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« Le Pavillon des combattantes »

par Charles Demoulin

21 novembre 2021

Publiée en France aux Presses de la Cité, l’Irlandaise Emma Donoghue propose, sous forme de huis clos, un ouvrage qui démontre que l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement.

Plaçant les trois femmes qui constituent ses personnages principaux au cœur même de cette autre pandémie que fut la grippe espagnole apparue en 1918 et qui fit des millions de morts – les chercheurs Niall Johnson et Juergen Mueller estimaient, en 2002, le bilan réel à 100 millions de personnes décédées -, elle nous entraîne dans le Dublin de l’époque pour un récit tissé sur des faits réels.  Des événements qui dépeignent de façon chirurgicale, ce qu’était l’Irlande du début du XXe siècle. Un grand moment de lecture, d’Histoire et d’héroïsme au féminin.

Ce voyage à Dublin ne durera que trois jours. Mais ce bref laps de temps sera suffisant pour permettre à l’auteure de nous brosser une incroyable chronique axée sur la politique, le social, les milieux hospitaliers, les orphelinats, les maisons pour filles-mères ou encore le féminisme naissant, inhérents à l’Irlande de l’époque. Une Irlande où les horreurs engendrées par les institutions catholiques du pays étaient du domaine de l’insoutenable, mais pourtant passées sous silence.

En 1918, à l’heure du début de ce récit, Dublin est non seulement ravagé par la guerre, mais cette tueuse implacable qu’est l’épidémie d’Influenza accentue plus encore l’effondrement de l’Ancien Monde. Durant ces trois journées, ce sera Julia Power, une infirmière qui incarne à merveille le rôle que joueront les combattantes en blouse blanche, qui nous fera pénétrer dans son service réservé aux femmes enceintes touchées par la pandémie. Aux victimes de la Grande Guerre, qui vient juste de s’achever, s’ajoutent désormais celles de ce virus appelé grippe espagnole… même s’il n’a absolument rien à voir avec l’Espagne. Partout, c’est la confusion, avec un gouvernement qui s’avère impuissant pour protéger sa population. Dans son unité de maternité réduite à trois lits et qui, par ailleurs, manque de tout, Julia se retrouve seule pour gérer cette maladie inconnue. Certes, elle peut disposer de l’aide de Bridie Sweeney, une jeune orpheline bénévole, ou encore, mais très rarement, des conseils avisés de la doctoresse Katleen Lynn, personnage véridique. Reste que cette dernière, membre éminent du Sinn Féin, est considérée par la police comme une dangereuse terroriste.

C’est donc dans ce climat de manque et d’insécurité que ces trois femmes s’acharnent dans le défi qu’elles ont lancé à ‘l’homme squelette’… la mort, pour lui ravir le plus grand nombre de femmes et enfants. Bouleversant et surtout : d’une saisissante actualité.

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