par Charles Demoulin
8 décembre 2020
Quoi de plus personnel finalement que de choisir un livre pour celui à qui on l’offre. C’est qu’il faut bien connaître ses goûts, ses envies, ses centres d’intérêt et son état d’esprit du moment. Voici quelques beaux ouvrages à glisser sous les bons sapins!
Même si elle est licenciée en droit et sciences politiques, même si en 1966 elle s’est inscrite à la Sorbonne pour un DEA, Perla Servan-Schreiber, comme elle le dit volontiers, ne pense qu’à ça : faire à manger, essayer, partager, réunir, rencontrer, transmettre et toujours apprendre. C’est vrai que pour elle, la cuisine est son refuge.
Avec ‘Enjoy’, ses recettes pour grandes tablées, c’est un septième ouvrage relatif à ses découvertes culinaires qu’elle propose à tous ceux et celles qui, comme elle, adorent s’attarder aux fourneaux pour concocter un savoureux repas à déguster entre amis. Mais comme le dit fort justement l’épouse de Jean-Louis, faire à manger pour 12 n’est pas toujours multiplier par 3 ce que l’on maîtrise bien pour 4. Trop cher, trop long, trop épicé, trop cuit… ou pas assez.
D’où l’idée de ce livre sur ‘Mes grandes tablées’. Au hasard de quelque 254 pages proposant 90 recettes venues d’ici ou d’ailleurs, mais surtout de son esprit créatif, j’ai notamment salivé sur un risotto parfait ‘al onda’ venu de Vénétie, un Klima Indra découvert en Inde, un manouché au zaater pris comme petit déjeuner à Beyrouth, ou encore un Phô brûlant déguster dans un resto-trottoir de Hanoï. Bon appétit à votre grande tablée !
‘Enjoy, mes recettes pour grandes tablées’ par Perla Servan-Schreiber chez Flammarion
Serge Bellu, rédacteur en chef de ‘L’année automobile’, par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de… l’automobile – ben voyons ! – publie, chez Glénat, un ouvrage qui conjugue, cette fois, l’automobile au féminin. Un volume grand format de 192 pages où il met en exergue, de la Belle Époque à nos jours, la relation entre les femmes et l’automobile.
Vouloir raconter ce long vécu relationnel revient à parcourir plus d’un siècle d’existence. Et donc à en rappeler ses bouleversements en tout genre. De plus, cette longue odyssée se confond avec la condition féminine dans nos sociétés. Une condition toujours régie par le sectarisme masculin, encouragée par les paresses de ces mêmes sociétés et nourrie par les réticences politiques.
Ainsi, lorsque l’automobile fait son apparition au tournant du XXe siècle, la femme n’a guère sa place auprès d’une invention qui s’adresse aux classes aisées et aux hommes. Au fil des ans, le sort de la femme va évoluer au rythme des transformations des mentalités, de l’évolution de son statut social, de son émancipation professionnelle, de ses droits civiques, et de la fin des discriminations. Une longue route semée de carrefours, de déviations et de déviances sur ce chemin de l’égalité qui, dans de très nombreux pays, même européens, est loin d’être un beau ruban asphalté en ce qui concerne l’égalité totale entre l’homme et la femme.
Ainsi cette phrase découverte dans cet ouvrage : « Le sexisme aura disparu lorsqu’on ne parlera plus de femmes issues du monde de l’art, de l’entreprise, de la famille, du sport, de la politique, comme étant des exceptions méritoires. » Même si les premières décennies de ce IIIe millénaire s’acheminent lentement vers cet objectif, il serait grand temps d’enclencher la 6e vitesse. Peut-être grâce à l’effet #Metoo.
C’est vrai qu’aujourd’hui la femme est non seulement présente dans l’industrie automobile, mais aussi dans le monde de la compétition. Un chapitre intitulé ‘Menaçantes championnes’ lui est même attribué. On y découvre des noms tels Anne-Charlotte Verney, Christine Dacremont ou la Belge Christine Beckers, trois assidues des ’24 Heures du Mans’ fin des années 70 et début 80. Maria Teresa de Filippis et Lella Lombardi présentes dans les paddocks de la F1. La Française Michèle Mouton, pilote d’usine en rallyes, et qui affronta la terrible course de côte du Pikes Peak. Seul petit bémol, je n’ai pas trouvé le nom de Paule Kiénert, directrice et rédactrice en chef de Janette. Un petit bout de femme vachement volontaire qui, depuis l’âge de 16 ans, sillonne les courses de côte et les circuits au volant de sa Mini Cooper de 1965. Toujours avec cette Mini, elle monta même, en 2013 notamment, sur la plus haute marche du podium réservé aux dames. C’était lors d’un critérium disputé sur le célèbre circuit manceau. Aujourd’hui, toujours dans la course, elle s’attache aussi à piloter son autre jouet : Janette. Tout un (bon) programme !
