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Quand la BD nous promène à travers les siècles

par Charles Demoulin

6 mai 2025

Nouvelle balade à travers le temps avec ces nouveautés bédéistiques qui, de l’époque de Jésus Christ à nos jours, nous proposent des arrêts dans la Rome antique, la conquête de l’Ouest, ou encore durant cette période qui a vu Hitler prendre le pouvoir en Allemagne. De quoi parfois améliorer notre savoir.

‘Le royaume interdit’, de M. Jailloux et R. Seiter chez Casterman

C’est dans une quarante-quatrième aventure d’Alix, ce jeune héros gaulois créé par Jacques Martin, et repris depuis la mort de ce dernier par différents scénaristes et dessinateurs, que cet album va nous plonger avec délices.

Intrigué par une belle esclave qui vient de sauver Enak, Alix la rachète et l’affranchit, après lui avoir demandé de lui raconter son histoire. Cette esclave, Iphis, révèle être la princesse du royaume de Kamarès, royaume étant resté discret pendant de longues années afin de se protéger du reste du monde. Iphis était envoyé en délégation par son père, le roi, qui souhaitait ouvrir ses frontières, afin de pallier le problème de surpopulation qui frappait l’île.

Intrigué par ce récit, Alix décide de raccompagner Iphis chez elle, afin qu’elle fasse rapport à son père. Mais arrivée à destination, la princesse réalise que son père n’est plus sur le trône, et que le royaume semble avoir surmonté tous ces problèmes. Derrière ces changements drastiques se cache un sombre secret dont le peuple lui-même ne semble pas avoir connaissance.

Un album qui reste dans la lignée des meilleurs Alix signés Jacques Martin, où les rebondissements foisonnent, mais où l’on découvre que le scénariste, Roger Seiter, est vraiment historien de formation.

‘Remington 1885’, de Polls et Sagar chez Dargaud

Arizona, mai 1885. Frederic Remington, alors jeune illustrateur inconnu, rejoint Fort Grant, non loin de la frontière mexicaine. Il rêve de montrer au monde, cet ‘Ouest sauvage’, et de placer ses illustrations dans la très prestigieuse revue Harper’s Weekly.

Avide de capturer des moments authentiques et privilégiés avec ses crayons, il saisit l’occasion d’accompagner un détachement de cavalerie sur les traces de Geronimo, l’insaisissable chef indien. Mais, pris dans une tempête de sable, le dessinateur est capturé par un groupe d’Apaches conduit par Geronimo lui-même. Par l’intermédiaire de Maria, une jeune Indienne qui parle anglais, Remington apprend que sa vie ne tient qu’à un fil : Geronimo veut que Remington peigne son portrait…

S’appuyant sur des faits historiques, Josep María Polls et Sagar imaginent une rencontre légendaire qui aurait mis Remington, l’un des illustrateurs les plus populaires de l’Ouest américain, en présence du mythique Geronimo, qui fut le dernier grand chef apache à se battre contre les États-Unis et le Mexique. Un western ‘documentaire’ passionnant, instructif (cf. le dossier en fin d’album), et somptueusement mis en images.

‘Remington 1885’, de Polls et Sagar chez Dargaud

‘Le sacrifice des Aigles’, de Makyo et Eugenio Sicomoro chez Delcourt

C’est à un diptyque que Makyo, au scénario, Eugenio Sicomoro au crayon et Ferraccioni aux coloris, nous invitent à les suivre. Un western qui se veut sans nul doute une nouvelle approche du genre.

Poussé par la vengeance suite au meurtre de son frère, le commandant Lewis ordonne l’attaque d’un village Hopi durant une cérémonie traditionnelle. C’est un carnage. Outre une immense tuerie, nombre de femmes indiennes sont violées. Parmi celles-ci, la femme du chef qui mourra en couches en mettant au monde deux bébés. L’un à la peau cuivrée, l’autre à la peau blanche.  

