#Rencontres | #Janette, toujours au fait

Fil Rose : Janette rencontre Sandra, Breast Care Nurse

par Elodie Lambion

13 octobre 2023

Humble et discrète, Sandra fait partie de ces femmes solaires qui oeuvrent quotidiennement pour aider les autres, les soutenir dans ce long parcours qu’est la maladie. Breast Care Nurse aux hôpitaux Robert Schuman depuis 13 ans, elle est la personne de référence pour les patientes qui luttent contre un cancer du sein. Si pour elle, tous les mois sont roses, Janette est partie à sa rencontre en ce mois d’octobre symbolique.

  • Quel est le parcours qui vous a menée à devenir Breast Care Nurse ?

Pendant 18 ans, j’ai travaillé dans le service d’oncologie, c’était à la fois un service de chimiothérapie et d’hospitalisation des patients cancéreux à la ZithaKlinik. Comme infirmière, je voyais bien que je n’avais pas toujours le temps d’être là pour le patient.

En 2009, j’ai eu l’opportunité de faire une formation, en plus de mon travail, en Allemagne pendant un an afin de devenir Breast Care Nurse. En 2002, avec les médecins, mon ancienne direction à la Zithaklinik a créé un service pour mettre une infirmière comme personne de référence pour chaque patient opéré. 

Entre-temps, avec la fusion, nous sommes devenus le service de la Plateforme Cancer. Nous prenons en charge les patients cancéreux et leurs proches. Nous sommes trois Case Managers, c’est-à-dire des infirmières avec des formations spécifiques pour justement prendre en charge les patients cancéreux et les conduire à travers ce labyrinthe qu’est la maladie. 

Depuis 13 ans, je fais ce travail passionnant. Je peux dédier mon temps à la personne, je suis là pour elle et ce, peu importe ce qu’il se passe autour. D’ailleurs, quand je vais près d’elle, je m’assois toujours pour lui montrer que j’ai le temps de l’écouter.

  • Personne essentielle dès le diagnostic, quels sont les services que vous coordonnez pour aider les patients ?

Je peux voir les patients en pré-opératoire, pré-traitement ou post-opératoire. Les traitements étant organisés et coordonnés par les médecins, lors de la première rencontre, je regarde avec la patiente quels sont ses besoins, quelles sont ses préoccupations, car chacune est différente. Je la guide ensuite vers les services : des partenaires intra et extra hospitaliers tels que les médecins, la diététicienne, le kiné, l’assistante sociale, le psychologue, le service d’Accompagnement et pastorale, les magasins de prothèses mammaires et capillaires, Europa Donna, la Fondation Cancer. C’est un travail multidisciplinaire.

À l’hôpital, chaque patiente ayant subi une ablation du sein reçoit avant sa rentrée à domicile un soutien-gorge (offert par Europa Donna) avec une prothèse en mousse (fournie par l’hôpital). Je lui transmets toutes les explications. Je lui montre les divers modèles,…

Différents clubs de patchwork bénévoles, mais aussi une maison de retraite, cousent des sacs, et des coussins de coeur pour les patientes, pouvant être placés sous le bras, afin d’alléger la douleur. C’est très important de valoriser leur extraordinaire travail.

Au début de la chimiothérapie, un conseil diététique est donné à la patiente, car depuis plusieurs années, on sait que les traitements qu’elle va avoir dans le cadre d’un cancer du sein lui feront prendre du poids. Or, c’est à éviter. Souvent les proches viennent avec ‘des bons conseils’, mais ces régimes spécifiques ne sont pas adaptés à la situation. 

Si elle a besoin de soutien psychologique, je l’oriente vers le service interne ou vers la Fondation Cancer. Là-bas, le suivi est gratuit et va même au-delà de la maladie. Il y a également un service de psychologie pour les enfants des parents malades. La Fondation Cancer et Europa Donna proposent des services tels que sophrologie, yoga, sport, atelier de maquillage,… 

En cas de perte de cheveux, je lui conseille les magasins de perruques, de foulards. C’est très traumatisant pour les femmes, car elles ne s’imaginent pas sans cheveux. Elles ont la crainte qu’ils ne repoussent pas, mais ils repoussent toujours.

Quand les traitements sont terminés, la patiente peut bénéficier d’une réhabilitation oncologique au château de Colpach durant trois semaines.

Toutes mes patientes ont toujours mon numéro de téléphone donc elles peuvent me contacter même après le traitement. On reste une personne de contact au-delà de celui-ci.

  • Quelle est la plus grande difficulté que vous rencontrez en tant que Breast Care Nurse ?

Nous ne sommes pas encore très connues au Luxembourg. Pourtant, nous sommes présentes dans tous les hôpitaux. Évidemment, chacune travaille d’une façon différente. Selon le Plan Cancer, une Breast Care Nurse devrait prendre en charge 80 patients par an, mais ici, aux Hôpitaux Robert Schuman, nous avons bien plus de patients annuels. 

Travaillant sur deux sites, à la Clinique Bohler et à la ZithaKlinik, il m’est difficile de voir toutes les patientes, car je ne suis pas toujours au bon endroit au bon moment. Mais j’ai formé deux infirmières donc quand je ne suis pas là, le suivi est garanti. 

