par Charles Demoulin
16 mars 2025
Le 8 mars dernier, c’était la journée des Droits de la femme. À cette occasion, Janette a décidé de vous présenter huit romans, tous écrits par des femmes, et dans lesquels ‘la’ femme y joue un rôle essentiel. Un choix effectué, pour également satisfaire tous les goûts littéraires féminins.
‘Ce que Cécile sait’, de Cécile Cée chez Marabout
Dans ce roman qui se veut graphique, l’auteure raconte comment, à quarante ans, elle est sortie d’amnésie traumatique en se rendant compte qu’elle avait été victime d’inceste.
Elle se lance alors dans une quête personnelle afin de comprendre le phénomène de l’inceste, et ce au sein même de sa propre famille. Que s’est-il passé ? Qui est concerné ? Et Cécile de tenter d’assembler toutes les pièces de ce puzzle traumatique et de dénoncer l’ampleur de ce phénomène au sein de notre société.
Dans ce livre qui exclut toute forme de curiosité malsaine, chaque scène se veut un réel moment d’analyse, duquel un souvenir se voit exhumé.
C’est en réalité un véritable outil pédagogique que Cécile Cée met là entre nos mains. Un outil qui lève le voile sur le mécanisme de la ‘culture de l’inceste’ au sein de notre société. Car l’inceste n’est jamais une histoire entre deux personnes, c’est toujours une histoire de famille où les membres non concernés font en sorte de regarder ailleurs, et surtout de ne rien dire. C’est en fait un rapport à la vérité… et au silence.
Véritable coup de poing, ce livre est avant tout un guide qui nous appelle à la vigilance, à la réflexion et à l’armement afin de pouvoir protéger ou se protéger.
‘La Fille des Belles Marines’, de Carole Duplessy-Rousée aux Presses de la Cité
Après l’accident de la route qui a coûté la vie à ses parents alors qu’elle était encore enfant, Telma a gardé une blessure au visage qui défigure son profil. Aujourd’hui, à trente ans, complexée, elle vit presque en recluse aux Belles Marines, près de Dinard. À bien des égards, elle est restée une petite fille, se reposant énormément sur Vassili, un vieil ami de la famille. Quant à sa sœur aînée, elle a repris le commerce de pierres précieuses que tenaient ses parents.
Telma veut désormais changer de vie, se sentir utile. Elle trouve un emploi dans les services aux personnes et participe également à des actions de nettoyage des plages. Tout cela en même temps que grandit son désir d’en savoir un peu plus sur ses parents. Elle sait qu’avant de s’installer en Bretagne, ils ont parcouru le monde et effectué des voyages en Afghanistan pour leur commerce de pierres, et ce jusqu’à la guerre avec l’URSS à la fin des années 1970.
Ce faisant, elle finit par découvrir des aspects obscurs de leur passé. Au-delà, elle fait également la connaissance de Renaud, un artisan couvreur qu’elle va très vite s’empêcher d’aimer, à cause de son visage défiguré. En quelques mois, Telma est sortie de plus de vingt ans d’isolement. Mais réussira-t-elle à vaincre ses vieux démons et s’autorisera-t-elle à laisser Renaud entrer dans sa vie ?
Un roman tout en atmosphère où, à la découverte des secrets de famille, se mêle aussi celle de l’amour et du terroir. Un excellent moment de lecture.
‘Le Cercle de Lady Tan’, de Lisa See chez Albin Michel
Dans la Chine du XVe siècle, et si l’on en croit Confucius, une femme instruite est une femme inutile. Pourtant, c’est précisément pour être utile que Tan Yunxian, issue d’une famille puissante, est éduquée en ce sens par ses grands-parents.
Sa grand-mère est l’une des rares femmes médecins du pays, et elle lui enseigne les quatre piliers de la médecine chinoise. Une science à laquelle Yunxian décide très tôt de se vouer afin de venir en aide aux femmes soumises au poids des traditions, dont celle atrocement cruelle, des pieds bandés.
Mais, à l’âge de quinze ans, Tan est arrachée à sa famille afin d’épouser l’homme qui lui a été désigné, et se voit dès lors condamnée à jouer le seul rôle qui lui est permis, celui de génitrice. Au-delà, plus question pour elle d’apporter son aide aux autres femmes. Comment Lady Tan saura-t-elle s’affranchir de ces traditions et se consacrer à sa vocation ?
