8 heures du mat. La famille Ricoré démarre joyeusement sa journée… Les enfants se réveillent, sourire aux lèvres, chantant, brossage de dents sans discussion, lever rapide sans rechigner, table du petit déjeuner aux couleurs subtiles teintées de confitures de fraises, framboises et autres décoctions faites maison avec amour et réchauffées d’une délicieuse brioche au beurre digne des plus grands chefs pâtissiers, tout cela avec une musique aux rythmes entraînants. Mais oui, bien sûr, ce n’est pas la vraie vie ! C’est une image de publicité d’une célèbre marque de lait où la petite fille, pour attirer l’attention de ses parents, leur demande : « Comment on fait les bébés ? » Et là, malaise familial. Gêne. Parce que, oui, ce n’est pas simple de parler de sexualité à ses enfants.

Peur de dire et de parler de soi, interdit de l’inceste ou de faire rentrer ses enfants dans la fameuse scène primitive si remâchée par la psychanalyse. Les parents oscillent entre cette anxiété d’évoquer leur sexualité à leurs enfants et de les faire entrer dans leur chambre conjugale et les traumatiser et la peur de ne pas les mettre suffisamment en garde quant aux dangers de la sexualité.

Et s’ils vivaient une sexualité non consentie ? S’ils n’osaient pas dire « non », par manque de connaissance des mécanismes du désir et de la parole dans la sexualité ? Si leur petite fille chérie se retrouvait enceinte ou, pire encore, contaminée par une infection sexuellement transmissible et incurable ? Bref, parler de sexe à ses enfants, ça fait peur, très peur. Trop. Dire, mal dire, ne pas assez dire… Dégâts à tous les étages !

Alors, comment fait-on ?

On laisse faire les autres. Mais, les autres, c’est-à-dire ? Les copains, les copines ? Pourquoi pas. Mais atten- tion, ils ne feront rien sans amener vos rejetons sur les réseaux sociaux… Et là, c’est la foire à gogo, le grand cyber marché du sexe. Rappelez-vous qu’internet ne doit son succès qu’à l’accès facile et immédiat de la pornographie. Et vous, vous n’auriez évidemment ni l’idée, ni l’envie de mettre votre petit devant une vidéo Youporn. Rien qu’à me lire, vous êtes choquée, effrayée. Comment, chère Janette, j’ose seulement imaginer, écrire une horreur pareille ! J’aborde une horreur pareille, parce que, quoi que vous en pensiez, si vous ne gérer pas l’éducation à la sexualité de vos enfants, c’est la cyber pornographie qui s’en chargera et pas vraiment avec de doux et bienveillants messages.

Ils verront des femmes soumises au désir masculin, des hommes centrés sur une performance de domination. Ils verront des pratiques non obligatoires, mais qui leur sembleront complètement banales. Ils verront la fellation comme un petit préliminaire qui ne dit pas son nom. La sodomie comme un moment banal d’un script sexuel attendu. Ils verront la partouze comme une douce fantaisie sans enjeu. Ils verront la prostitution comme un échange de bons procédés. Et j’en passe et des pires…

Alors oui, réveillez-vous, et ce n’est pas de sexe que vous allez devoir leur parler, mais de sexualité, de relation. La sexualité ne se réduit pas à une pénétration génitale. C’est une relation à créer, à inventer. Dites-leur que rien n’est obligatoire et qu’un baiser n’est pas anodin, Mais déjà de la sexualité. Dites-leur qu’il est important de s’écouter, de ne rien faire ni accepter sans désir. Dites-leur qu’il n’y a pas de recette, que la pornographie n’est pas la sexualité, mais des scénarios bien éloignés de ce qui fait un Homme et une Femme. Dites-leur que vous ne leur parlerez pas de votre sexualité et qu’ils construiront la leur dans l’écoute, la parole et le respect.