Un an plus tard, Kate, une veuve que la misère a réduite à la prostitution, se voit confier un bébé indien abandonné devant les portes du fort. S’il meurt, elle sera pendue. Un soir, une bande d’Indiens Hopis vient avec respect rendre hommage à l’enfant…

Entraîné par la passion de son dessinateur pour le western, Makyo apporte au genre une dimension mystique se référant aux mythes les plus anciens. Deux frères s’opposent, l’un au service du mal, l’autre à celui du bien… Une belle découverte que cette bédé dont on attend la suite et fin avec une impatience non dissimulée. C’est que non seulement le scénario sort des sentiers battus, mais le dessin hyperréaliste de Sicomoro magnifie plus encore cette nouveauté.

‘Le sacrifice des Aigles’, de Makyo et Eugenio Sicomoro chez Delcourt

‘Gadiro – Le serpent de Boréas’, de Manuel Veiga, Adrián M. García et Tiago Barsa chez Kalopsia

Voici déjà le second volet de cette série Gadiro dont nous vous avions présenté le premier opus la semaine dernière. Un album qui plongeait le lecteur en 3150 avant J.-C., au cœur du monde oublié de l’Atlantide.

L’ambassadeur d’Atlantia nouvellement nommé, Gadiro, fils aîné de la Reine Actea, a pour première mission d’entrer dans la gueule du loup et d’aller à Boréas, réclamer réparation pour l’attaque subie. 

Accompagné de sa fiancée, Xail, une otage prise chez les Aztèques, de son ami Dhembo, un africain de Sénégambie, d’un garçon égyptien appelé Naeem, apprenti architecte, et du druide Wythrin, expulsé des terres celtes de la France actuelle, ils pénètrent dans les terres hostiles de Boréas.

Les accompagnent comme lieutenant de la troupe armée de l’ambassadeur, Sapphira, une espionne d’Atlas, ainsi que l’héritier d’Atlantia, le frère de Gadiro, qui cherche à le discréditer. À peine la frontière franchie, que la troupe de l’ambassadeur est attaquée par des centaines de serpents aux ordres des enfants du roi Prokopios. Ce ne sera pas la dernière attaque jusqu’à ce qu’ils parviennent au château ennemi. Là, le roi n’est guère enclin à signer un quelconque traité de paix. Bien au contraire.

Si le dessinateur a changé, Fabiano Neves laissant le crayon à Adrián M. Garcia, le lecteur n’y trouvera guère à redire. Reste que cette série demeure volontiers réservée à des lecteurs plus avertis.

‘Gadiro – Le serpent de Boréas’, de Manuel Veiga, Adrián M. García et Tiago Barsa chez Kalopsia

‘Trous de mémoires’, de Nicolas Juncker au Lombard

Maquerol, petite ville de Provence, en 2022… Suite au décès du célèbre photographe Gérard Poaillat, le ministre de la Culture a une idée lumineuse : créer un musée en l’honneur de cet artiste né en Algérie, qui sera aussi un mémorial dédié à toutes les victimes de la guerre ayant mené à l’indépendance de ce pays. 

Supervisée par une historienne pointilleuse et un scénographe imbu de lui-même, l’initiative représente un enjeu politique de taille, à la fois pour le gouvernement et pour l’ambitieux maire de la petite commune. Mais rapidement, le projet multiplie les couacs, notamment lorsqu’il est envisagé de transformer de fond en comble la villa qui doit accueillir le futur musée ou d’intégrer des souvenirs personnels des habitants de la commune… 

Pis : une partie des habitants s’oppose à tout espace mémoriel qui mettrait en parallèle le point de vue des rapatriés et celui des Algériens. Ces tensions grandissantes finissent par transformer l’entreprise en véritable cauchemar.

C’est avec sa botte secrète qu’est l’humour, que Nicolas Juncker a une nouvelle fois décidé d’aborder ce conflit et ses diverses conséquences. Et ce dans un album où finesse et intelligence jonglent avec drôlerie et satire.

‘Trous de mémoires’, de Nicolas Juncker au Lombard

‘Pâle figure’, de Kerr, Boisserie et Warzala aux Arènes BD

Grâce aux Arènes BD, nous découvrons pour la première fois, l’adaptation en bédé du chef-d’œuvre de Philippe Kerr : ‘La trilogie berlinoise’. Une œuvre remarquable où le lecteur faisait la connaissance de Bernie Gunther, un ancien policier devenu détective. Tout avait débuté en 1936 avec : ‘L’Été de Cristal’. Nous le retrouvons aujourd’hui à Berlin, en 1938.