Des palais somptueux des grands Mings, à la mystérieuse Cité interdite et son quartier de concubines, ce roman envoûtant s’inspire de l’histoire vraie de Tan Yunxian, dont la lutte pour l’émancipation de la femme résonne encore aujourd’hui.
Un fascinant roman historique qui démontre à quel point Lisa See s’est remarquablement documentée sur cette époque qu’elle décrit d’une plume enchanteresse. Ce faisant, elle fait découvrir à tous ceux et celles qui la lisent, des pans souvent méconnus d’une Chine mystérieuse et longuement enfermée dans ses traditions ancestrales.
‘I Don’t Trust You’, de June Nagashe chez Mazarine
Depuis leur première rencontre, Berry nourrit une haine féroce envers Cuart, le bras droit de son père. Mais lorsque le chef mafieux des Golden Reserve les envoie en mission à Las Vegas, leur destin bascule.
Dans cette ville où le danger rôde à chaque coin de rue, tout dérape. Traqués par des ennemis implacables, Berry et Cuart n’ont d’autre choix que de fuir, unis par la nécessité de survivre. Alors que les ombres de leur passé reviennent les hanter, ils doivent apprendre à se faire confiance, à dépasser leurs rancœurs.
Au fil de cette course effrénée, ce qu’ils considéraient comme impossible devient une attraction irrésistible. Entre échanges vifs et regards chargés de promesse, la frontière entre haine et passion s’efface.
Avec ce qui est son premier roman, June Nagashe, étudiante en sciences politiques, nous offre un incroyable road trip à travers les USA. Un voyage sans le moindre temps mort fait de suspense, de rebondissements, de secrets et de délicieuses et sacrées joutes verbales entre les deux protagonistes de ce récit qui constitue une agréable surprise.
‘Mon frère, le djihad, Daech et moi’, de Magali Serre & Fatma A chez Seuil
Fatma vit dans un HLM, quelque part en France. Un mari, trois enfants, un chien, des petits boulots pour arrondir les fins de mois et un frère djihadiste, Boubaker el Hakim, considéré par les services antiterroristes comme le plus haut cadre français de Daech en Syrie jusqu’à ce qu’il soit exécuté par un tir de drone américain en 2016.
Boubaker était ‘l’émir français’ de Daech, l’un des principaux responsables des attentats de l’État islamique, dont ceux du 13 novembre 2015. L’un des premiers à embrasser l’idéologie salafo-djihadiste au début des années 2000 à Paris, l’un des maillons essentiels de la célèbre ‘filière des Buttes-Chaumont’. Ainsi, Chérif Kouachi, l’un de ses membres, commettra la tuerie de ‘Charlie-Hebdo’ en 2015.
Depuis son enfance, Fatma A. a vécu un enfer. Son frère a entraîné dans son sillage toute sa famille. Redouane, son deuxième frère est mort en combattant les Américains à Falloujah, en Irak, en 2004. Ali, son troisième frère, est toujours détenu en Syrie où il risque la peine de mort. Sa sœur, Yasmina, a été condamnée à 4 ans de prison dont 18 mois fermes depuis son retour du ‘califat’ avec sa fille. Sa mère, Habiba, est morte à Raqqa. L’histoire de Fatma et de sa famille est emblématique de la mutation du phénomène djihadiste français qui a emporté des fratries entières après le 11 septembre 2001.
Ce livre, au-delà de la photographie qu’il offre du milieu djihadiste, est le témoignage d’une rescapée à la personnalité hors du commun. Il est aussi un geste de libération magnifique. Reste qu’il se veut surtout, une preuve glaçante de cette emprise qu’ont les recruteurs sur des centaines de famille.
‘Passage du soir’, de Léonie Adrover chez Seuil/Fiction & Cie
Blanche, la soixantaine, pose son regard sur une jeune passagère, dans un bus qui traverse une ville bilingue de Suisse, un vendredi en fin d’après-midi, après l’orage de printemps. Les deux femmes descendent au même arrêt, engagent la conversation, s’installent au bord du lac. Elles vont y passer la soirée, et même la nuit.
La narratrice, éternelle étudiante employée à ses heures perdues dans une usine de précision, a l’idée de se consacrer à l’écriture. Elle écoute attentivement Blanche, qui a décidé de se faire donner la mort, sur rendez-vous, pour se soustraire aux souffrances de la maladie. Avant cela, elle veut transmettre sa mémoire. Et pas seulement la sienne.
