par Charles Demoulin
1 mai 2022
Je ne connaissais pas l’auteure, Yaël Cojot-Golberg, publiée ici chez Seuil. Et ce même si elle est scénariste et réalisatrice pour le cinéma et la télévision. Du coup, j’ai été farfouiller sur Google pour en savoir davantage. J’ai notamment découvert que si cet ouvrage est son premier récit littéraire, elle s’était déjà fendue d’un petit livret du type ‘bons conseils’, et qui portait le titre de : « Je suis grosse et j’aime ça ». De quoi mieux comprendre ce roman pour le moins intimiste.
Vous en voulez une preuve ? Alors, analysez cette phrase : « J’écoute sous l’eau ce silence si particulier du lac, sa berceuse. Je n’ai, de ma vie entière, jamais eu le sentiment d’être si parfaitement au bon endroit, au bon moment. Mon corps fait le lien entre la terre et le ciel, entre l’eau et l’air. ‘Je suis moi’, me répété-je en boucle, comme pour vérifier l’effet sonore de cette révélation. ‘Je suis moi’. ‘Je suis moi’. »
Donc, en fouillant dans le passé de cette gente dame, j’ai découvert qu’à la suite de sa première grossesse, elle a assumé, avec beaucoup d’humour, l’arrivée de quelques kilos malvenus qui ont mis tout en œuvre pour demeurer là où ils avaient trouvé refuge. Et s’il est vrai qu’auparavant elle aurait suivi tous les régimes qu’on lui aurait proposés, dès la venue de bébé, Yaël a assumé.
Cette digression établie, venons-en à ce lac magique caché dans une forêt du Canada. Un lac où l’eau est pure et délicieuse. Un lac où les matins d’été, seules les femmes ont le droit de s’y baigner. Jeunes ou âgées, elles y nagent toutes nues, frôlant çà et là de frêles nénuphars. Et ce selon un rituel qu’elles tiennent probablement de leur mère.
À la faveur de ces baignades enchanteresses avec ces femmes qui lui semblent si libres, si épanouies, l’auteure raconte comment, le temps de ces vacances inoubliables, elle a renoué avec une féminité jusqu’ici contrariée, tout en revisitant l’histoire de sa judéité. Baignade après baignade, l’eau du lac va l’apaiser et lui procurer une force à la fois inédite et mystérieuse.
Et de se poser la question de savoir si c’est la beauté réparatrice de la nature ou le lien profond qui se tisse entre ces femmes qui lui permet désormais de croire que tout semble possible. Ce qui avant lui faisait si peur, comme, par exemple, laisser ses filles, prendre du plaisir loin de son mari, plonger du ponton… fait désormais partie de ses possibilités. Un peu comme si le lac avait dissous un sentiment de culpabilité jusque-là tenace. En fait ce petit poison connu de tant de femmes et qui attise souvent leur inhibition.
C’est par le truchement d’une écriture légère et très lisible, que Yaël Cojot-Golberg nous livre, via un récit délicat et original, le cheminement d’une renaissance, ou, plus volontiers, d’une réconciliation intime. Qu’est-ce que ça apaise ! Et qu’est-ce que c’est beau !
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