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Et si on se plongeait dans une bd

par Charles Demoulin

8 octobre 2024

À l’instar de ce que Janette a décidé de faire côté romans, nous allons y aller à l’identique côté BD. Ainsi, chaque mardi, ce ne seront pas moins de six albums que nous allons vous proposer. Des ouvrages où selon les disponibilités du moment, ce seront des gentes dames – pas toujours gentilles -, qui joueront le rôle principal.

MILLE FEMMES BLANCHES – UN TRAIN POUR LA GLOIRE

Mars 1875. Sanglée dans une camisole de force, May Dodd est conduite dans une pièce cossue de l’institut de santé mentale de Chicago. Là, la jeune femme apprend qu’à la suite d’une requête de sa famille, elle va être internée pour dépravation et perversion sexuelle. Sa ‘faute’ : avoir quitté sa famille fortunée pour vivre avec l’homme qu’elle aime. Ô scandale, un homme de rang inférieur.

Durant deux ans, May va rester enfermée et souvent violentée. Toutefois, un jour, on lui propose de participer à un programme gouvernemental fait pour favoriser l’intégration du peuple cheyenne dans la société américaine. C’est ainsi que mille femmes blanches volontaires rejoindront le Nebraska afin d’y épouser un Cheyenne et lui donner un enfant. Mary en fait partie, c’est là le prix de sa liberté.

Avec ‘Un train pour la gloire’, premier volet de l’adaptation du roman de Jim Fergus, Lylian et Anaïs Bernabé signent une adaptation exceptionnelle de cette histoire des ‘Mille femmes blanches’ inspirée de faits historiques. Mais, au-delà du scénario prenant au possible, on soulignera le graphisme aussi éblouissant que majestueux d’Anaïs Bernabé. Un ouvrage dont on attend la suite avec une impatience certaine.

‘Mille femmes blanches – Un train pour la gloire’, de Lylian & Anaïs Bernabé d’après Jim Fergus chez Dargaud

LES YEUX DOUX

Dans un monde dystopique où les usines crachent leur épaisse fumée, les pin-up des ‘Yeux doux’ veillent. Depuis qu’une compagnie de surveillance a choisi ces femmes comme logo, aucun délit n’échappe à leurs regards langoureux et menaçants. Au milieu des affiches de propagande, Anatole est rivé devant les écrans de surveillance. Employé modèle, sa vie bascule le jour où il repère une jeune voleuse qu’il dénonce sur-le-champ. Mais désormais, il ne se passe pas un jour sans qu’il ne repense au joli minois de cette inconnue. Car pour la première fois, Anatole vient de tomber amoureux.

Il se lance alors à la recherche d’Annabelle, déroge aux règlements et s’embarque dans une folle aventure qui va le mener à rejoindre un réseau de rebelles. Alors qu’Anatole est bien accueilli ‘au jardin des bennes’ par ses nouveaux compagnons, Annabelle se retrouve à la rue en compagnie de son frère Arsène qui vient d’être licencié. Mais le destin ne va pas tarder à réunir Anatole et Annabelle qui vont, désormais, lutter pour une même cause : la révolution face à la manipulation de masse.

Si Eric Corbeyran nous tisse un scénario aussi époustouflant que tragi-comique sur ces sujets que sont : produire, consommer, contrôler… soit ceux de notre société d’aujourd’hui, que dire alors du dessin de Michel Colline qui magnifie plus encore l’imagination pétillante et truffée d’humour de Corbeyran. Un dessin rétro semi-réaliste et hyper coloré, dont les décors sont à couper le souffle. Vous allez adorer !

‘Les yeux doux’, d’Eric Corbeyran et Colline chez Glénat

IMPÉNÉTRABLE

Cet ouvrage, plus qu’intimiste, puisqu’il parle de ces troubles de la sexualité qu’a connus l’auteure, sera plus volontiers réservé aux adolescentes et sans nul doute à leurs parents qui pourraient ainsi comprendre le mal-être ou le mutisme de leur fille lorsqu’on parle avec elle de sexualité.

Impénétrable est un témoignage singulier par sa sincérité. Celui d’Alix Garin, l’auteure de ‘Ne m’oublie pas’, qui se livre à cœur ouvert et raconte sans concession aucune, la reconquête de son corps et de son désir après avoir souffert de vaginisme pendant deux ans. Un trouble sexuel qui rend impossible tout rapport. Comme elle l’explique, il lui a fallu affronter les injonctions, les normes, le passé. Surmonter la culpabilité et la solitude qu’impose une société où ne pas faire l’amour est impensable et impossible à en parler. Et dire que nombre de fois elle a lu ou entendu qu’on trouve l’épanouissement dans sa sexualité !

