par Charles Demoulin
29 avril 2025
C’est vrai qu’aujourd’hui la BD n’est plus seulement celle de Tintin, Spirou, Buck Danny, Blueberry ou Astérix, pour ne citer que ces héros de légende qui faisaient le bonheur de papa ou même grand-papa. Au fil du temps et surtout avec l’arrivée de jeunes dessinateurs sur le marché, elle aborde désormais des sujets de notre vie quotidienne ou relate des histoires ayant quelque part un rapport certain avec notre actualité.
‘Tramp – Escale à haut risque’, de Kraehn et Zaghi chez Dargaud
Souvent qualifiée de thriller maritime remarquablement documenté, la série Tramp, créée par Jean-Charles Kraehn et Patrick Jusseaume, met en scène un capitaine de la marine, Yann Calec, durant les années 1950. À bord de son liberty ship, Calec et son équipage voyagent aux quatre coins de la planète devant généralement affronter des situations parfois extrêmes. En 2017, après onze albums, Jusseaume, le dessinateur, s’en est retourné au royaume des héros de papier. Décidant de continuer la série, Kraehn demanda alors à Roberto Zaghi de prendre le relais au crayon. Une mission que le milanais remplit depuis à merveille. Mais voyons ce que nous réserve ce nouvel opus.
De retour à Rouen, son port d’attache, le commandant Yann Calec plonge une nouvelle fois, et bien malgré lui, dans les ennuis. Son armateur, joueur invétéré, a contracté une importante dette de jeu auprès de M. Paul, chef de la pègre locale. Pour le rembourser, il consent à lui trouver un commandant capable de ramener en Normandie un cargo à quai à Porto Rico. Ce sera Calec, contraint par un odieux chantage à accepter cette tâche d’une grande simplicité apparente.
Mais ce dernier sait à qui il a affaire et flaire le coup fourré. Avec son équipage, il se rend à bord du Pierrick dans les Caraïbes, l’esprit aux aguets, certain que ce simple convoyage cache certainement de quoi aller en prison pour quelques années.
Un one-shot savamment maîtrisé, où la patte de Roberto Zaghi fait merveille.
‘Commissaire Kouamé – On ne fait pas de feu sous un arbre en fleur’, de Marguerite Abouet et Donatien Mary
Avec son chapeau et son regard glaçant, l’incorruptible commissaire Kouamé est de retour pour ce qui est sans doute l’une de ses enquêtes les plus sombres. Trafic de drogue international, assassinats, traite d’êtres humains…
Des bidonvilles de junkies d’Abidjan aux cités d’Angoulême, Marius Kouamé, aidé de son adjoint Arsène, part à la recherche de sa nièce, prisonnière d’un réseau d’immigration clandestine.
La seule évocation de son nom fait trembler les caïds d’Abidjan, ses subalternes, et aussi son beau-frère. Si l’on tient à ses incisives, mieux vaut ne pas se trouver sur la piste de ses enquêtes déchaînées, car rien ni personne n’arrête le commissaire en chef de toute la Côte d’Ivoire : Marius Kouamé, alias le Scorpion.
L’épaulette nerveuse et le Fédora au front, il court, il gesticule et il ordonne. Consterné par la compromission morale de ses contemporains, ce Colombo ivoirien mouche d’un aphorisme bien senti les tire-au-flanc, les incapables et les corrompus. Droit, loyal, père et
mari aimant, et, en toute modestie, flic d’une sagacité inégalée, le commissaire Kouamé sort rarement sans son fidèle Arsène.
Un tournant plus dur et réaliste pour une série toujours superbement dessinée par Donatien Mary. Un polar déjanté où Marguerite Abouet nous entraîne visionner tous les maux de notre société. C’est sanglant et drôle en même temps.
