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« Celui qui veille »

par Charles Demoulin

13 mars 2022

Défenderesse acharnée des tribus amérindiennes, Louise Erdrich, publiée ici chez Albin Michel, nous offre un roman inspiré du combat livré par son grand-père contre le gouvernement des États-Unis dont le Congrès, en 1953, avait renié les traités conclus avec les diverses tribus indiennes. Un ouvrage fort justement couronné du prix Pulitzer 2021.

Sur base de documents retrouvés chez son grand-père Patrick Gourneau, l’auteure nous conte le quotidien rude et difficile d’une tribu indienne vivant dans la réserve de Turtle Mountain dans les années cinquante. Nous rappelant qu’en août 1953, le gouvernement fédéral, jouant sur les mots, présentait un projet dont la teneur, sous-jacente, allait aboutir à ce que les terres appartenant aux Indiens soient redistribuées. Ce qui allait forcer ces derniers à vivre dans des réserves.

C’est justement dans le Dakota du Nord, en ce mois de septembre de l’année 1953, que débute ce récit. Thomas Wazhashk travaille en qualité de veilleur de nuit dans l’usine de pierres d’horlogerie qui emploie de nombreuses femmes issues de la réserve de Turtle Moutain. Lorsqu’il apprend que le gouvernement fédéral présente cette loi censée « émanciper » les peuplades indiennes, il comprend que ce projet va menacer l’existence même de sa tribu. Il décide alors de s’y opposer. Quitte à traverser le pays pour aller plaider sa cause à Washington.

Or, parmi les employées chippewas de l’usine où travaille Thomas, se trouve Pixie Paranteau, une ado de 19 ans bien décidée à mener sa vie comme elle l’entend. Ainsi, pour l’instant, elle ne veut ni mari ni enfants. Pressée de fuir un père alcoolique, mais également ses nombreux prétendants, elle n’a qu’une idée en tête, partir à Minneapolis afin d’y retrouver sa sœur dont elle est sans nouvelles. À l’image de Thomas, elle va, elle aussi, devoir entreprendre un long voyage. Voyage qui les confrontera tous deux au meilleur comme au pire de la nature humaine.

Via une écriture subtile, délicate et empreinte d’émotion, l’auteure, considérée comme l’un des grands écrivains américains contemporains, nous livre, inspiré par la figure de son grand-père que l’on retrouve sous les traits de Thomas Wazhashk, un roman majestueux écrit sous forme d’une méditation sur ce qui fut une lutte justifiée pour préserver les droits des Indiens. On notera que les chapitres, souvent très courts, nous font suivre de façon parallèle les pérégrinations de ces deux personnages principaux que sont Thomas et Pixie.

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