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Quelques BD avant la rentrée

par Charles Demoulin

3 septembre 2024

Aujourd’hui, la production BD est devenue telle, qu’il ne nous est pas toujours facile de vous présenter toutes les nouveautés issues des quelque 35 maisons d’édition qui collaborent plus que volontiers avec Janette. Mais comme la rentrée est bien là, votre magazine préféré va tenter durant chaque mardi de ce mois de septembre, de vous proposer plusieurs titres à côté desquels vous ne vous êtes peut-être pas arrêté(e)s.

ANSPACH

‘La vengeance’

Wyoming, XIXe siècle. Richard Hatton avait tout pour être heureux : un lopin de bonne terre où il avait construit sa ferme, ainsi que Mary, une magnifique épouse qui lui avait donné deux beaux enfants. Mais c’était sans compter sur Jim Pickford et ses deux acolytes qui, tombant par hasard sur la ferme des Hatton et sur Mary restée seule, en profitent pour la violer et la tuer.

À son retour, Hatton voit sa raison chanceler. D’autant que le shérif, bien trop seul pour administrer le vaste comté, lui explique qu’il ne peut l’aider et lui conseille du même coup d’oublier. Chose impossible pour Hatton qui vend sa ferme et, avec ses enfants, part à la recherche des assassins de Mary.

Un western proche des films réalisés par John Ford ou Clint Eastwood, mais dont l’auteur entend malgré tout nous offrir sa version personnelle de ce genre de récit d’atmosphère. Une histoire centrée sur l’humain et la relation entre père et enfants après l’assassinat de leur mère. Un récit de vengeance où les planches de l’auteur, réalisée à l’aquarelle, tiennent tout simplement du magnifique.

‘La vengeance’, de David Wautier chez Anspach

CASTERMAN

‘Appels en absence’

Oslo, automne 2011. Peu après les attentats perpétrés dans la capitale norvégienne et sur l’île d’Utøya, Rebekka et Fariba entrent au lycée. Alors que Fariba rejoint le groupe d’activistes frappé par le terrorisme, Rebekka se relève profondément marquée par cette tragédie. Submergée par un traitement médiatique sensationnaliste, incapable de comprendre les motivations du tueur, elle perd pied peu à peu…

Comment surmonter l’horreur et le traumatisme, même lorsqu’on n’en est qu’une victime par procuration ? L’auteure, Nora Dåsnes, avait 16 ans en 2011 lorsqu’un terroriste norvégien qui a revendiqué son acte dans un manifeste posté sur Internet a causé la mort de 77 personnes. Quelques-unes près du siège du gouvernement à Oslo, les autres sur l’île d’Utøya.

Par le biais d’un graphisme très personnel, aidé qui plus est par des coloris bleus d’une infinie tendresse, l’auteure, explorant les sentiments contradictoires de ses héroïnes, explique comment tenter de reprendre goût à la vie après un tel traumatisme. 

‘Appels en absence’, de Nora Dånes chez Casterman

DARGAUD

‘La fleur au fusil’

En 1868, l’unité de l’Italie est presque achevée. Mis à part les États pontificaux, la péninsule italienne, la Sardaigne et la Sicile ne forment qu’un seul royaume. Mais ce ‘Risorgimento’ ne se fait pas sans dommages pour les populations. Notamment pour celles qui sont parmi les plus pauvres du Sud de la botte, et qui sont écrasées par les taxes et l’armée piémontaise.

Des bandes de brigands voient alors le jour un peu partout dans cette région. C’est ainsi que la jeune Michelina di Cesare en intègre une afin d’échapper à sa condition de veuve et de femme battue. Gagnant le respect de ses compagnons suite à ses faits d’armes, elle va rapidement grimper les échelons, fédérant même plusieurs clans sous sa bannière. Bref, un destin hors du commun pour cette incroyable meneuse d’hommes.

S’emparant de ce personnage réel qu’était Michelina di Cesare, Cédric Mayen, aidé de façon magistrale par le dessin et les coloris de Cristiano Crescenzi qui manifestement possède une belle documentation sur ce moment historique qu’a connu l’Italie, nous offre une sorte de western se situant dans l‘Italie réunifiée. Et à propos de document, on appréciera le dossier concernant cette figure féminine de la résistance à l’oppression qu’était Michelina de Cesare.

