#La bibliothèque de Janette

Voyage au coeur des nouvelles bandes dessinées

par Charles Demoulin

21 janvier 2025

Fin janvier début février, la bande dessinée sera à la fête à Angoulême. Il n’empêche que les maisons d’édition n’ont pas attendu cet événement pour lancer nombre de nouveautés sur le marché. En voici quelques-unes que l’on réservera plus volontiers à un public plus averti, et qui traitent de sujets pour le moins variés. Y compris des… fesses de Brigitte Bardot. Et oui !

‘La main du diable’, de Rodolphe et Griffo chez Anspach

1892, à bord du Caldonia en route vers San Francisco, l’écrivain Robert-Louis Stevenson rencontre un certain Charles Dawson. Cet homme, manifestement très fortuné est un admirateur de l’œuvre de Stevenson. Il lui propose alors de lui raconter son étrange histoire qui, peut-être, pourra lui inspirer une de ses prochaines nouvelles.

Dawson doit sa fortune non pas à son travail, ni même à un héritage, mais bien à une étrange relique : une main momifiée qui passe pour être celle du Diable, lui-même. Celui qui la possède voit réaliser le moindre de ses souhaits. Mais s’il meurt sans avoir réussi à s’en défaire, il est envoyé brûler dans les flammes de l’enfer. 

Il doit donc la vendre avant son décès, mais à un prix inférieur à celui payé par le précédent propriétaire. Dawson précise que son histoire n’est pas encore finie, mais qu’il ne manquera pas de venir en narrer l’épilogue à Stevenson. Arrivera-t-il à céder la main avant de rendre son dernier souffle ? Les deux hommes se reverront-ils pour découvrir la fin de l’histoire ? Seul le Diable le sait…

Cette adaptation d’une nouvelle de Stevenson est savamment scénarisée par Rodolphe qui a fait appel à son vieil ami Griffo pour la mettre impeccablement en images. Un one-shot d’une grande intensité.

‘La main du diable’, de Rodolphe et Griffo chez Anspach

‘Moody Rouge’, d’Ariane Astier chez Casterman

Ben, un adolescent en proie à de nombreux tourments, entretient des relations tendues avec ses parents adoptifs et idéalise sa famille biologique, dont il garde peu de souvenirs. Pendant les fêtes de fin d’année, il part en Allemagne avec son tuteur Roland, pour s’éloigner de sa mère.

En conflit permanent avec son tuteur, Ben traîne sa mélancolie jusqu’à ce qu’un reportage sur un mystérieux peintre travaillant dans la cathédrale de la ville attire son attention. En suivant cette piste, il va découvrir un secret de famille terrifiant.

‘Moody Rouge’ s’inscrit dans la filiation des mangas horrifiques de Naoki Urasawa, et notamment de sa série Monster qu’Ariane Astier a découverte très jeune. La monstruosité des personnages de ‘Moody Rouge’ fait corps avec le sentiment d’enfermement que l’on peut ressentir à la lecture. Et ce qu’il s’agisse de l’aspect carcéral de la vie des personnages par endroit, ou du débordement de douleur qu’ils expriment.

Une chose est certaine, pour sa première BD, Ariane Astier nous offre un graphisme d’une qualité indéniable. Au-delà, elle est d’une adresse incroyable pour restituer les différentes ambiances qui abondent dans ce manga… à la française. Par contre, côté récit, qui oscille entre onirisme, subconscient et vérités insaisissables, il est du genre à ne pas plaire à ceux qui ne sont guère du style manga, ou qui n’aiment pas les voyages psychiques. 

‘Le démon de Mamie ou la sénescence enchantée’, de Florence Cestac chez Dargaud

‘Le démon de Mamie ou la sénescence enchantée’, de Florence Cestac chez Dargaud

Devenues grands-mères, Noémie et ses copines naviguent avec aisance dans l’univers chargé et ultra-organisé des bébés d’aujourd’hui. Dès que ces bébés seront devenus des enfants, elles vont gérer, avec la même adresse, les colères en public, les accidents de ‘boyauterie’, ou encore les voyages en train.

Noémie attaque avec l’allant qui la caractérise, cette partie de la vie un peu obscure, un peu invisibilisée, qu’est l’arrivée du grand âge. Avec son incorrigible façon de voir la vie en rose, celle qui est le double papier de Florence Cestac dresse un inventaire à la Prévert des petites joies et des gros tracas liés à cette période de la vie. 

Les petits-enfants qu’il faut garder avec leurs lots de bons moments et de crises de nerfs, les parents qui perdent la boule en EHPAD, les vicissitudes de la vie de couple à ces âges-là ou alors le célibat, le corps qui lâche par petits morceaux, les sites de rencontres pour seniors et la question taboue de la sexualité, les deuils successifs de proches, le choix de pouvoir mourir dignement… Un régal contre la sinistrose !

