#Rencontres | #Janette, toujours au fait

Janette rencontre Stéphanie Jauquet pour les 10 ans de Cocottes !

par Paule Kiénert

9 septembre 2024

Cocottes, le concept traiteur et salon de thé aussi « healthy » que
« trendy » que toutes les Janette connaissent au Luxembourg, fête son 10ème anniversaire cette année. Il compte 240 collaborateurs et 16 boutiques (la 17ème ouvrira en octobre au Kirchberg). Une véritable «succes story » pour sa fondatrice, Stéphanie Jauquet, dont nous avons tenté de connaitre la recette…

Quelles ont été les plus grandes difficultés et les plus grandes satisfactions durant ces 10 années ?

Pour les difficultés, je me souviens de notre emménagement à Grass : il a fallu arrêter de produire un vendredi à midi et on commençait le lundi matin dans 2000 m2 carrés d’une nouvelle cuisine. Arrêter la production d’un côté, déménager tout le matériel de l’autre et redémarrer dans la nuit du dimanche au lundi, ça a été un challenge bien relevé par les équipes. Je garde en tête un gros stress, aussi pour monter ce projet – c’est un bâtiment qui a coûté pas loin de 5 millions d’euros.

Avec Cocottes, on a traversé plein d’épreuves dont j’ai toujours retiré du positif. Idem pour la crise Covid. On a dû effectuer des livraisons aux quatre coins du pays et on aussi développé les Cocottes dans les centres commerciaux. J’ai ensuite continué cette évolution. Nous sommes à présent dans les zones de bureaux, dans les centres-villes et dans les centres commerciaux. En cas de crise, Cocottes n’a pas tous ses oeufs dans le même panier!

En ce qui concerne les grandes satisfactions, dernièrement, nous avons reçu le PIA 2024. Je crois que c’est la première fois au Luxembourg qu’une entreprise reçoit un prix de l’innovation dans le secteur du commerce de bouche. Et aussi, je suis heureuse de fêter les 10 ans dans l’entreprise de collaborateurs qui sont là depuis le début. À l’heure où les gens papillonnent beaucoup dans leur parcours professionnel, c’est une fierté.

Cocottes, c’est un concept original. Comment l’idée vous est-elle venue ? Quelle est la genèse de ce projet ?

On avait un local à la Cloche d’Or, 900 m2 de restaurant, qui ne fonctionnait que le midi puisque c’était une zone de bureaux. On payait donc un loyer pour ne travailler que 5 midis par semaine. J’avais plusieurs anciens collègues sur le marché du travail, donc la main d’oeuvre et le noyau de base – chef pâtissier, boulanger, vendeur, chef de cuisine – était disponible. Je me suis dit : il y a quelque chose à faire pour développer l’activité. On a alors transformé une petite salle au bout du resto en mini magasin et, 6 mois après, on ouvrait en ville, rue Beaumont – c’était en décembre 2014. La restauration classique en horaires coupés était déjà quelque chose de compliqué pour trouver du personnel et je voulais m’orienter vers un métier moins contraignant.

Et ce nom «Cocottes», comment est-il né ?

On voulait un nom qui nous permette d’englober plusieurs concepts et d’avoir une communication décalée qui fasse référence aux cocottes à l’ancienne, à la poule ou au poulet qu’on cuisine. Je me souviens des premières « baselines » comme « Roule ma poule ! » ou « Cocottes un jour, Cocottes toujours ».

Vous êtes aussi la fondatrice de Um plateau ( 2008 ), de La Baraque ( 2021 ) et plus récemment    ( en 2023 ) de G.A.N.G. Avez-vous toujours su quel métier vous vouliez faire ? Comment est venue votre vocation ?

Non, pas du tout. Je ne savais pas ce que je voulais faire. J’ai fait des études de sciences commer- ciales qui me laissaient le temps de choisir. J’ai mis le pied dans la restauration vers l’âge de 15 ans. Je faisais du baby-sitting pour des voisins qui avaient un hôtel-restaurant juste à côté de chez moi. J’y ai côtoyé les différents métiers de la restauration. Du baby-sitting, je suis passée à la plonge avec ma meilleure amie de l’époque. On y bossait tous les week-ends, durant les vacances scolaires. Puis de la plonge, je suis passée à la salle et j’ai donné un coup de main en cuisine. J’ai touché à tous les métiers et ça a été une révélation. Après 3 ans de sciences commerciales, je me suis redirigée vers la gestion hôtelière pour 3 ans encore, pour avoir un diplôme et l’accès à la profession. Et Luxembourg, par hasard. De la bande de jeunes qui travaillait dans ce restaurant où j’ai fait mes débuts, l’un est parti travailler au Luxembourg. Il m’a alors parlé de son patron qui cherchait un responsable de salle. Je me suis dit que je pouvais y venir pour 6 mois / 1 an et ça fait 27 ans. Je n’ai jamais refait le trajet dans l’autre sens ! Vers Gesves, province de Namur – ndlr.

Quelle place occupe le travail dans votre vie ?