‘La fleur au fusil’, de Cédric Mayen et Cristiano Crescenzi chez Dargaud

DELCOURT

‘Missak Manouchian’

Le 21 février 944, le poète Missak Manouchian, communiste arménien à la tête d’un réseau de résistants immigrés, ainsi que les membres de ce groupe, est dénoncé et arrêté par les brigades spéciales françaises à la solde des Allemands.

Au fil du récit, on découvre la vie étonnante de cet homme de terrain, confronté aux méandres de la reconstruction du parti communiste, alors qu’on se trouve à l’orée de la libération. Mais un mystère demeure toutefois quant à sa dénonciation. A-t-il été donné aux autorités allemandes par les cadres du PCF qui dirigeaient les attentats commis contre l’occupant afin que ceux-ci puissent demeurer en place ?

Si le scénario de Pécau suit au mieux la réalité des faits, il explique également le rôle que voulait jouer le futur parti communiste lorsque la France serait bientôt libérée, le dessin d’Ocana quant à lui et le choix des coloris, magnifient plus encore ce récit historique.

‘Missak Manouchian mort pour la France’, de Jean-Pierre Pécau et Eduardo Ocaña chez Delcourt

ÉDITIONS DU TIROIR 

‘Rubine The 90’s – Le prophète blanc’

Passée ici dans les mains du dessinateur Nicolas Van De Walle, la Rubine de François Walthéry va connaître, dans cette série ‘The 90’s’, une aventure qui se déroule bien avant qu’elle ne devienne l’une des figures de proue de la police de Chicago. Ici, c’est dans le Montana, l’un des états américains des plus allergiques au pouvoir centra de Washington, que le lecteur va retrouver la jolie rousse. 

Enfermée dans la ferme de Matt Raleigh où elle preste des heures de travail d’intérêt général suite au fait que la police a trouvé un flacon de drogue dans son sac de voyage, notre rouquine remarque un curieux va-et-vient autour de la propriété. Voulant pousser plus loin ses investigations, elle va non seulement se retrouver face au Ku Klux Klan, mais également devant un plantureux trafic d’armes.

Si les fanas de l’ami François ne retrouveront pas la manière dont ce dernier croquait les personnages qui intervenaient dans les aventures de Rubine, si cette dernière n’est pas exactement la copie conforme de celle qu’a enfanté Walthéry, ils s’habitueront rapidement au style de Nico Van De Walle qui s’attache notamment à peaufiner avec grand soin les décors dans lesquels évolue la jolie rousse.

‘Rubine The 90’s – Le prophète blanc’, de Mythic et Van De Walle aux éditions du Tiroir

FUTUROPOLIS

‘Jesse Owens des miles et des miles’

Jesse Owens, une légende de l’athlétisme. Jesse Owens comme vous ne l’avez jamais lu. Jesse Owens des miles et des miles, l’histoire vraie du champion olympique qui osa provoquer Hitler himself.

Né en 1913 en Alabama dans une fratrie de 11 enfants, ce petit-fils d’esclave sera quadruple champion du monde aux jeux de Berlin en 1936. Pourtant sa vie, qu’il aura passée à courir, n’a rien d’un conte de fées. Ne prenons pour exemple que malgré ses quatre médailles, Hitler refusa de lui serrer la main. Mieux, de retour aux États-Unis, ce fut au tour de Roosevelt de se détourner comme le fit le führer. Paradoxe toutefois, lors de ces jeux, Owens va se lier d’amitié avec l’Allemand Carl Ludwig Long, son grand rival en saut en longueur. Un sacré défi pour le régime nazi.

De manière très originale, et en courant tout le temps à travers les quelque 125 pages que compte cette petite merveille graphique, le Serbe Gradimir Smudja va, par le biais d’un dessin d’une incroyable virtuosité et dont certaines planches sont de véritables œuvres d’art, nous faire découvrir de façon poétique et sur un air de blues, la vie de celui qui n’a jamais connu la moindre reconnaissance pour ses exploits sportifs, mais aussi ses immenses qualités humaines. Un superbe album dans la collection Futuropolis qui fête cette année ses 50 ans.

