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« Une chose à cacher »

par Charles Demoulin

16 octobre 2022

C’est une enquête à la fois tortueuse et captivante autour d’un sujet brûlant, qu’Elizabeth George nous livre aujourd’hui aux Presses de la Cité. En fait, une ‘affaire de femmes’ qui brise le silence sur un problème aussi tabou que complexe qu’est celui de l’excision.

Teo Bontempi, membre d’une brigade du New Scotland Yard luttant contre les violences faites aux femmes, succombe à l’hôpital après avoir été retrouvée inconsciente dans son appartement londonien. Lors de leur enquête, Thomas Lyndley et ses adjoints, Barbara Havers et Winston Nkata, découvrent rapidement que la policière, d’origine nigériane, avait été excisée alors qu’elle n’était qu’une enfant.

Ils découvrent également que Teo enquêtait pour le moment sur une clinique qu’elle soupçonnait d’effectuer des mutilations génitales médicalisées. Une pratique qui suscitait l’hostilité des exciseuses ‘traditionnelles’. Mais au-delà de tout cela, peut-être fallait-il plutôt chercher dans la vie privée de cette jeune femme, les raisons de sa mort.

Mais tandis que la canicule échauffe les esprits, Lynley, Havers et Nkata vont se trouver obligés de s’aventurer non seulement sur un terrain miné par les tensions interraciales, mais aussi de surmonter leurs propres préjugés afin de découvrir enfin la vérité.

C’est à une plongée dans le microcosme africain de Londres, ses coutumes, ses marchés, sa cuisine, son habillement… que cette 21e enquête de l’inspecteur Lynley plonge le lecteur. Et d’emblée, c’est l’excision et tout ce qui gravite autour qui sont abordés. Excision pratiquée à même le sol de la cuisine ou sur la table, avec ou sans anesthésie. Au-delà, il y a aussi le mariage des mineurs, les mariages forcés, la question de la dot. Des choses interdites par la loi anglaise, mais qui existent dans la clandestinité.

Avec l’auteure, le lecteur va suivre une fillette de 8 ans du nom de Simisola et avec elle ses parents et son grand frère.  Et même si nous sommes à Londres, cette famille n’a d’Anglais que l’étiquette, car son fonctionnement est à l’identique de leur Niger natal… jusqu’à l’excision. Au-delà, il y a aussi la violence conjugale, la bigamie, la toute-puissance du père. Bref, c’est un morceau d’Afrique qui se trouve implanté à quelques kilomètres du centre sophistiqué de Londres.

Passionnée par toutes les strates de la société anglaise, Elizabeth George, la plus british des romancières américaines, propose ici un excellent moment d’une lecture à suspense où, heureusement, de nombreuses touches d’humour viennent alléger la noirceur du sujet abordé.

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