Toute la place ! Je me lève, je vais travailler. Je rentre du travail, je vais me coucher. Quand je suis au travail, je suis aussi bien derrière mon ordinateur, qu’assise avec des clients devenus des copains à boire un verre de vin ou une bière. Ce n’est pas forcément du travail difficile ! C’est tellement varié. Je pense que c’est propre à tous les chefs d’entreprise. On touche à toutes les disciplines : compta, social, dégustations de vin, testing en cuisine, meetings avec les équipes, rencontre avec les fournisseurs… On ne s’ennuie pas ! Même mes voyages, je les fais avec un oeil sur ce qui ce fait. Je prends des photos, je reviens avec des idées d’emballages, de tenues pour le personnel… Je m’inspire.

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

Ce côté pluriel. De ne jamais s’ennuyer, ce n’est jamais répétitif. Et aussi les rencontres.

Et en dehors ?

J’aime être tranquille, m’isoler. Je suis tout le temps en contact avec des gens, clients ou personnel. Et ça me fait du bien de retourner aux sources. Je rénove une petite maison avec un grand jardin en Belgique. Encore un projet ! Je vais y mettre des animaux, un potager, un verger. Je ne cuisine finalement jamais, mais je vais m’y remettre !

Si vous pouviez changer quelque chose à votre parcours, ce serait ?
Je ne crois pas que je changerais grand-chose. Je me serais peut-être mise plus vite à mon compte. Je l’ai fait en 2008, mais c’est que je n’étais peut-être pas prête avant. Je ne regrette pas non plus les périodes compliquées. Tout n’a pas été rose, mais toutes les expériences de mon parcours m’ont servi.

Selon vous, quelles sont les clefs pour réussir un parcours professionnel, et notamment pour entreprendre ?

Je pense qu’il faut d’abord être passionné par ce qu’on fait, par le domaine choisi. Sans passion, c’est difficile de tenir. Jouer la carte de la franchise et de l’honnêteté permet de construire sur des bases solides, contrairement au paraitre ou au mensonge. Et je pense aussi qu’il faut faire confiance et déléguer aux gens qui nous entourent, aux équipes. Un petit peu de courage aussi (rires) ou être un peu zinzin !

On dit que les temps actuels sont durs. Qu’en pensez-vous ?

Je trouve que 2023/2024, avec l’inflation, l’augmentation du coût de l’énergie, des marchandises, des ingrédients qui composent nos recettes, est difficile. Comment y faire face ? Augmenter les prix ? Changer les recettes ? Ça me semble plus compliqué pour un chef d’entreprise que de gérer la crise Covid. On n’avait alors pas le choix et il y a eu des aides qui nous ont permis de survivre. Cela dit, j’essaie de rester toujours positive. Ça me coûte cher en thérapie, reiki, hypnose, acuponcture, toutes ces choses pour éliminer le stress (rires) ! Quand j’étais petite et qu’on râlait ou qu’on avait du mal à faire quelque chose, ma grand-mère nous disait : « ça ne va jamais si bien, mais jamais si mal non plus ». Ça veut dire Carpe Diem. Je trouve que les gens qui voient des problèmes partout et se plaignent de tout génèrent du négatif.

Stéphanie Jauquet – Cocottes centre ville Luxembourg – crédit photo Nader Ghavami

Comment faites-vous pour garder la forme ?

Quand je veux vraiment déconnecter, je pars à l’étranger. Personne ne me contacte, sauf s’il y a le feu ! Mes équipes respectent cela. Ça me permet de recharger les batteries. Et pour garder la ligne, je mange du Cocottes, c’est équilibré. Je mange de bonnes choses, même si ce n’est pas à heures régu- lières. Je ne fais pas de sport, c’est vrai, mais je ne mange ni bonbons, ni soda, ni de fast-food.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Le mien, à court terme, c’est de continuer à pérenniser ce qui a été créé. Dans 10 ans, j’arriverai peut-être à gérer de manière un peu plus distante, depuis ma campagne en Belgique. Il est peut-être temps que je pense un peu à moi! Ce qui pourrait me faire arrêter, en revanche, c’est toute la difficulté à recruter du bon personnel dans un métier aussi compliqué. On travaille quand les autres s’amusent. Les équipes en production travaillent la nuit. Si cela devient vraiment contraignant de recruter et de gérer le personnel, j’arrêterai. J’espère que ça n’arrivera pas, mais je trouve que ça ne prend pas le bon chemin. La valeur travail se perd. Et je veux que mon métier reste un plaisir. Si, demain, il faut se battre pour embaucher et garder les gens, ça ne m’amusera plus.

Chez Cocottes, on est pourtant très attentifs à énormément de choses pour prendre soin du personnel.Je ne peux pas dire que c’est une faute interne. C’est vraiment un problème de société.

Souhaitez-vous faire passer un message à nos lectrices qui cherchent un job, qui auraient envie d’entreprendre ?

À celles qui cherchent un job : il y a autant de femmes que d’hommes qui travaillent chez Cocottes. Les postes à responsabilités ne sont pratiquement occupés que par des femmes. Ça n’a pas été voulu, mais elles ont peut-être plus de sensibilité, une attention aux détails.

Pour celles qui veulent se lancer : il faut croire en ses rêves. On se dit que ça arrive à peu gens. Je pense que non. Que ce soit dans le sport, pour fonder une famille nombreuse, il faut oser, il faut du courage, de la ténacité. Il faut mouiller la chemise ou la chemisette pour les Janette !

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