‘Jesse Owens des miles et des miles’, de Gradimir Smudja chez Futuropolis

GLÉNAT

‘La reine Guenièvre’

Sous ce titre se cache le troisième volet de la tétralogie que le duo Bruneau – Duarte dédie à ce preux chevalier du roi Arthur qu’est Lancelot. Lancelot qui est prêt à tous les sacrifices pour sauver la reine Guenièvre retenue captive par Méléagant. C’est ainsi qu’en franchissant le pont de l’Épée, il fait preuve d’une immense bravoure, parvenant de la sorte à atteindre le château du roi Baudemagus.

Désormais, afin de libérer la reine, il s’apprête à affronter lors d’un duel, Méléagant, le fils du roi. Malgré la force du chevalier maudit, Lancelot, inspiré par son amour pour Guenièvre, prend le dessus devant une foule de villageois inquiets. Grâce à cet exploit, il obtient le droit d’emmener sa reine hors du château. Mais à sa grande surprise, Guenièvre refuse de le suivre.

Si le scénario est connu des accros aux contes et légendes, il est toutefois mis en exergue par le graphisme de Carlos Rafael Duarte dont le trait détaillé, beau et plein de force croque à merveille personnages et décors de l’époque.

‘Lancelot – La reine Guenièvre’, de Clotilde Bruneau et Carlos Rafael Duarte chez Glénat

KENNES (ENSEMBLE)

‘Deux toits un chez-moi ?

La collection ‘Ensemble’ invite le lecteur dans un univers où chaque histoire est une fenêtre ouverte sur le monde de l’autre. Ce faisant, elle jette un pont entre les différences afin de sensibiliser, d’éveiller l’empathie et de stimuler la réflexion. Des récits poignants et éclairants racontent les défis et les joies du ‘vivre-ensemble’, où chaque volume de BD aborde un thème essentiel. De quoi œuvrer pour une société plus unie, mais aussi à une plus grande compréhension mutuelle.

Dans ce volume, il sera question de quatre ados, quatre familles marquées par la séparation des parents, quatre destins. Kim, Douglas, Lily et Sascha sont élèves dans la même école. Mais c’est surtout leur situation familiale qui les rapproche, et une complexité du quotidien à laquelle chacun s’adapte comme il peut. Finalement, ces quatre histoires dessinent autant de regards singuliers et complémentaires sur une vie passée sac au dos, en transit entre deux domiciles.

Un sujet d’une réelle actualité. Une BD très instructive, dessinée et coloriée de bien belle façon. Un album doté d’un remarquable dossier consécutif au sujet ici traité, et qui est signé par deux sociologues spécialisés en matière de famille uniparentale ou recomposée.

‘Deux toits un chez-moi ?’, de Falzar, Merla, Mobels et Pacotine chez Kennes

LE LOMBARD

‘Une femme dans la course’

Ce bien bel album nous entraîne tout d’abord dans la Creuse durant l’été 1959. Depuis la mort de sa mère, la toute jeune Christine Rivage court. Une extrême nécessité qui s’est imposée du jour au lendemain afin d’évacuer sa rage et assimiler sa peine. La fuite comme instinct de survie et la couse à pied comme exutoire vital, qui se transforme progressivement en routine grisante et essentielle. Un dépassement de ses capacités physiques qui est pourtant décrié dans la campagne traditionnelle qui l’a vue naître.

Orpheline de mère, fille unique, Christine se retrouve à la merci d’un père conservateur qui préférerait bien davantage la voir courir en blanc jusqu’à l’autel. Mais voilà, contrairement à son père, Christine ne rêve pas de mariage. Après dix années d’entraînements quotidiens, elle aspire désormais à courir le troisième marathon de France et ainsi s’expérimenter en groupe d’une seule et même foulée. Mais c’est là une utopie puisque l’Union internationale des athlètes amateurs encore d’application en 1971, interdit aux femmes pour de prétendues raisons médicales de courir plus de 1,5 kilomètre.

Mais qu’importe. Avec ou sans dossard, et quelle que soit la menace, pour la première fois à ce marathon il y aura une femme dans la course. Via un scénario révélateur du manque de considération de la femme en ces années où le sport était uniquement réservé aux hommes, mais également par le truchement d’un dessin et des coloris qui transpirent la volonté et la joie de vivre de Christine Rivage, les auteurs nous embarquent dans ces combats menés par des femmes qui entendent vivre l’égalité des genres.

