‘Slava – Un enfer pour un autre’, de Pierre-Henry Gomont chez Dargaud

Dans les années 1990, au moment où commence ce troisième et ultime volet de Slava, l’Union soviétique a disparu pour céder la place à une société russe totalement déboussolée et livrée au capitalisme sauvage. Quant au destin des ‘héros’ de cette vaste fresque, il a bifurqué lui aussi.

Lavrine, le trafiquant sans scrupules, fait le beau sur les plateaux de télévision. Slava s’est remis à peindre, tout en travaillant comme ouvrier dans la mine que Nina, la mère de sa fille, s’efforce de faire tourner. Quant à Troubetskoï, le mafieux, il s’est volatilisé. Mais ne vous attendez pas à une fin heureuse, car en Russie les histoires ne finissent pas bien.

Au-delà de nous brosser le portrait d’un monde écroulé, Gomont nous le raconte du point de vue des petites gens et du Russe de la rue, loin des grands discours politiques enflammés et des envolées lyriques. Pour ce faire, il marie le sens du tragique propre à l’âme russe, à un comique grinçant mâtiné de burlesque. Ses textes et dialogues sont savoureux, son trait est bondissant et ses mises en scène inventives. Un album qui fait à nouveau mouche et qui, surtout, confirme que Gomont fait partie des figures majeures de la BD contemporaine.

‘Les notes rouges’, de Nadia Nakhlé chez Delcourt

Tout commence en Pologne en 1941 alors qu’Anna attend désespérément, sous ‘leur’ arbre, l’arrivée de Dorian, son frère à qui elle a donné rendez-vous. Il n’arrivera jamais.

1957. Anna Kowalski, pianiste concertiste, revient en Pologne dans la ville de son enfance qu’elle a fui durant la Seconde Guerre mondiale. Si elle revient pour y donner un concert, elle y revient toujours hantée par la disparition de son frère dont elle espère encore retrouver la trace. Il faut dire que depuis ce jour de 1941 où il n’est pas venu au rendez-vous, Anne tente vainement de correspondre avec lui, mais ces missives demeurent lettre morte.

Deux destins croisés : une sœur et son petit frère séparés durant la Seconde Guerre mondiale. Deux enfants arrachés l’un à l’autre et qui ne cessent pourtant de garder espoir en l’amour qui les unit. Un récit basé sur des faits historiques où des milliers d’enfants blonds aux yeux bleus ont été arrachés à leur famille dans les pays occupés par les nazis.

Un ouvrage qui alterne genre épistolaire et narratif, où tout est soigné, délicat, envoûtant, musical et surtout rempli d’espoir. Une belle découverte !

‘Inoubliables n°2’, de Fabien Toulmé chez Dupuis

Chacun d’entre nous vit, a vécu ou vivra des moments inoubliables. Ces petits ou grands points de bascule qui dessinent le destin d’un être humain. Ces moments révoltants, dramatiques ou inattendus, mais toujours précieux et émouvants, Fabien Toulmé est allé les chercher pour nous. En Europe, en Amérique latine ou en Afrique, dans de nombreuses couches sociales et autant de tranches d’âge, il a récolté des témoignages universels.

Dans un premier volume, il nous parle de l’enfant gobée par une secte à un récit d’exfiltration du Rwanda, en passant par une histoire d’amour incroyablement compliquée ou le destin judiciaire surprenant d’un jeune de cité dunkerquoise, ces rencontres vous interpelleront, vous parleront. Après ‘Ce n’est pas toi que j’attendais’ et ‘L’Odyssée de Hakim (plus de 200 000 exemplaires vendus), Fabien Toulmé dessine un nouveau portrait de l’humanité au plus près du réel avec son inimitable sensibilité.

Aujourd’hui, Fabien Toulmé nous propose une nouvelle sélection de moments inoubliables. C’est ainsi que vous partagerez l’expérience d’une skieuse suisse réchappée d’une avalanche. Celle d’un homosexuel contraint de cacher sa nature pendant quarante ans. Le quotidien d’un couple brésilien miné par la jalousie toxique d’un petit ami violent. Mais surtout la vie d’un soldat ukrainien dans un long témoignage rare et poignant. L’occasion de mieux percevoir la réalité brute de la guerre. Mais également les combats intérieurs se déroulant dans l’âme d’un être humain qui, comme nous le ferions tous, oscille entre peur, interrogations, action et courage. Inoubliable cet ouvrage !

