Une figure de proue de l’art écologique et environnemental

Née à Budapest, en 1931, Agnes Denes est une figure de proue de l’art conceptuel américain depuis les années 1960. Ayant grandi en Suède et étudié aux États-Unis, son parcours l’a menée à participer à des centaines d’expositions à travers le monde. Avec la prise de conscience croissante des défis climatiques et de la durabilité, l’art écologique de Denes se révèle particulièrement pertinent et visionnaire aujourd’hui.

Son projet de 1968, « Rice/Tree/Burial », est considéré comme œuvre fondatrice de l’art environnemental. Cette initiative, où dans le comté de Sullivan à New York, l’artiste a planté des graines de riz dans un champ d’arbres enchaînés, puis elle a enfoui dans le sol une capsule renfermant un haïku, marque le point de départ d’une riche exploration, qui a conduit à des œuvres marquantes, telles que son installation de 1982, « Wheatfield : A Confrontation », un champ de blé planté, avec des bénévoles, sur un site de décharge près de Wall Street et du World Trade Center dans le sud de Manhattan, qualifiée de chef-d’œuvre transgressif du Land Art.

Verdure et enchantement au parc Dräi Eechelen

Nichées derrière le Mudam, au cœur effervescent du quartier d’affaires de Kirchberg, les hauteurs du parc de huit hectares offrent un panorama imprenable sur les profondes vallées de Clausen et du Pfaffenthal. Réaménagé par l’architecte paysagiste Michel Desvigne, ce vaste écrin de verdure, qui s’étire de la place de l’Europe jusqu’aux voies ferrées en contrebas du fort Obergrünewald, dévoile un paysage composé de coteaux boisés et de la vaste clairière du plateau. Bien plus qu’un simple lieu de détente, il constitue un trait d’union entre la modernité incarnée par le Mudam et l’histoire palpable du fort Thüngen, témoin d’une étonnante prouesse d’ingénierie militaire, qui abrite en ses murs le musée Dräi Eechelen.

Une pyramide vivante et durable

Dominant l’horizon de l’esplanade du parc Dräi Eechelen, avec la Ville Haute en toile de fond, le Mudam offre un spectacle saisissant avec The Living Pyramid, œuvre écologique emblématique imaginée par Denes. Cette sculpture monumentale se dresse fièrement sous la forme d’une pyramide de neuf mètres de hauteur. Initialement conçue pour le Socrates Sculpture Park à New York en 2015, cette création a été reproduite à plusieurs reprises, témoignant de sa puissance et de sa pertinence continue dans le dialogue entre l’art et l’environnement.

Plus de 2 000 plantes, sélectionnées avec le plus grand soin parmi la flore indigène, tapissent la structure, lui conférant un cycle de vie évolutif. La pyramide suit, en effet, le changement perpétuel de la nature incarnant l’idée de flux et de transformation. L’intérêt de Denes réside dans la confrontation entre le processus organique et les formes les plus symboliques de la civilisation humaine, à l’image de la pyramide. « Alors que les pyramides sont fondées sur les mathématiques et représentent une sorte de perfection, elles contiennent également tout ce qu’il y a d’imparfait dans ce dont elles sont chargées, qu’elles montrent ou représentent », analyse l’artiste, soulignant la dualité inhérente à sa création.

L’effort communautaire insuffle la vie au projet

Le déploiement de The Living Pyramid est le fruit d’une collaboration enrichissante avec le Musée national d’histoire naturelle, des horticulteurs locaux, des écoles luxembourgeoises et des charpentiers qui ont fabriqué des plates-bandes à structure pyramidale. Cette synergie s’est concrétisée par une étape participative essentielle : la plantation et l’entretien des herbes et des fleurs avec l’aide des bénévoles. « Le 24 avril a eu lieu la plantation par 60 élèves d’écoles primaires, point culminant de la troisième session d’un projet scolaire commencé en 2024 », a révélé Julie Jephos, attachée de presse du Mudam.

Lors de l’inauguration le 8 mai, Bettina Steinbrügge, directrice du Mudam, a souligné la conception écoresponsable de l’installation, pensée pour une réutilisation multiple grâce à une structure modulable qui évite la création de déchets lors du montage et du démontage. Cette pyramide durable initie des pistes de réflexion, qui seront approfondies grâce à des programmes pédagogiques axés sur la sensibilisation à l’écologie et à la protection de l’environnement. Ces initiatives participatives dépassent ainsi la simple dimension visuelle de l’œuvre et l’ancrent dans une démarche éducative et communautaire significative.

Bettina Steinbrügge

Une nouvelle capsule temporelle

Cette nouvelle présentation de The Living Pyramid s’enrichit également d’un projet participatif imaginé par l’artiste. Tout au long de l’exposition, les personnes intéressées sont invitées à contribuer en remplissant un questionnaire, disponible sur le site internet du Mudam jusqu’à début octobre, qui les encourage à partager leurs réflexions sur la vie et la nature. L’ensemble de ces réponses sera précieusement conservé dans une capsule temporelle. Ce réceptacle de pensées sera ensuite enfoui à côté d’un nouvel arbre, planté pour l’occasion, à proximité de la pyramide, avec la promesse d’être rouvert dans un millénaire, offrant un écho des préoccupations actuelles aux générations futures.