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Quatre BD de chez Gallimard

par Charles Demoulin

18 mars 2024

Récits intimistes ou grandes aventures pour la jeunesse ou pour les adultes, les bandes dessinées que propose Gallimard sont celles d’auteurs à la voix singulière qui ont des histoires à partager et un monde à faire découvrir. Ce sont des auteur(e)s qui se servent de la BD pour faire œuvre de création en racontant le monde à leur manière. Que ce soit en couleur ou en noir et blanc, en 50 pages ou en 500, dans tous les genres et dans tous les registres. Pour preuve, ces quatre nouveautés que Janette vous présente ici.

‘Né en Iran’, de Majid Bita

Installé depuis 2014 en Italie, l’auteur, né en Iran, convoque ici ses souvenirs d’une enfance disparue. Il y trace le portrait d’une identité morcelée entre héritages culturels, intimité familiale et contexte sociopolitique. À travers ses yeux d’enfant vivant dans l’Iran des années 90, celui du lendemain de la guerre contre l’Irak, il y va d’une autobiographie décrivant la vision déconcertante d’une jeunesse plongée dans une perturbation la plus totale.

Par le biais d’un dessin peu peaufiné et tout de noir et blanc vêtu, Majid Bita, tout le long de 350 pages, raconte son vécu en tant qu’Iranien ayant grandi dans un pays détruit par les dictatures, les révolutions et les guerres. Comme il l’explique, ses souvenirs, lourds et confus, pesaient sur ses épaules, d’où ce besoin de les sortir de sa mémoire afin de leur donner un sens.

Un ouvrage qui n’est pas une simple chronique d’un pays, puisqu’avec lui vous entrerez à l’intérieur des maisons iraniennes. Vous ouvrirez les placards remplis d’objets qu’on ne peut pas toucher. Vous descendrez dans des caves où sont cachés disques, cassettes ou livres interdits d’artistes ou d’écrivains assassinés ou exilés.  Vous plongerez dans cette confusion mortifère qui étouffe quand vous vivez sous une dictature qui exerce un contrôle total sur tout ce qui touche de près ou de loin à votre propre manière de vivre. Que ce soit sur les mots que vous pouvez prononcer, sur ce que vous pouvez manger ou boire, ou ce que vous pouvez porter comme habits. Un témoignage désarçonnant à coup sûr !

‘L’Archipel’, par Sacha Goerg

Tim, un jeune garçon, habite dans un des beaux quartiers de la ville. C’est là qu’il mène une vie aussi oisive que superficielle. Sauf qu’un jour, se promenant dans un métavers qui simule l’état de sa ville vingt ans plus tard, il découvre le tableau alarmant d’un monde enlisé dans la crise climatique. Un monde où il va croiser Chloé.

Chloé qui vit sur ‘L’Archipel’, une île flottante qui est en fait un vieux paquebot retourné où viennent s’entasser dans des espèces de logements sociaux, tous les déshérités du coin. Chloé qui au moment où elle va rencontrer Tim, venait s’assurer que ‘L’Archipel’ ne risquait pas de sombrer.

À travers un impossible chassé-croisé amoureux, ce duo de l’improbable va tenter de réinventer leur rapport au monde, et de donner un sens à leur vie. Cela entre métavers et réalité… Par le biais d’un dessin tout en finesse mis en exergue par des touches d’aquarelle qui varient d’éclats et de luminosité suivant les moments et les endroits où se déroule l’histoire, Goerg évoque nombre de problèmes de notre monde d’aujourd’hui : l’IA, la robotique, les crises énergétique et climatique, le clivage de plus en plus prononcé des classes sociales. Bref un ouvrage qui fait peur.

‘Le clan des Otori T4’, de Stéphane Melchior et Benjamin Bachelier d’après l’œuvre de Lian Hearn

‘Le silence du rossignol’, décliné en trois tomes, voit aujourd’hui s’ouvrir ‘Les neiges de l’exil’, second volet de cette saga flamboyante ayant pour cadre le Japon médiéval. Depuis la fin du troisième opus, seize années ont passé, et de nouvelles filles très influentes vont faire une entrée remarquée dans ce nouvel album. 

Il faut savoir que l’assassinat du sanguinaire chef des Tohan, sire Lida, a renversé l’échiquier politique des Trois Pays. C’est ainsi que sire Araï s’est emparé de la capitale et tente de se trouver des alliances auprès de Takeo, devenu désormais héritier du clan des Otori, mais également auprès de Kaede, devenue la femme la plus puissante de ce Japon de l’époque où violence des sentiments et luttes de pouvoir rythmaient le quotidien.

Oui, mais voilà ! Le couple formé par Takeo et Kaede va maintenant poursuivre des desseins pour le moins différents puisque lui rejoint les rangs criminels de la Tribu, tandis qu’elle regagne les terres Shirakawa.

Chacun semble désormais inatteignable, mais n’oublions pas que leurs ennemis sont partout. Une nouveauté où poésie délicate et violence extrême s’interpénètrent à nouveau pour nous offrir une suite tout aussi magistrale à cette saga où le dessin et les coloris intenses de Benjamin Bachelier collent à merveille au Japon de cette époque féodal.

‘Les Herbes sauvages’, d’Adam de Souza

Jeune dessinateur canadien vivant désormais à Londres, l’auteur nous propose ici sa toute première bande dessinée. Ses univers sont peuplés de personnages forts, convoquent rire et émotions, et s’émerveillent des petites et grandes beautés de la vie. De quoi comprendre cette échappée existentielle drôle et émouvante qu’il nous distille dans cet album plein de fraîcheur.

Olivia, jeune fille fougueuse de 17 ans, achève, à l’image de ses copains Milo et Alvin, son lycée à Vancouver, au Canada. Il faut dire qu’elle est totalement incapable de répondre à l’invariable question : « Et après, qu’est-ce que tu vas faire ? » C’est vrai que son instinct lui dicte de ne pas se plier à l’engrenage absurde de la vie d’adulte : crédits, rôles assignés, et bullshit jobs… 

Entre fugue et quête de sens, Oli va embarquer ses potes Milo et Alvin dans un périple à travers les paysages naturels des îles Gulf, sur la côte Ouest canadienne où elle espère enfin trouver des réponses à ses questions existentielles en rejoignant une communauté agricole utopiste. Mais de rencontres impromptues en engueulades, rien ne se passera comme prévu. Reste que l’urgence de vivre et de trouver leur place amènera bien quelque part notre trio. C’est vachement rafraîchissant !

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