‘Gadiro – Attaque à Athlán’, de Manuel Veiga et Fabiano Neves chez Kalopsia
Plongez en 3150 avant J.-C., au cœur d’un monde oublié : l’Atlantide. Ce continent légendaire, pont entre l’Europe et les empires méso-américains, est divisé en dix royaumes uniques, dont le prestigieux Atlantia, berceau des pyramides et des sciences ancestrales.
Dans ce premier volet, le lecteur est appelé à suivre les aventures de Gadiro, le fils cadet d’un roi atlante. Premier-né des jumeaux de la reine Actea, il est toutefois relégué au second plan, car jugé à la fois trop petit et trop faible par rapport à son frère.
Mais aujourd’hui, il a grandi. C’est un homme fort qui, avec sa fiancée, une esclave aztèque et quelques amis d’origines souvent très différentes, va être le premier à affronter une invasion du sauvage royaume du nord de Boréas.
Dans une épopée du style heroic-fantasy mêlant exploration, diplomatie et transmission de savoirs entre les civilisations, ce premier volet se veut une odyssée où mythe et histoire s’entrelacent pour dévoiler les secrets de cet âge d’or mystérieux. Au-delà, on mettra en exergue la qualité du coup de crayon du dessinateur Fabiano Neves.
‘Jian – Ceux de la montagne’, de Frédéric & Julien Maffre et Ludovica Ceregatti
480 après Jésus-Christ, les vestiges de l’Empire romain. Deux guerriers étrangers arpentent les Pyrénées, prêts à louer leurs services : Jian, un jeune caractère tumultueux aux origines mystérieuses, mais maniant l’épée avec grande dextérité, et son père, Attius, ancien légionnaire profondément croyant et à moitié borgne.
Embauchés par le seigneur local, ils se voient confier la plus dangereuse des missions : tuer un Drac, une créature monstrueuse terrorisant la région. Entre traditions païennes mourantes et christianisme encore balbutiant, Jian et son père vont découvrir que les vieilles croyances ne sont pas toujours d’inoffensives superstitions…
À la manière d’un Tarantino ou d’un RZA, Frédéric Maffre a conçu Jian en remixant un certain nombre de genres à la confluence de ses affinités éclectiques, pour nous offrir, il est vrai, un résultat extrêmement original où le fantastique se réserve malgré tout une place de choix.
En résumé, un premier tome qui promet assurément des lendemains qui chantent à cette nouvelle série qui se situe lors de l’effondrement de l’Empire romain et la prise de pouvoir par des tribus barbares qui vont finalement créer de nouveaux royaumes, dont celui des Francs. Un premier tome aussi, où le dessin de Ludovica Ceregatti n’est pas sans une certaine séduction.
‘Liberté, égalité, s’émanciper’, de Chadia Chaibi Loueslati chez Marabulles
Dans cet ouvrage, Chadia raconte à ses deux filles l’éducation inégalitaire qu’elle et ses sœurs ont reçue de leur mère. Une injustice qu’elle va combattre dès son adolescence, pour être traitée comme ses frères à égalité !
Née dans une famille nombreuse d’origine tunisienne, elle ne supporte plus l’inégalité établie entre les filles d’un côté et les garçons de l’autre. C’est simple, elles n’ont pas le droit de sortir ou d’avoir des amis. Elles aident aux tâches ménagères tandis que les garçons regardent la TV. Chadia doit rester cloîtrée à la maison pendant les vacances scolaires. Sa seule issue pour devenir une femme libre sera une rébellion violente.
Quelle est cette peur viscérale qui anime Omi sa mère ? Comment Chadia qui devient mère à son tour va-t-elle éduquer ses deux filles ?
Une histoire d’émancipation faite dans la douleur pour obtenir ce à quoi elle aspire : la liberté, l’égalité et l’émancipation.
‘La guerre du professeur Bertenev’, d’Alfonso Zapico chez Paquet
En 1854 en Crimée, les Britanniques et les Russes s’affrontent violemment dans une guerre de positions. En plein cœur d’une bataille, Léon Bertenev, professeur d’école de Moscou, déserte son bataillon d’artillerie où il a été enrôlé de force.
