par Céline Molitor
2 novembre 2024
Le fondement de nos interactions est principalement basé sur des jeux psychologiques que nous pratiquons tous, et ce de manière plus ou moins inconsciente. L’un de ces jeux est comparable à des scènes de théâtre, où inlassablement les mêmes actes se jouent et nous contraignent parfois à endosser des rôles malgré nous.
Le psychiatre Stephen Karpman a analysé les jeux psychologiques auxquels se livre l’être humain de manière quasi instinctive. Son analyse a donné naissance à un modèle social d’interactions de l’individu connu sous le nom de « Triangle dramatique ».
Le triangle dramatique
Personne n’y échappe, nous avons tous tendance à opter, de manière inconsciente ou non, pour l’un de ces trois rôles.
Les victimes sont des personnes qui ont tendance à prononcer, quelle que soit la situation à laquelle elles sont confrontées, des phrases du type : « ça n’arrive qu’à moi, de toute manière je n’ai jamais de chance, malgré mes efforts vous n’êtes jamais content… ».
La victime ne souhaite pas prendre la responsabilité de ce qui lui arrive, défaitiste, fataliste, elle ne fait aucun effort pour reprendre le dessus sur les évènements. La victime se plaint, s’apitoie sur son sort. Ces traits de personnalité vont attirer inéluctablement les deux autres profils complémentaires, le persécuteur et le sauveur. Toute victime a besoin d’un sauveur, mais avant tout, pour avoir le statut de victime, il faut un persécuteur. Si la victime ne trouve pas de « vrai » persécuteur, elle l’inventera (addiction, maladie, institution…), car il est primordial pour elle de continuer de se sentir légitime dans son rôle de victime.
Les persécuteurs, quant à eux, sont dans la répression, la critique, l’insatisfaction et prononce souvent des phrases du type : « Tu fais toujours les mêmes erreurs, tu n’es jamais à la hauteur, tu ne fais décidément rien de bien, qu’est-ce que je vais faire de toi… ».
Le persécuteur est reconnaissable sur certains aspects physiques : bras croisés, la dégaine hautaine, les sourcils froncés, le regard par-dessus les lunettes, un air prétentieux généralisé, etc. Un tel rôle n’est pas le propre d’un supérieur, il peut également se manifester chez vos collègues rabat-joie et moralisateurs.
Le persécuteur, libère ses pulsions agressives sur une personne disposée à les accueillir et à s’en accommoder : la victime. Il est à la fois exaspéré par la victime, mais également en quête de celle-ci, car nécessaire à son équilibre. Il arrive que le persécuteur soit une ancienne victime lui-même, qui prend sa revanche, voire un sauveur qui n’a pas trouvé de victime à sauver et n’a donc pu se réaliser dans ce rôle.
Le sauveur, lui, a besoin de démontrer qu’il fait des efforts pour sa victime au détriment de sa vie parfois : « je vais t’aider malgré la montagne de chose que j’ai à faire, je n’ai pas le temps, mais je vais quand-même venir te chercher, effectivement tu ne peux pas réaliser cela seul je vais t’aider, telle personne s’en prend à toi injustement ou profite de toi… ».
Il se place derrière vous pour vous regarder travailler, vous encourage en vous tapotant sur l’épaule et n’est pas avare de conseils. Très concerné par ce qui se passe, il cherche à vous réconforter même si vous n’avez rien demandé. Il doit toutefois s’en méfier et rester sur ses gardes, les autres risquent de se retourner contre lui à force de les aider sans qu’ils n’aient rien demandé.
Est-il possible d’échapper à ce « triangle dramatique » ?
Très rares sont les personnes qui ne s’y laissent jamais prendre. Car même si nous n’initions pas les facettes de ce triangle, nous pouvons être sollicités par notre environnement qui nous invite à y entrer. Seuls les grands sages, les maîtres spirituels et ceux qui ont fait un profond travail sur eux peuvent y échapper.
Sommes-nous toujours cantonnés à un seul rôle ?
Ne nous méprenons pas, la victime de l’un peut être le persécuteur de l’autre. En effet, ses rôles sont interchangeables selon les situations, les environnements, les périodes de la vie, les protagonistes et même, parfois, les moments de la journée. Ces rôles s’occupent souvent de manière quasi instinctive, car nous avons tous potentiellement les trois personnages en nous.
Quelques clés pour sortir de ce cercle infernal
La victime doit rechercher l’indépendance, elle doit admettre et comprendre qu’elle est capable de reprendre en main sa vie et surtout elle doit prendre ses responsabilités et arrêter de chercher des causes tierces à ce qui lui arrive.
Le sauveur doit apprendre également à exister par lui-même et arrêter de baser son utilité et son estime de soi sur le fait de venir en aide à autrui. Il doit accompagner « ses » victimes vers l’autonomie, et ne plus faire les choses à leur place afin de plus avoir l’ascendant sur elles et ainsi, les remettre en capacité.
Le persécuteur quant à lui, doit sortir de la critique destructive, qui ne reflète souvent que ce qu’il pense de lui-même. Sinon, il doit trouver un autre défouloir dans le but de ne plus céder à la facilité de se décharger sur une personne plus faible. Ainsi la première étape sera de passer sur des critiques constructives qui seront inscrites dans un désir de faire évoluer la victime et non de la rabaisser ou dominer. Par la suite, il faudra instaurer des dialogues plus bienveillants qui s’inscrivent dans un désir de progression, pour lui et son entourage.
Une fois la situation dysfonctionnelle identifiée, la seconde étape consiste à comprendre qu’une restructuration totale de la relation est nécessaire. C’est donc un grand chamboulement qui risque de se produire.
Et vous, parviendrez-vous à reconnaitre votre rôle selon les situations ?
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