‘L’année automobile’, par Serge Bellu chez Glénat
En mars 2020, alors que la Covid-19 telle une traînée de poudre se répand à travers la planète, Barbara Duriau, une Belge installée depuis près de deux ans à Amsterdam, décide de créer sur Facebook le groupe ‘View from my window’ (Vu de ma fenêtre). Son idée : connecter les confinés de la planète. Son concept : partager sur le réseau la vue qu’ils ont depuis leur fenêtre. Deux mois après sa création, le groupe comptait déjà plus de 2,4 millions d’inscrits, dont 1,3 million issu des États-Unis.
Comme l’explique Barbara, qui vient de publier un recueil de 400 pages compilant 260 des 200.000 photos publiées, cet ouvrage a véritablement valeur de témoignage. Un témoignage unique, pour une situation qui l’est tout autant. C’est vrai qu’on se souviendra longtemps de ce début de printemps 2020 avec des mots comme : lockdown, tracking, confinement, gestes barrières, aérosol, infectiologue, virologue, expert pandémie, masque, distanciation, cluster… Il n’empêche que l’engouement que connaît son idée, engouement qui touche le monde entier, nous permet, grâce aux photos qui chaque jour viennent s’ajouter en masse, de se présenter comme un incroyable moment d’évasion. L’occasion rêvée de découvrir la diversité et la beauté du monde depuis son fauteuil.
Notez qu’aux côtés d’une piscine bordée de palmiers jouxte une photo qui donne sur l’arrière-cour d’un quartier de Pise. Là où le linge pend sur une corde tendue entre deux maisons. Et pourtant, la personne qui a pris ce cliché explique que cela la rassure de voir, en ces moments pénibles, des rituels quotidiens, comme la lessive, se perpétuer. « Des routines qui apportent une touche de normalité, même en période de confinement », avoue-t-elle dans la légende qu’elle a insérée sous son cliché. Ce recueil fait aujourd’hui le tour de la presse mondiale. Pensez donc, une belle histoire dans un moment plus que sombre. De New York à Moscou en passant par Bruxelles, Tokyo, Venise, Kuala Lumpur, São Paulo, Pise, Mumbai, Sante Fe, Sydney, Hong Kong, Darjeeling et… Esch-sur-Alzette, les clichés sont saisissants et les histoires qui les accompagnent, émouvantes, poignantes ou drôles. Un joli cadeau pour les fêtes.
‘View from my window’, par Barbara Duriau
Est-il besoin de présenter Laure Adler, cette journaliste, historienne, écrivaine, productrice à France Culture et France Inter, ou encore spécialiste de l’histoire des femmes et des féministes aux XIXe et XXe siècles ? Auteure de plusieurs ouvrages historiques, mais aussi d’une biographie consacrée à Marguerite Duras, elle nous propose aujourd’hui, chez Albin Michel, et dans une série ‘beaux livres’, un ouvrage consacré au ‘Corps des femmes’.
La beauté, l’injonction à la beauté, à la construction de la beauté, au paraître de la beauté sera le thème principal de ce fort volume grand format de 176 pages largement illustrées. Subjectivement, l’auteure va s’attacher à comprendre et à retracer de quelles manières le corps des femmes a été le sujet obsédant de l’histoire de la peinture occidentale. En réalité : ce que les artistes ont voulu faire des femmes. Objet de tous les fantasmes depuis la préhistoire, et qu’importe qu’elle soit déesse ou putain, vierge ou sorcière, virago ou odalisque, la femme a de tout temps été mise en scène, allumée, surexposée. Que ce soit son corps, toutes les parties de son corps, son visage, elle a toujours été représentée, mais essentiellement à travers un regard masculin.
Remarquable travail de recherches, ce ‘beau livre’ se divise en trois grandes parties. Tout d’abord, celle de la femme regardée qui va aller jusqu’au moment où Courbet et Manet vont révolutionner le regard. Viendra alors la seconde partie, celle des femmes qui nous regardent, une période qui s’étendra jusqu’aux années 60. Suivra enfin ces femmes qui se regardent. Ici, nous sommes au début des années 1970. Une époque durant laquelle va s’opérer une révolution majeure pour les femmes artistes qui désormais vont se représenter elles-mêmes.
À bien y regarder, c’est aussi à une histoire de l’évolution du statut de la femme que Laure Adler nous convie à suivre. Une sorte de voyage au pays de l’émancipation sexuelle et politique. De Camille Claudel à Louise Bourgeois, de Frida Kahlo – je suis ma propre muse – à Cindy Sherman… L’occasion de (re)découvrir, au-delà des textes, des toiles de Picasso, Michel-Ange, Raphaël, Klimt, Fouquet, Botticelli, Vélasquez, Giorgione, Ingres, Degas, Gauguin, Manet… et bien d’autres.
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