Capturé par les Britanniques et condamné à mort par les Russes, il est interné dans un camp de prisonniers anglais où il se lie d’amitié avec son geôlier. Et c’est ici que l’histoire prend toute sa dimension. Autant le capitaine anglais est prêt à mettre sa vie en péril pour sauver son prisonnier, autant le capitaine russe est prêt à y laisser la sienne pour tuer ce déserteur.
Une incroyable et improbable histoire d’amitié où, au-delà de son scénario finement tissé, Alfonso Zapico le magnifie plus encore par ses dessins empreints d’une immense fraîcheur suite à leur côté semi-réaliste et ‘naïf’ tout à la fois. Au-delà, c’est aussi l’occasion pour le lecteur d’en apprendre un peu plus sur cette guerre de Crimée qui a sévi au milieu du XIXe siècle.
Une BD des plus agréables à suivre et qui nous livre en ces moments pour le moins troublés par les frappes à Gaza et en Ukraine, une amitié humaine d’une incroyable intensité entre deux soldats… ennemis.
‘Nostromo’, par Pierre Boisserie et Cyrille Ternon, chez Quadrants d’après le roman de Joseph Conrad
Désireux d’établir un règne de justice et de paix au Costaguana, miné par les révolutions, Charles Gould consacre toute son énergie à la mine d’argent de San Tomé, première puissance économique d’un pays dirigé de loin par des capitaux américains.
La paix semblait acquise sous le régime du président modéré, Ribiera. Mais un nouveau coup d’État, fomenté par le Général Montero, anéantit les espoirs.
Paru en 1904 et classé aujourd’hui 47e meilleur roman de tous les temps, ‘Nostromo’ de Joseph Conrad est un monument de la littérature anglaise. Sur fond de capitalisme colonialiste, cette fresque entremêle des protagonistes tiraillés entre idéalisme moral et intérêts matériels. Tout système politique est-il voué à l’échec ?
C’est toutefois une adaptation assez libre du roman de Joseph Conrad que Pierre Boisserie nous propose ici. Une adaptation où Boisserie, et ce à l’image de ce que nous contait l’écrivain à la fois polonais et britannique qu’était Józef Teodor Konrad Korzeniowski, s’attarde sur le désenchantement de personnages qui mirent beaucoup trop d’espoirs dans leurs rêves à la fois humains et politiques.
Au-delà, vous allez vous régaler avec les dessins, mais également et peut-être surtout, avec la palette de coloris avec laquelle jongle plus qu’habilement Cyrille Ternon.
‘Les promesses que nous tenons’, d’Emmanuel Herzet et Gerardo Balsa chez Zéphyr
‘Boucle d’or’, le serial killer que Bruno Kratt, capitaine de la Section de Recherches de la Gendarmerie de l’Air, avait cru neutraliser vingt ans auparavant, refait parler de lui. Il a kidnappé une jeune femme et Kratt sait d’expérience que les jours de cette dernière sont comptés s’il n’intervient pas au plus vite…
L’enquêteur chevronné a donc abandonné l’enquête sur le crash d’un Mirage 2000 à Léna, une jeune recrue, afin de se consacrer pleinement à la traque du tueur. Mais le psychopathe a toujours un coup d’avance. Peut-être que le professionnalisme de Kratt aurait besoin du regard neuf de Léna. Sauf que l’on ne s’engage pas dans une affaire aussi ténébreuse sans se mettre soi-même en danger…
Après deux longues années d’attente, la voici enfin la conclusion palpitante et surprenante d’un pur thriller sur fond d’aéronautique ! Si le récit est haletant au possible, les planches hyper réalistes que signe l’Argentin Gerardo Balsa sont dessinées avec le souci du moindre détail. Que ce soit les décors, les avions ou encore le visage des personnages. Une belle découverte que ce diptyque !
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