  • Traitements, soutien psychologique, travail par rapport à l’image corporelle, pensez-vous que tout soit lié, que les uns influencent les autres ?

Oui, nous avons besoin de différents métiers pour traiter la patiente et sa maladie. Pas seulement les médecins et les infirmières, mais tout le réseau multidisciplinaire. Ensemble, nous sommes là pour elle, pour trouver le meilleur chemin. 

Je pense que tout est lié : la situation psychologique et financière, l’image corporelle et physique. Si la patiente a un souci par rapport à l’un de ces éléments, c’est plus compliqué pour elle, car chaque partie influence les autres. 

Les patientes qui ont subi une mastectomie ou une tumorectomie, il faut travailler sur la perte du sein. Le partenaire joue aussi un rôle important par rapport à celle-ci. C’est tout un travail à faire ensemble. Une patiente qui est bien encadrée par sa famille, ses amis, est plus stable psychologiquement et peut donc affronter plus facilement les difficultés. 

Par rapport à la reconstruction, il faut respecter le choix de la patiente. Je l’informe que si un jour, elle ne sait plus se voir dans un miroir, elle peut venir à tout moment, car l’âge seul n’est pas un facteur qui bloque la reconstruction. C’est important qu’elle le sache.

Une autre pression, c’est le fait qu’elle peut perdre son travail à cause des congés maladie prolongés. C’est un long parcours et cela peut être source de stress pour elle.

Pour les patients ayant des enfants de 0 à 12 ans, Europa Donna, avec la Fondation Cancer, a mis sur pied un soutien familial. Une personne vient faire les devoirs, s’occupe des enfants afin d’aider la patiente. Elle peut ainsi garder ses forces, son énergie pour faire une belle excursion avec eux par exemple. 

  • Comment les hommes réagissent-ils lorsqu’ils sont atteints d’un cancer du sein ?

Psychologiquement, c’est très compliqué pour eux, car ils ont le sentiment d’avoir une maladie typiquement féminine. Or, ce n’est pas le cas puisqu’en moyenne, il y a 1 homme pour 100 femmes. Ils doivent faire face aux mêmes traitements que les femmes, se rendre en consultation chez le gynécologue. Cependant, ils subissent systématiquement une mastectomie.

  • Vous vivez des moments extrêmement douloureux aux côtés des patients. Comment parvenez-vous à rester positive ?

Malgré les moments durs, nous avons aussi de très beaux moments dans ce travail. Donner un soutien-gorge avec une prothèse à une dame ayant subi une mastectomie qui retrouve un petit sourire, avoir un bon contact avec toutes les équipes, cela aide énormément. Savoir que la patiente est bien prise en charge lorsque je ne suis pas là physiquement me rassure également. Être bien entourée par ma famille, avoir des hobbys passionnants tels que le patchwork, l’origami, cela m’aide à rester positive. Discuter avec les collègues Case Managers, avec les médecins qui se montrent à notre écoute : se soutenir, c’est essentiel.

  • Vous vivez également de belles victoires contre de longs combats. Quelle est la première chose à laquelle vous pensez lors de ces moments de joie ?

Dernièrement, j’ai vu une patiente qui a vécu un long combat, elle a retrouvé le goût de se maquiller, de faire ses ongles : elle a retrouvé sa joie de vivre. Je pense à cette femme pleine de courage. 

Même si la plupart du temps, dans le cas d’un cancer du sein, la patiente se dirige vers la guérison, parfois, si le combat est perdu, nous pouvons vivre de beaux moments avec la patiente et ses proches. Pouvoir accompagner quelqu’un dans les derniers moments de sa vie peut être très beau. Malheureusement, dans notre société, on ne parle pas de ces moments douloureux. Je me souviens de ces moments de joie, même dans les fins de vie. Respecter le choix du patient, c’est aussi un moment de joie. C’est différent, mais cela peut apporter beaucoup de l’accompagner dans ces derniers moments. C’est aussi l’un de nos rôles de défendre leurs souhaits.

  • La recherche progresse. Quel regard portez-vous sur les avancées qui ont eu lieu ces dernières années ?

Elle a énormément progressé et elle va continuer de le faire puisque des études, des recherches sont en cours. Pour moi, ce qui est essentiel, ce n’est pas seulement le fait d’avoir un nouveau traitement qui va augmenter la survie de la patiente, mais il faut aussi garder l’oeil sur sa qualité de vie. Qu’est-ce que ce traitement lui apporte ? A-t-elle un bénéfice ou est-ce que c’est juste une survie ? Dans des moments avancés de la maladie, la qualité de vie est plus précieuse que la survie. Un patient qui ne se sent pas bien, qui ne se sent pas entendu, aura plus de douleurs, sera plus dépressif. Mais les oncologues sont conscients que la qualité de vie est précieuse, qu’elle prime avant tout. 

  • Quelle avancée vous donne le plus d’espoir ? 

Il n’y a pas juste une avancée, juste un espoir. Voir que nos jobs en tant que Breast Care Nurse et Case Manager ont de plus en plus d’importance dans la prise en charge du patient donne de l’espoir tout comme le fait de constater que le patient et sa famille ne sont pas laissés seuls dans ce parcours. Actuellement, les Hôpitaux Robert Schuman sont en train de mettre sur pied un parcours dédié aux personnes concernées avec tous les intervenants.

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