Au-delà du corps, Alix interroge nos rapports au désir, au couple et au monde, dévoilant là une quête de soi qui encourage à ne jamais se laisser abattre. Audacieux et optimiste, ce récit de guérison promet de ne pas seulement être le sien. Tout cela servit par un dessin qui s’attache à reproduire toutes les émotions ressenties par l’auteure lors de la reconquête de son corps. C’est beau, sincère et bouleversant tout à la fois.

‘Impénétrable’, d’Alix Garin au Lombard

IRANIENNE

Raya, jeune Iranienne, étudie dans un établissement supérieur privé uniquement réservé aux filles. Issue d’un milieu intellectuel de la petite bourgeoise, elle dénote au sein des enfants de l’élite économique et politique nationale. Bonne élève, intelligente et cultivée, elle ne parvient pas à s’intégrer dans cet univers codifié où les jeunes filles n’aspirent qu’à réussir leur mariage avec un fils de bonne famille, faire des enfants et dépenser un maximum d’argent.

Elle se sent différente, notamment parce qu’elle est lesbienne et en révolte contre le système entier qui régit son pays. Plus question pour elle d’obéir aux lois, elle va braver tous les interdits : alcool, drogue, sexe, rock, et refus de se marier. Elle va en fait cumuler tout ce que déteste le régime des mollahs, et du coup risquer la peine capitale. Se pose alors cette question : devra-t-elle se résoudre à fuir ce pays qu’elle aime tant ou se renier et se trahir elle-même ?

C’est cette dernière interrogation qui se trouve au cœur de ce roman graphique que signe Éric Darbré, et qui est mis en scène par Zainab Fasiki, dessinatrice féministe et activiste marocaine bien connue dans son pays.

‘Iranienne, de Eric Marbré, Aran de Shahdad et Zainab Fasiki chez Marabulles

SABOTEUSES – TAUPE

Londres, 1940. La capitale britannique est sous la menace des bombardements allemands. Ce qui n’empêche nullement la vie de continuer pour de jeunes Anglais insouciants dont fait partie Paulette Kincaid. Amoureuse éperdue de son boyfriend Reggie Thatcher, elle profite avec lui des rares moments de répits que leur laisse une ville sous couvre-feu. Hélas, la guerre n’épargne que très rarement le bonheur !

Une bombe dans le métro, un accident de parcours et toute la vie bascule. Mais tout cela est bien loin maintenant. Parachutée en France en 1942 comme membre du S.O.E., Paulette, dont le nom de code est Aiguille, est en mission en territoire occupé. Pour l’Angleterre bien évidemment, mais également pour elle-même. Elle est là comme… saboteuse ! Mais elle va devoir faire très attention, car il y aurait une taupe au sein du maquis qui l’abrite.

Janette vous avait proposé en son temps ‘Aiguille’, premier volet d’un cycle qui s’achève ici avec ce nouveau titre ‘Taupe’… Tout un programme ! Et comme c’était déjà le cas dans ce premier volet, vous allez à nouveau vous laisser envoûter par le caractère bien trempé de ces saboteuses, mais également par le graphisme réaliste et tout simplement superbe de du Caju. Un véritable petit bonbon pour les fanas de tout ce qui touche à la Seconde Guerre mondiale.

‘Saboteuses – Taupe’, de Jean-Claude van Rijckeghem et Thomas du Caju chez Paquet

MAMAN SOLO

Les parents de Noé 2 ans et Leah 9 mois sont submergés par les responsabilités, les modes de garde, les nuits blanches. Louis, le père, qui ne supporte plus toutes ces contraintes, annonce à Julie, sa compagne, qu’il a un urgent besoin de souffler quelques jours. Il ne reviendra jamais.

Seule avec deux enfants, Julie doit faire face aux nombreuses épreuves qui ne vont pas tarder à se succéder. Horaires de travail, confinement suite au covid, et, surtout, à l’abandon total de Louis. Heureusement, loin de se laisser abattre et n’ayant pas d’autre choix que de faire face, Louise va se reprendre en main. Elle déménage, change de boulot et commence doucettement à imaginer qu’elle pourrait rencontrer quelqu’un.

Le statut de maman solo est de nos jours une situation que nombre de femmes connaissent. Y compris Emmanuelle Friedmann et Sophie Ruffieux, les deux auteures de cet album évoquant ce phénomène sociétal. D’où leur désir de proposer cet ouvrage où elles expliquent à quel point il est difficile de concilier vie familiale, professionnelle et personnelle. Cela sous le trait semi-réaliste, mais élégant de Sophie Ruffieux.

‘Maman solo’, d’Emmanuelle Friedmann et Sophie Ruffieux chez Soleil

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