‘L’équation à trois cœurs’, de Gomargu et Louise Giovannangeli chez Marabulles

Immédiatement attirés l’un par l’autre, Jeanne et Paul commencent une relation à l’abri des regards. Toutefois, ballottée entre mensonges et omissions, Jeanne, une Parisienne trentenaire, solaire et curieuse, ne cesse de quitter Paul. Paul qui est en couple avec Solène et qui, amoureux de Jeanne, prend alors le pari fou de présenter cette dernière à Solène. Espérant de la sorte que cela pourrait mener à une relation à trois. Idée lumineuse ou égoïsme d’un homme qui n’a pas su choisir ?

La naissance d’une relation polyamoureuse prendra au fil des mois différentes formes, et fera surgir les limites et les envies de Jeanne. Entre culpabilité, frustration, excitation, compréhension, jalousie, joie et colère, cette histoire met le doigt sur la complexité d’une relation à trois. Et pour ce qui est de Paul, il évolue entre déconstruction et manipulation. Est-ce que le polyamour ne serait qu’une excuse pour jouer sur tous les tableaux ?

Une histoire à la fois triste et drôle, écrite comme si l’auteure avait envie de vous la présenter sous forme de confidence et par le truchement d’un dessin au trait simple et très coloré.

‘La rhapsodie du ciel – Un oncle mécano’, de Chendi chez Paquet

Inspirée par Rupert, un as de l’aviation décédé, Natalia, 14 ans, aspire à une vie remplie d’aventures écrites dans le ciel. Du coup, son ambition est de devenir femme pilote, chose qui n’est nullement du goût de son père qui la voyait déjà à l’université. Désormais en froid avec celui-ci, elle entreprend un voyage chez son oncle Alfred, ancien collègue de Rupert, mais également mécanicien de génie, selon ses propres dires, et qui a perdu depuis longtemps tout contact avec la famille.

Contrairement aux autres habitants de la ville, Alfred mène une vie isolée. Il vit dans la forêt profonde et, dans son magasin d’occasion, il vend des pièces détachées d’avions et autres objets fonctionnels transformés. Comme, par exemple, une baignoire… mobile. Ses seules visites à la ville sont pour son copain Steve, le vieux propriétaire de la station-service.

Programmée en quatre volumes, cette nouvelle série apparaît plus volontiers tournée vers des lecteurs de 10 à 15 ans. Un avis renforcé par le caractère d’un dessin extrêmement bien achevé et aux coloris plaisants, mais qui est fait pour plaire plus volontiers à cette tranche d’âge de lecteurs. 

‘Wyoming, 1863 – Cinq jours pour mourir’, de Jean-François Di Giorgio et Fabrizio Des Dorides chez Soleil

‘Cinq jours pour mourir’ est le premier volet d’une trilogie ayant pour titre générique : ‘Wyoming, 1863’. Un western intense, violent et mouvementé, ayant pour cadre les étendues sauvages de cet État de l’ouest des États-Unis, caractérisé par ses vastes plaines et les célèbres Rocheuses.

Tout commence dans un ranch isolé du Wyoming où un couple de fermiers dit au revoir à Edward, leur fiston, qui s’en va suivre des cours dans une université lointaine. Mais l’attelage qui l’emmène à peine arrivé sur le chemin du départ, qu’il est attaqué par une bande de bandits mexicains. Une attaque qui tourne au massacre puisque personne n’en réchappe : parents, conducteur de l’attelage et Edward compris.

Son méfait accompli, en fait le vol de huit chevaux, la bande regagne son repaire et projette déjà un autre forfait : attaquer le Creek Ranch pour à nouveau voler de très nombreux chevaux. Une véritable folie, car les travailleurs de ce ranch sont également de fines gâchettes. Effectivement, rien ne va se passer comme prévu. Si la bande à Diégo veut profiter du mariage de la fille du propriétaire de ce ranch pour passer à l’attaque, c’était sans savoir qu’Emma Bridges, dont les deux filles ont été enlevées et qui possède en elle un impitoyable désir de vengeance, vient d’arriver à Creek en compagnie du futur marié.

Un western impitoyable, rythmé, violent, pur et dur où l’hémoglobine coule à flots. Un récit servi par un dessin réaliste aux cases spectaculaires à souhait. Une excellente mise en bouche pour les deux opus à venir.