique entre en ligne de compte. Pouvez-vous nous en dire davantage.

L’influence de l’alcool sur le foetus dépend de la génétique de la mère ainsi que de celle du bébé. Prenons l’exemple d’une maman enceinte de jumeaux qui va consommer de l’alcool en faible quantité. Cela peut avoir des répercussions sur l’un des bébés, mais pas sur l’autre. Évidemment, il existe une relation entre le nombre de verres consommés et la sévérité de la forme.

  • La banalisation de l’alcool est-elle problématique ?

Dans notre société, c’est normal de boire et c’est l’inverse qui fait réagir. Or, les chiffres montrent qu’une femme sur quatre continue à consommer de l’alcool durant sa grossesse. Au Luxembourg, on estime qu’un enfant naît tous les trois jours avec ce syndrome : environ 120 bébés par an. La prévention est problématique : le grand public ne connaît pas assez les risques encourus. Si une femme met plus ou moins 2 heures à assimiler un verre de vin, le foetus mettra 10 fois plus de temps, c’est-à-dire environ 20 h. Cela provoque donc des dommages, surtout que l’alcool traverse la barrière placentaire. L’alcool est un poison pour le foetus d’où la recommandation « zéro alcool ».

  • Concrètement, comment la maman peut-elle faire pour éviter tout risque ?

Idéalement, dès le désir de grossesse, dès l’arrêt de la contraception, c’est-à-dire au moins 3 mois avant la conception, il est recommandé d’arrêter toute consommation d’alcool jusqu’à la naissance.

  • Le diagnostic clinique est presque inexistant. À quoi cela est-il dû ?

S’il y a une consommation modérée, les troubles sont difficiles à diagnostiquer dès la naissance. Actuellement, il n’existe pas de repérage, dépistage au Luxembourg. De ce fait, généralement, cela se manifeste plus tard lors de la scolarité de l’enfant lorsque celui-ci présente des troubles de l’apprentissage tels que la dyslexie, la dyscalculie, etc. Trop peu de questions sont posées aux mamans à ce sujet : le dépistage ne se fait donc pas. Si un professionnel interroge la maman, sa réponse, basée sur la confiance, n’est notée nulle part. Il est également difficile pour elle de se rappeler si elle a bu de l’alcool alors qu’elle ne savait peut-être pas encore qu’elle était enceinte. Il n’y a donc pas de prise en charge directe de l’enfant.

  • Les professionnels ont-ils également un rôle à jouer ?

Lors d’un premier rendez-vous chez le gynécologue, l’adolescente devrait être informée par rapport à ce syndrome. Si les professionnels abordent ouvertement celui-ci, tout le monde aura le même niveau de connaissances. Il faudrait en parler davantage dès le plus jeune âge, car il s’agit de la première cause de handicap mental d’origine non-génétique chez l’enfant.

  • Workshop dans les lycées, les institutions, pourquoi vous adressez-vous aux jeunes ?

C’est vraiment un problème de santé publique. C’est la raison pour laquelle nous essayons de toucher les jeunes, les futurs parents, les adultes de demain, car ce n’est pas que la responsabilité de la maman, c’est aussi celle de l’entourage, du partenaire, de la société. Lorsque nous allons à leur rencontre, notamment dans le cadre d’un workshop, nous constatons que les jeunes sont très intéressés et ce, même les garçons. D’ailleurs, pour la rentrée, nous lançons un concours auprès d’environ 220 institutions luxembourgeoises qui s’occupent de la jeunesse. Le but sera de créer une affiche en lien avec cette problématique. Les plus représentatives seront sélectionnées afin d’être diffusées au Grand-Duché.

Service d’arcus asbl, le Quai 57 fournit une aide psychosociale, socio-thérapeutique et psychothérapeutique à destination des personnes souffrant d’une addiction ainsi qu’à leur entourage. Chargé de cette mission de prévention, le Quai 57 (arcus asbl) est soutenu par André Losch Fondation.

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