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Parcours de vie : « Je ne veux pas que Parkinson gagne, je lui mène donc la vie dure »

par Elodie Lambion

29 mars 2023

En 2012, après des années de douleurs dont l’origine était inexpliquée, Sandra apprend qu’elle est atteinte de la maladie de Parkinson. Aujourd’hui, elle se livre à coeur ouvert sur son histoire avec l’espoir de pouvoir aider d’autres Janette, de réveiller en elles cette volonté de vouloir combattre la maladie, de lui résister. Une leçon de vie remplie de force, d’espoir, de sincérité et de résilience.

« Me lever était devenu une épreuve »

En 2009, alors que mon papa se battait contre la leucémie, j’ai ressenti une fatigue anormale, une rigidité matinale, des douleurs intenses. Me lever était devenu une épreuve. Au travail, tandis que mes collègues se retrouvaient pour le déjeuner, moi, j’allais dormir. Dans l’open space, je ne parvenais plus à me concentrer, je passais trois heures sur des tâches qui, habituellement, me prenaient une heure. J’ai commencé à douter de mes capacités, j’ai perdu confiance en moi et la dépression s’est peu à peu installée.

Lors d’une consultation à la clinique de la douleur, les médecins ont mis celle-ci sur le compte de la fibromyalgie. Malgré un traitement intense durant 3 ans, mes souffrances étaient toujours omniprésentes. Les médecins m’ont alors conseillé de consulter un psychiatre. Je l’ai très mal pris, car pour moi, mes douleurs étaient réelles. À contre-coeur, j’ai quand même consulté ce dernier.

« Après plusieurs examens, il m’a annoncé que je souffrais de la maladie de Parkinson »

En 2012, j’ai pris rendez-vous au Centre Hospitalier de Luxembourg auprès du Docteur Boisanté. Elle m’a confirmé que mes souffrances n’étaient pas normales, elle a demandé l’avis de son confrère neurologue, le Docteur Diederich. Dès la première consultation, il a relevé un problème au niveau du côté droit, du striatum gauche. Je ne balançais pas le bras droit en marchant, les réflexes n’étaient pas aussi libres que du côté gauche. Après plusieurs examens, le Docteur Diederich m’a annoncé que je souffrais de la maladie de Parkinson.

Au début, je ne voulais pas y croire, j’ai vu d’autres spécialités à l’étranger, car au fond de moi, je voulais un autre diagnostic. Pourtant, j’allais de plus en plus mal. Je traînais une jambe, je n’arrivais plus à écrire longtemps à la main, cela me fatiguait. J’avais des graves insomnies, des crampes et des spasmes : des nuits entières sans dormir. J’oubliais beaucoup aussi. Au réveil, j’étais comme une vieille femme, je ne me reconnaissais pas. Il fallait que j’accepte la réalité de cette maladie.

« Je veux que les autres me voient comme un être humain, malade certes, mais qui résiste »

Au bureau, j’étais toujours impeccable. Transmettre une image positive était essentiel et cela l’est toujours à l’heure actuelle. Je me maquille, je veille à être bien habillée au quotidien. J’ai dû renoncer aux talons aiguilles, mais je n’ai pas fait un trait sur le reste. Si j’ai décidé de porter telle chemise, même si cela me prend du temps d’attacher les boutons, je ne renonce pas. Ma soeur me demande souvent comment je fais. En fait, je me motive moi-même. Je veux que les autres me voient comme un être humain, malade certes, mais qui résiste. L’important pour moi, c’est d’y arriver. J’ai appris à vivre autrement, je me suis adaptée à la maladie.

« Cette âme créative permet à mes neurones de faire de la gym »

Alors que j’ai fait les beaux-arts en Belgique, j’avais presque oublié que je savais peindre. Il y a quelques années, ma kiné m’a conseillé de travailler la dextérité de mes mains. Ma soeur m’a alors proposé de créer des couronnes de Noël. Cela a été le déclic. J’ai créé un petit atelier chez moi, j’ai commencé à fabriquer un petit quelque chose pour tout le monde, à peindre des tableaux, à rédiger des poèmes. Ceux-ci ont beaucoup évolué, car au début, ils étaient centrés sur ma maladie, ma douleur alors que maintenant, ils sont remplis d’espoir.

Dans mon atelier, les idées émergent comme du pop-corn. Je récupère souvent des objets et je les détourne, je les intègre dans de nouvelles œuvres. Au début, mon mari et ma soeur ne comprenaient pas, ils pensaient que je m’enfermais dans mon monde. Or, je me considère comme une sorte de doctoresse pour les objets cassés, pour les choses abîmées, je leur donne une seconde vie, car quelque part, j’aimerais que quelqu’un puisse aussi me restaurer, me redonner ma lumière d’autrefois. Colorer un tableau, c’est colorier mes douleurs. J’intègre toujours une pointe de rose, car cette couleur, c’est l’espoir. J’existe à travers mes créations. Cette âme créative permet à mes neurones de faire de la gym. Ils s’ennuient moins et meurent moins vite. Je suis une animatrice pour eux.

« Je ne veux pas que la maladie gagne, car elle est présente en moi sans y avoir été invitée »

Je vis encore, je suis différente, mais je suis toujours moi. J’ai perdu beaucoup de choses dans la vie, mais le plus important, c’est de changer la manière de voir les choses, de regarder tout ce que j’ai encore. Je ne pleure pas sur ce que je n’ai plus. Je m’intéresse à ce soleil intérieur qui est en moi. La beauté de mes journées dépend de moi. En fait, tous les matins, c’est comme revêtir un vêtement qui n’est pas fait pour moi, mais je le customise pour qu’il soit plus beau. Je ne veux pas que la maladie gagne, car elle est présente en moi sans y avoir été invitée. Je lui mène donc la vie dure. En plus, nous gaspillons la même énergie pour être malheureux ou heureux donc autant choisir le bonheur et la positivité. Avant, lorsque j’étais dans les embouteillages, je pestais alors qu’aujourd’hui, j’en profite pour observer toutes les choses positives qui m’entourent. La vie me fait des croche-pieds, mais je me relève à chaque fois et j’avance. Je fais tout cela pour mon papa, car il s’est battu, il a cru, il a voulu vivre et il continue de vivre à travers moi.

« Je déguise ma douleur, je la transforme en couleurs »

Les médicaments ont des conséquences sur ma santé telles que des hallucinations parfois, de la tachycardie, des fausses routes – les aliments solides, liquides passent dans la trachée, parfois dans les poumons – de l’hypotension, des malaises, des chutes, mais lorsque je ne les prends pas, je ne parviens pas à sortir du lit. J’ai même fait récemment un accident de voiture, car j’ai été victime d’un malaise vagal. Je préfère donc vivre moins, mais vivre pleinement chaque jour tout simplement. Je déguise ma douleur, je la transforme en couleurs. Cette force que j’ai en moi me guide. Une porte s’est fermée, mais une autre s’est ouverte. Je n’oublie jamais qu’une journée sans rire, c’est une journée perdue !

Si vous aussi, comme Sandra, vous souhaitez partager votre témoignage avec nos lectrices, envoyez-nous un mail à l’adresse redaction@janette.lu

Quelques-unes des créations réalisées par Sandra dans son atelier.

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