‘Le démon de Mamie ou la sénescence enchantée’, de Florence Cestac chez Dargaud

‘Sur le front de Corée’, d’Ortiz, Marchetti et de Turenne chez Dupuis

Pour sa première expérience de correspondant de guerre qui durera huit mois, Henri de Turenne va, sur fond de guerre froide, arpenter le front d’un conflit aujourd’hui oublié et meurtrier : la guerre de Corée.

Pendant les premières semaines, il va assister, jusqu’au réduit de Pusan, à la déroute américaine et sud-coréenne face aux Nord-Coréens soutenus par les Russes. Là où, acculés, les Américains tenteront de lancer leur contre-offensive. Ce sera ensuite le débarquement grandiose et effrayant des G.I. dans la baie d’Inchon près de Séoul. Une opération qui changera la donne de cette guerre avant que n’arrive la course folle pour prendre Pyongyang au Nord. Une épreuve qui mènera notre homme jusqu’aux confins du pays, en Mandchourie, à la frontière avec la Chine.

‘Sur le front de la Corée’ est aussi une incroyable immersion dans le journalisme de l’époque. Un journalisme humain, courageux et élégant. Terriblement moderne aussi, faisant écho aux nombreuses difficultés des journalistes dans les conflits actuels. 

Bel  hommage aux reporters de guerre, cet ouvrage documentaire est un témoignage aussi exceptionnel que bouleversant. Tout en mettant en exergue le graphisme de l’Argentin Rafael Ortiz qui est d’un réalisme percutant, on applaudira à ce cahier explicatif truffé de photos d’archives qui se trouve en fin d’album.

Un album qui ouvre la voie à une collection dont l’ambition est de faire revivre les textes couronnés par le plus prestigieux des prix journalistiques francophones : le prix ‘Albert Londres’. Les textes choisis seront abordés par le biais d’un traitement graphique. Quatre autres titres sont déjà en cours de réalisation.

‘Sur le front de Corée’, d’Ortiz, Marchetti et de Turenne chez Dupuis

‘Les fesses à Bardot’, de Philippe Pelaez et Gaël Séjourné chez Grand Angle

Trougnac est un petit village paisible rythmé par les conversations au Café des Sports, les messes dominicales et les séances de cinéma à l’Eden, juste à côté de l’église. Rien d’extraordinaire ne s’y produit jamais. Jusqu’au jour où un inconnu, Conrad Knapp, s’y arrête.

L’homme est un repéreur de décors chargé de trouver le village qui servira de cadre au prochain film de Brigitte Bardot et de Jean Gabin. Pour preuve, il a en sa possession une photo de la scène censurée du film d’Autant-Lara, ‘En cas de malheur’. Film où la célèbre actrice montre ses fesses. Les habitants vont alors l’héberger, le nourrir, le choyer et tout mettre en œuvre pour le convaincre de choisir leur village.

Avec ce récit qui foisonne de nombreuses références, Philippe Pelaez nous concocte une bédé qui s’impose comme un véritable régal de finesse sociologique. En plongeant le lecteur dans la France rurale des années 1950, il lui offre une incroyable étude de mœurs qui se déroule tout au long des 160 pages que comporte cet album qui n’a rien de vulgaire, croyez-nous. 

C’est truculent, rigolo, digne de Don Camillo. Et que dire alors du dessin d’un Gaël Séjourné qui n’a pas son pareil pour demeurer dans le style du scénario, tout en nous restituant au-delà de Gabin et Bardot, quelques figures légendaires de l’époque. Vous les aurez vite retrouvées !

‘Les fesses à Bardot’, de Philippe Pelaez et Gaël Séjourné chez Grand Angle

‘Don, la madone des atolls’, d’Henri Vernes et André Taymans aux éditions du Tiroir

Début des années 2000, Henri Vernes le père de Bob Morane, propose à André Taymans d’adapter sa série d’aventures érotico-violente, Don. Il faudra néanmoins attendre plus de vingt ans pour voir le souhait du romancier se réaliser avec l’album Palomita Paloma. 

Cette année, Don revient dans ‘La madone des atolls’, une deuxième aventure exotique dans les îles paradisiaques des Maldives. Mais hélas pour lui, le paradis n’est jamais loin de l’enfer… 

Petit-fils du chef des chefs de la Mafia, Don est traqué par celle-ci. Pour échapper à ses tueurs, il doit affronter des situations des plus critiques dans une atmosphère d’action, de violence et d’érotisme.

On sait qu’avec Henri Vernes ses scénarios sont toujours du type aventure trépidante à l’état pur ! C’est encore et toujours le cas ici, mais où l’on parlerait d’aventures de Bob Morane qui, vu le ‘hot’ de plusieurs pages, s’adresseraient à un public ado-adultes. Un public qui applaudira au graphisme très ligne claire et surtout très reconnaissable d’un André Taymans toujours en grande forme.

‘Don, la madone des atolls’, d’Henri Vernes et André Taymans aux éditions du Tiroir

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