‘Une femme dans la course’, de Gwen Morizur et Marie Duvoisin au Lombard

MARABULLES

‘Hors-la-loi’

Sous ce titre se cache une histoire vraie. Celle d’Harry Allen, premier cow-boy transgenre. Né le 11 septembre 1882 sous le nom de Nell Pickrell, Harry Allen délaisse très tôt son patronyme féminin pour celui, masculin, d’Harry. Fuyant un père violent et une mère alcoolique, Harry espère trouver dans l’Ouest sauvage un refuge où il lui sera possible de se réinventer.

Tour à tour barman, croupier, barbier, trafiquant d’alcool, voleur de chevaux, proxénète ou encore bandit de grand chemin, il va se distinguer autant par son épais casier judiciaire que par la cinquantaine d’articles que vont lui consacrer les différents journaux de la région de Seattle. Pointé du doigt, violé, poignardé, jeté en prison, suscitant autant de haine que d’adoration – trois femmes se suicideront par amour pour lui -, Harry Allen mena une vie d’errances, et d’éternel vagabond, avant de mourir dans la misère à l’âge de 40 ans.

Dessinée de manière semi-réaliste très expressive, cette BD, résultant d’une importante documentation, mais également d’un brin d’imagination du scénariste pour en compléter la trame, a été pour moi une superbe découverte agrémentée d’un vrai coup de cœur.

‘Hors-la-loi’, de Stéphane Tamaillon et Priscilla Horviller chez Marabulles

‘Rei Sen Pacifique T1’

Prévu sous forme de triptyque, cet ouvrage qui a pour objectif de nous conter la guerre du Pacifique, mais vue cette fois du côté japonais, s’avère au-delà de ce qu’il nous conte, un véritable petit régal visuel pour tous les amateurs d’aviation guerrière. Ainsi, au-delà de batailles aériennes à couper le souffle tant elles nous embarquent au sein même du cockpit du pilote, il y a, en fin d’album, un petit graphique qui nous remet en mémoire tous ces ‘coucous’ qui s’illustrèrent durant la Seconde Guerre mondiale. 

Comme l’expliquent deux pages de présentation insérées au début de ce premier opus, au printemps 1942, le Japon avait atteint la plus grande partie de ses objectifs. Il s’était emparé de territoires immenses et de richesses considérables au prix de pertes légères. C’est vrai que l’armée nipponne, dotée d’une force navale impressionnante et d’avions nettement supérieurs aux avions alliés, ne connaissait jusque là que des victoires dans son expansion impérialiste en Asie du Sud-Est.

Se mettant du côté des troupes du pays du Soleil-Levant, Olivier Speltens, spécialiste des récits guerriers, nous propose de suivre un duo de pilotes japonais basé à Lae, en Nouvelle-Guinée. Daisuke Tanaka et son ami d’enfance Kenji vont dès lors nous tenir en haleine tout au long des différentes missions qui leur sont confiées dans ce premier volet. Accrochez-vous, il va y avoir de la casse !

‘Rei Sen Pacifique T1’, d’Olivier Speltens chez Paquet

SOLEIL

‘Noël en famille’

Proposé sous forme de diptyque, ‘Noël en famille’ se veut la conclusion de ‘Western Love’, un premier western ‘Young Adult’ rafraîchissant, plein d’action, de romance et d’humour. Un western à mi-chemin entre ‘Et pour quelques dollars de plus’ et ‘Coup de foudre à Notting Hill’.

Après s’être connus dans un bled poussiéreux du Nouveau-Mexique, Molly et Gentil vivent leurs premiers pas en tant que couple. Ils sont jeunes et rêvent de richesse et de Californie. Ce jusqu’au jour où ils découvrent dans la neige, le cadavre d’une inconnue tenant dans ses bras un bébé qui hurle de froid et de faim. Un bébé qui fort curieusement voit beaucoup de gens lancés à sa recherche.

Un second volet qui comme le premier est mené tambour battant, avec des rebondissements en tout genre, et où l’ambiance n’est jamais trop sereine, même si on est à Noël et que cela se passe en famille. Et puis, au-delà du scénario, il y a ce dessin incroyablement précis dans ses détails, et qui fait mouche à tout coup. Une BD comme on les aime, qui a du peps et des cadrages typés cinéma. Bref, une BD qui décape en nous offrant tous les ingrédients d’un cocktail western.

‘Western Love Noël en famille’, d’Augustin Lebon chez Soleil