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« On arrive dans la nuit »

par Charles Demoulin

24 mars 2024

J’aurais voulu en ces temps incertains, vous proposer un ouvrage ‘cosy’, où rire, insouciance, bonne humeur, joie de vivre, liberté, légèreté, évasion… étaient de toutes les pages. Cela manière, de vous faire oublier nombre de nuages noirs qui plombent de plus en plus notre, votre ciel. En fait, vous proposer un roman bien dans le style et l’esprit de ‘Janette’. Pourtant, c’est un incroyable ‘devoir de mémoire’ que je vais vous présenter ici. Manière de remettre dans la tête de chacun et chacune ce : « Plus jamais ça ! » hurlé après Seconde Guerre mondiale. Un voeu pieux qui redevient malheureusement fort à la mode dans notre monde d’aujourd’hui.

Venant prendre place dans la collection Flammarion-INA, ce récit ‘vérité’ est le témoignage inédit de la réalisatrice et documentariste Marceline Loridan-Ivens (1928 – 2018), survivante de la Shoah et compagne de déportation de Simone Veil. C’est ce minuscule petit bout de femme qui expliquait lors d’une interview : « Oui, nous avons vécu des choses horribles collectivement. Mais chaque homme est une personne unique, chaque femme a ses propres souvenirs. C’est l’ensemble de tous ces souvenirs qui fait l’Histoire. »

Un soir de février 1944, Marceline, adolescente rebelle et frondeuse, est arrêtée avec son père dans leur maison du Vaucluse. La suite, ce sera la déportation à Birkenau. Arrivée dans le même convoi que Simone Veil, dont elle devient rapidement l’amie, elle va connaître la barbarie, la faim, l’angoisse et les travaux forcés. Et pourtant, dans ces moments quotidiens de souffrances totales, elle aura pour mantra : « Tant qu’on n’est pas dans chambre à gaz, ça gaze ! » Un mantra qui rimera à jamais la suite de sa vie.

De quoi vous faire comprendre ce genre de petite bonne femme qui, sans langue de bois, sans jouer sur la corde du pathos, nous raconte son histoire avec sincérité et émotion. Une histoire qui durant un long moment s’est écrite en lettres de sang dans… la grande l’Histoire. L’histoire aussi de sa vie d’après, où, désireuse d’évoquer ceux qui comme son père y sont restés, ne trouvait guère de résonnance auprès de ceux qui ne voulaient pas y croire. Pour preuve les paroles de son oncle qui l’accueillait au sortir du train qui la ramenait au pays : « Ne parle surtout pas de tout cela, personne ne te croira. » Mais voilà, Marceline a parlé, et même écrit dans cet ouvrage poignant préfacé par Dominique Missika et illustré de photos personnelles inédites. À lire absolument pour tenter, mais est-ce possible, qu’il n’y ait plus jamais ça.

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