Ce deuxième tome s’ouvre sur une affaire de chantage sommant une riche éditrice de payer une rançon afin que les lettres d’amour de son fils homosexuel ne soient pas publiées.

Bernie enquête avec son ancien collègue Stahlecker, mais celui-ci est assassiné. Convoqué par Heydrich, Bernie se voit confier une enquête sur un tueur en série, surnommé la pâle figure. Un serial killer qui hante les rues de Berlin, violant et assassinant de jeunes femmes blondes… 

Mais rapidement, les deux sulfureuses affaires vont se retrouver mêlées et plonger notre enquêteur dans les coulisses du pouvoir nazi.

La Pâle figure, deuxième volet de La Trilogie berlinoise, dresse un tableau réaliste et terrifiant du quotidien des Allemands sous le IIIe Reich. Sardonique, solitaire, provocateur, Bernie Gunther est à l’Allemagne hitlérienne ce qu’est Philip Marlowe, héros de Raymond Chandler, à la Californie des années 1940. 

Quant au traitement graphique de François Warzala, il s’inscrit dans l’école de la ligne claire, à l’instar de Tintin ou de Blake et Mortimer. Une adaptation à ce point aboutie de l’œuvre de Philippe Kerr, que ceux qui comme moi ont lu le roman ne parviennent pas à se détacher de sa version BD. Vivement le dernier volume : Un requiem allemand.

‘Pâle figure’, de Kerr, Boisserie et Warzala aux Arènes BD

‘Jésus aux enfers’, de Thierry Robin chez Quadrants

Qu’a fait Jésus entre le Vendredi saint, jour de sa crucifixion et de sa mort, et le dimanche de Pâques, jour de sa résurrection et de sa rencontre avec Marie Madeleine ? Trois jours passés dans le royaume des morts où, d’après l’auteur de cet album, il aurait rencontré Satan.

C’est vrai qu’en s’appuyant sur un texte apocryphe daté du IIe siècle de notre ère, ultérieurement intégré à l’Évangile de Nicodème, a inspiré Thierry Robin qui nous livre ici son interprétation. Interprétation pour le moins audacieuse diront certains.

C’est ainsi qu’en attendant sa résurrection, Jésus, parcourant les enfers, va rencontrer toutes ces âmes élues qui espéraient son passage sur terre pour ressusciter et gagner enfin le paradis. Au-delà, il va également rencontrer Satan, celui-là même qui l’a tenté lorsqu’il a vécu ses quarante jours dans le désert…

Un récit savamment élaboré en BD qui plus est, et qui traite d’un épisode méconnu ou resté silencieux de la vie du Christ. C’est instructif, bien analysé et le graphisme de l’auteur sort réellement des sentiers battus. Bref, une véritable découverte à tous les niveaux.

‘Jésus aux enfers’, de Thierry Robin chez Quadrants

‘Survival – Palmyra’, de Christophe Bec et Kamil Kochanski chez Soleil

États-Unis, de nos jours. Une famille en quête d’un nouveau départ s’installe dans une ferme proche de la bourgade rurale de Palmyra. Peu à peu, un climat d’angoisse s’installe, la forêt dense avoisinante recélant de bien étranges et inquiétants phénomènes.

Retranchés pour lutter contre de monstrueuses menaces, les membres de la famille vont devoir tout tenter pour survivre… Quelles créatures sanguinaires se cacheraient-elles dans cette sombre forêt du Maine ? Et comment leur survivre ?

Pas le moindre temps mort dans cette BD à l’intrigue profonde et savamment élaborée. Un récit à l’ambiance lourde, lugubre même et pleine d’angoisse, que le graphisme et les découpages de Kochanski, ajoutés aux coloris de Facio appesantissent plus encore. Manière de capter sans relâche l’attention des lecteurs. Du grand art !

‘Survival – Palmyra’, de Christophe Bec et Kamil Kochanski chez Soleil

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