Plusieurs vies sont ainsi évoquées à la suite ou tressées entre elles : on découvre Werner, Emiliano, Judith et quelques autres figures, pour ce qui finit par constituer le portrait d’un siècle marqué par les guerres, les grands chantiers, les déplacements et migrations, mais aussi par les histoires d’amour.
Posant la question de l’empreinte durable que chacun souhaite laisser ou transmettre après son passage sur terre, l’auteure nous propose un récit bouleversant qui nous invite réellement à la réflexion sur la raison de nos choix, mais aussi sur ce qu’ont provoqué en nous certaines rencontres.
‘1989’, de Val McDermid chez HarperCollins noir
Après ‘1979’, Val McDermid, la reine du thriller écossais, nous propose d’explorer les événements d’une nouvelle année en compagnie de sa journaliste fétiche : l’ambitieuse Allie Burns qui travaille pour le ‘Sunday Globe’
1989. Le monde est sur le point d’imploser. Alors que l’année commence avec cette cérémonie d’hommage aux victimes de l’attentat de Lockerbie, l’attaque terroriste la plus meurtrière de l’histoire du Royaume-Uni, Allie se retrouve là-bas pour couvrir l’événement. Mais l’encre de son papier a tout juste le temps de refroidir que la journaliste remonte la piste d’un potentiel scandale : l’exploitation des plus vulnérables de la société par un laboratoire pharmaceutique.D’Édimbourg à Berlin, le monde est à deux doigts de la déflagration. Le milieu de la presse est en pleine révolution, la découverte du SIDA sonne comme une condamnation à mort, et de sombres affaires se concluent derrière le Rideau de fer. Lorsqu’un enlèvement et un meurtre s’ajoutent à ce cocktail détonant, Allie comprend que la vérité est plus choquante que tout ce qu’elle aurait pu imaginer, et qu’elle risque bien d’y laisser sa liberté et sa vie…
En plus de la dimension historique de cet ouvrage, Val McDermid met également en exergue, et avec un talent certain, la dimension sociale de cette période. Cela en abordant notamment cette homophobie omniprésente, accrue plus encore avec l’arrivée du SIDA. Au-delà, elle nous offre une immersion totale au cœur d’une période tourmentée de notre histoire. Un bien bel ouvrage !
‘Il disait qu’il m’aimait’, de Morgane Valette avec Christelle Marquès chez City
Morgane est une femme de caractère. Engagée dans l’armée de terre, elle est l’une des rares femmes à faire du déminage. Une femme forte. Vers l’âge de trente ans, elle tombe amoureuse d’Alexandre et sa vie change radicalement.
Elle ne perçoit pas le danger, mais au fil des mois, cet homme va dévoiler un visage inquiétant. Il lui fait perdre toute capacité de résistance et l’enchaîne psychologiquement : sautes d’humeur, mensonges, violences morales et physiques s’enchaînent. Ce calvaire va durer trois ans. Des années pendant lesquelles Morgane sombre dans l’isolement et la dépression au point de vouloir en finir avec la vie.
Un jour enfin, lasse des violences, elle comprend qu’elle est sous emprise et amorce un douloureux chemin vers sa liberté. Ce témoignage est autant un cri du cœur qu’une mise en garde, une fenêtre ouverte sur la réalité souvent cachée, et que trop de femmes vivent en silence.
Si elle nous livre une histoire d’amour, Morgane Valette va rapidement parler d’une histoire d’enfer. Toutefois, après cette descente aux enfers plus que dévastatrice, elle va nous démontrer que même au plus profond du gouffre, l’espoir est toujours bien présent et qu’il est toujours possible de voir le bout du tunnel… quand on décide enfin de mettre fin aux agissements de celui qui vous est toxique.
Adresse email du destinataire
Votre nom / prénom
Votre adresse email
Comments
Partagez par email
Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
Cette option doit être activée à tout moment afin que nous puissions enregistrer vos préférences pour les réglages de cookie.
Si vous désactivez ce cookie, nous ne pourrons pas enregistrer vos préférences. Cela signifie que chaque fois que vous visitez ce site, vous devrez activer ou désactiver à nouveau les cookies.