par Claudine Boulanger-Pic
16 décembre 2020
Comme toutes les Janette vous vous interrogez : que dire à mon enfant? Comment lui éviter la peine et la déception quand il découvre la vérité ? N’est ce pas leur mentir quand justement on leur apprend à ne pas le faire ?
Vous savez sans doute que le Père Noël est une création récente. Il y a toujours eu des fêtes où l’on faisait des cadeaux aux enfants. Mais le Père Noël, généreux donateur et qui transporte le cadeau est une invention presque neuve. C’est une campagne publicitaire de Coca-Cola dans l’entre-deux guerre qui fixe l’iconographie du Père Noël rouge et blanc parait-il !
On ne peut alors s’empêcher de souligner la fonction mercantile qui s’y rattache. Un point positif cependant: l’enfant adresse sa liste à quelqu’un d’extérieur au foyer et lorsqu’il est comblé, il ne se sent pas en dette d’un contre-don impossible à l’égard de ses parents. Mais, grâce au Père Noël, il apprend à vouloir posséder beaucoup, à formuler ses demandes (la- de plus en plus grande- lettre au Père Noël) et à les recevoir magiquement, de la main invisible.
Et que se passe-t-il quand la famille subit de plein fouet les conséquences de l’économie actuelle? Comment expliquer à un enfant l’injustice du Père Noël qui, à ses camarades, apporte des cadeaux d’une grande valeur alors que lui n’a le droit qu’à un cadeau symbolique, alors qu’on l’a laissé désirer les mêmes objets que les autres ? Les partisans du Père Noël ont-ils pensé aux effets culpabilisants de cette croyance chez les parents qui doivent répondre à des questions légitimes sur l’injustice du Père Noël ?
Alors, les Janette, sortez de ce schéma marchand et stressant. Quoi dire ? Que faire ? Quel cadeau ? À qui ?… Faîtes simple et beau. Restez dans la magie, les lumières qui clignotent, la musique qui émeut et berce, les odeurs d’orange et de pain d’épice… Faire croire au Père Noël, c’est beaucoup plus qu’un « doux mensonge ». Toute la « magie » qui entoure cette fête est une belle histoire. Le Père Noël, ses lutins, les rennes et tout ce qui entoure l’histoire de Noël, font partie de la fantaisie et nourrissent l’imaginaire des enfants. Jusqu’à l’âge de 7-8 ans, l’enfant est dans la pensée magique, imagine plein de scénarios et s’invente des histoires. Il est important pour le développement de l’enfant, pour son adaptation à la vie et aux difficultés qu’elle renferme, de stimuler son imaginaire. Comme le mentionne Monique Brillon, dans son livre « La pensée qui soigne ».
« C’est également durant cette période de pensée magique que se construit une base, plus ou moins solide, à l’intérieur de l’enfant. Le Père Noël est un personnage bon et souriant et il fait ainsi partie des représentations positives de l’enfant. En ce sens, on pourrait dire que de permettre à l’enfant de croire au Père Noël (ou autre personnage mythique du genre), en la magie, c’est lui donner espoir en la vie, le sécuriser, le rassurer devant les obstacles, lui donner accès à quelque chose de bon pour lui ».**
Cela permet aussi de favoriser la patience par l’attente et l’anticipation : on en parle longtemps à l’avance de cette grande fête, on fait le décompte des 24 jours de préparation avec un calendrier de l’Avent. Pour l’enfant qui croit qu’on peut obtenir beaucoup de choses rapidement, vivre cette attente positivement l’aide à vivre d’autres attentes plus difficiles que la vie apporte.
Il est par ailleurs fréquent de rencontrer des enfants qui ont peur du Père Noël et on doit comprendre. Je recommande de ne pas insister pour que l’enfant s’approche du Père Noël. Restez à distance, laissez-le observer les autres enfants qui s’approchent du personnage pour lui permettre d’apprivoiser cet inconnu. L’enfant choisira quand il sera prêt à l’approcher.
Après 7-8 ans, le grand enfant développe la pensée concrète qui lui permet de rassembler des faits pour construire une conclusion logique. C’est lorsque l’enfant atteint cet âge, dit de raison, qu’il pose beaucoup de questions à ses parents. Elles tournent d’abord autour de faits concrets : « Comment le Père Noël peut-il entrer chez nous puisque nous n’avons pas de cheminée? » J’aime bien répondre à l’enfant en lui retournant d’abord la question pour susciter son imaginaire et ses fantasmes autour du sujet : « Je ne sais pas. Toi, tu penses quoi ? » Vous aurez alors droit à de belles réponses imaginées par l’enfant. Si celui-ci ne donne pas de réponse et que vous ne savez que dire, appuyez vous sur la magie de Noël pour répondre. Laissez-vous entrer dans leur imaginaire, ça peut tellement être plaisant et vous faire retrouver votre cœur d’enfant!
Plus l’enfant grandit, plus les questions sont élaborées : « Comment fait-il pour distribuer en une nuit tous les cadeaux à tous les enfants du monde ? », « Pourquoi papa n’est jamais là quand le Père Noël arrive? » Il aura des doutes mais il voudra encore y croire. Puis, les questions vont se multiplier et pourront devenir insistantes. Le processus se fera naturellement car, petit à petit, l’enfant entendra des choses qui vont ébranler ses croyances, mais il ne prendra que ce qu’il est prêt à entendre. En revanche, si les questions deviennent trop insistantes et que le jeu de la magie n’est plus drôle, par exemple : « Maman, papa, dites-moi la vérité! Je sais que le père Noël n’existe pas pour de vrai… », à ce moment, il ne sert à rien de continuer à faire semblant, l’enfant ne peut plus jouer. Il vaut mieux préserver le lien de confiance et mettre l’accent sur le fait que l’enfant est devenu assez grand pour réaliser que c’est une belle histoire qui nous permet de vivre de beaux moments, nous rappelle de tendres souvenirs, et c’est ce qui fait que les adultes continuent de parler du Père Noël pour se permettre de les revivre. L’enfant sera certes un peu déçu, mais à la hauteur de ce qu’il sera capable de vivre.
Il y a des grands et des petits à la maison? Apprenez au plus vieux à se sentir les grands qui savent et ils cèderont naturellement aux plus jeunes la faiblesse « de croire encore au Père Noël », ils entretiendront la magie devant eux, pour eux et avec vous. On peut alors penser qu’il s’agit bien d’apprendre à l’enfant quelque chose qui ne relève pas du mensonge mais d’une toute autre thématique : celle du secret. Car pour les parents, c’est bien de secret dont il s’agit dans les préparatifs de Noël. Pas de mensonge mais un secret partagé avec les enfants » qui n’y croient plus « . La croyance au Père Noël pourrait ainsi avoir cette fonction de formation au secret complice, bienveillant et social, partagé à plusieurs, secret nécessaire à la formation du « je ».
On peut donc faire l’hypothèse suivante : la raison pour laquelle nous restons au fond très attachés à cette croyance, c’est que dans le bonheur des enfants, nous, les parents, retrouvons le nôtre.
www.mieuzen.com
**Nathalie Parent, « La famille et les parents d’aujourd’hui – La communication entre parents et enfants »
*Stéphane Barbéry, www.barbery.net
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