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« La Dissociation »

par Charles Demoulin

4 septembre 2022

Maîtresse de conférences à Paris-VIII, spécialiste de la pensée de Bergson et des études postcoloniales, Nadia Yala Kisukidi, née à Bruxelles en 1978 d’une mère franco-italienne et d’un père congolais, nous livre ici chez Seuil son premier roman. Un récit qui mêle à ravir et avec enchantement, réalité et illusion.

C’est l’histoire d’une jeune métisse qui, à l’âge de dix ans, a refusé de grandir. Totalement désemparée, sa grand-mère chez qui elle vit a beau chercher une solution à gauche ou à droite, rien n’y fait, la gamine reste une naine. Prenant de l’âge et face à l’obstination de sa grand-mère, qu’elle qualifie désormais de folle, notre jeune héroïne décide de prendre la fuite.

Outre sa petite taille, celle qui est devenue maintenant une jeune fille découvre qu’elle possède un don incroyable. Celui de s’extraire du monde du réel pour se plonger pleinement dans celui de l’imaginaire. Un monde de folie, plein de surprises, fait de fantastique, mais aussi de spectres lors des trous de mémoire.

Des corons du Nord aux tours HLM de la banlieue parisienne, d’un squat d’artistes à un cagibi de chambre d’hôtel, d’un foyer de la Poste du XVIe arrondissement à une utopie anarchiste née du béton d’Ivry, de la débine à la débrouille, de la lutte à la révolution, c’est l’histoire d’une aventure picaresque et hallucinée, poétique et joyeuse tout à la fois.

Cela tant il est vrai que ‘La dissociation’ déploie un monde singulier, peuplé de personnages en rupture de ban tels Luzolo l’artiste qui n’aimait pas l’art, Andrée et Petit Chat de l’Hôtel Béthune, Pierre et Jeanne-Marie les fondateurs de l’Indépendance ou encore Rime et Sélima, les compagnons de la cité.

Un premier roman sous forme de belle découverte, qui mêle avec une faculté extraordinaire réalisme et fable contemporaine, et qui trouve sa place entre Guignol’s Band et Truismes. Bref un récit qui vous balade entre deux mondes.