Avec une facilité déconcertante et dans un style d’une rare précision, l’auteur se glisse dans les méandres et autres abysses du cerveau de la mère d’Hitler. Une future mère qui va alors nous livrer le récit détaillé des neuf mois de sa grossesse, mais aussi celui de la bombe qu’elle abrite dans ses entrailles. On ajoutera ici que les paroles et les faits cités dans ce livre incroyable, et qui ont un rapport même lointain avec la Shoah, correspondent rigoureusement à la vérité historique. 

Ce sont neuf mois de violence et de religiosité étouffante, durant lesquels Klara sera traversée, habitée, possédée déjà par ‘l’innommable’, partagée entre l’amour pour son enfant à venir et les visions qu’elle reçoit malgré elle des crimes que ce fœtus, une fois devenu homme, commettra contre l’humanité tout entière, que Régis Jauffret reconstitue ici. Cela suite à l’étude de documents et de témoignages, assez rares il est vrai, ayant trait à ces protagonistes qu’étaient les parents du futur plus grand monstre que l’Histoire ait connu. Des faits dont l’auteur a trouvé trace, et qui ont servi d’armature à cet ouvrage de fiction. C’est ainsi que vous apprendrez qu’Aloïs, le père du futur dictateur, était l’oncle de Klara. Inceste direz-vous !

Avec un art consommé de la narration, avec cette manière qui n’appartient qu’à lui d’explorer au plus profond l’âme humaine, René Jauffret nous livre ici un très grand roman. Un roman si sombre, si dramatique, si poignant, si violent, qu’il s’impose comme une véritable réussite.