par Charles Demoulin
27 mai 2025
Cette semaine, notre présentation des nouveautés BD sera exclusivement réservée à des héroïnes féminines. Comme quoi, de plus en plus, la femme prend pied dans le petit monde des héros de papier. Non seulement en tant que personnage central, mais également par le biais d’auteures et de dessinatrices qui décident désormais de se lancer dans ce qui est considéré comme étant le ‘9e art’.
‘Pompéi – Assa’, de Rudi Miel – Fabienne Pigière et Paolo Grella chez Anspach
Sous le titre générique de ‘Pompéi’, les éditions Anspach ont décidé de mettre en scène des hommes et des femmes aux destins brisés, rattrapés qu’ils furent par l’éruption du Vésuve le 24 octobre de l’an 79. Si chaque album se concentrera sur l’histoire d’un personnage en particulier, les personnages principaux de cette série apparaissent toutefois comme personnages secondaires dans ce premier volume consacré à Assa, une femme arrachée à son village natal par des soldats romains pour être vendue comme esclave à Pompéi.
Achetée par Probus, un notable de la ville, elle tombe sous le charme de son fils, Aurelius, musicien et artiste, qui lui propose le mariage. Les représailles de Probus, qui œuvre à unir son fils à la fille de l’homme le plus puissant de Pompéi, sont terrifiantes. Vendue à un lupanar, elle vit une descente aux enfers. Mais elle ne renonce pas à retrouver Aurelius, qui occupe toutes ses pensées, et à affronter Probus, qui a brisé sa vie. Alors qu’elle a enfin rendez-vous avec son destin, le 24 octobre 79, le Vésuve gronde dangereusement.
Si le duo Miel-Pigière qui scénarise cet album parle d’une œuvre de fiction s’appuyant toutefois sur un contexte historique, on pointera le dessin que Paolo Grella met au service de ce récit. Un dessin où encrage précis et somptueuses aquarelles rendent à merveille l’atmosphère antique et dramatique de l’époque. Au-delà, pour ceux qui aiment l’Histoire, Rudi Miel et Fabienne Pigière, qui est docteure en histoire de l’art et archéologie, vous proposent en fin d’album, un dossier richement documenté sur le Pompéi d’avant que le Vésuve n’y déverse ses laves apocalyptiques.
‘Coups de cœur’, de Štěpánka Jislová chez Dargaud
Arrive toujours un moment dans une existence où sonne l’heure des bilans. Pour Štěpánka, le cap de la trentaine l’amène à s’interroger sur sa vie amoureuse. Pourquoi est-elle une nouvelle fois célibataire ? Quelle force étrange la pousse à mettre un terme à ses relations, même quand tout va bien ? Que recherche-t-elle chez l’autre ? Autant de questions qui dévoilent une insatisfaction chronique. Il est temps pour elle de trouver des réponses afin d’accéder à une stabilité tant désirée.
Štěpánka va donc se livrer sans fausse pudeur à un sérieux travail d’introspection. Dialogue avec elle-même, exhumation de souvenirs marquants, fine analyse du passé, ‘Coups de cœur’ met à nu la jeune femme, telle une psychothérapie dessinée. Štěpánka Jislová n’est pas du genre à se cacher. L’autobiographie ne lui fait pas peur, même pour parler d’un sujet aussi intime que ses propres relations amoureuses. Montrer dans un épais volume les ressorts psychologiques de ses échecs sentimentaux est même plutôt cathartique pour la jeune trentenaire.
‘Coups de cœur’ est le résultat d’une réflexion profonde, féconde, antérieure à la mise en images. Le dessin clair, bien structuré et parfaitement maîtrisé de Štěpánka, qui contraste avec la confusion qui a régné dans son esprit pendant des années, présage du chemin parcouru par la jeune femme et des clés obtenues à la fin de l’album.
‘La fabrique des insurgées’, de Bruno Loth chez Delcourt
Découvrez l’histoire oubliée des ouvrières des filatures de soie, qui ont lancé une grève pour des salaires justes et des conditions de travail dignes, marquant un tournant dans les mouvements sociaux du XIXe siècle.
Lyon, 1869. Camille travaille dans une filature de soie, où elle endure des journées de 12 heures pour un salaire dérisoire. Entassées dans des logements insalubres, mal nourries, les ouvrières exigent une augmentation et de meilleures conditions. Face au refus des patrons, elles entament une grève générale qui marquera un tournant dans l’histoire sociale des femmes et des luttes ouvrières.
Un épisode méconnu et pourtant important de l’histoire des luttes sociales et féministes du XIXe. Une dénonciation des conditions de travail connues à l’époque par les femmes. Une histoire où le mot solidarité est de mise et où le trait tout en noir et blanc tout en simplicité de Bruno Loth fait merveille. Un récit écrit et dessiné tout en dignité.
‘Anne de Bretagne’, de Bertrand Galic et Gwendal Lemercier chez Glénat/fayard
Le 19 mai 1514, le jeune François d’Angoulême, futur François 1er, épouse Claude de France, héritière du Duché de Bretagne. Par ce mariage, le riche et puissant territoire perd son indépendance. Chacun porte alors le deuil de la duchesse-reine Anne, morte quelques mois auparavant.
En réalité, c’est surtout l’enterrement d’une promesse faite par une petite fille à son père sur son lit de mort, 26 ans plus tôt : celle de ne jamais assujettir la Bretagne au royaume de France. Intraitable, Anne a dû conquérir par la force et la diplomatie le trône ducal auquel elle n’avait pas droit du fait de son sexe. Mais, pour s’y maintenir, le mariage était nécessaire… y compris avec son pire ennemi.
Reine de France une première fois à 14 ans et une seconde à 21 ans, Anne de Bretagne résista à l’inexorable en assumant un véritable rôle de femme d’État, marquant l’Histoire plus que ses défunts époux royaux. Quand elle décède en 1514, elle n’a pas encore 37 ans et la Bretagne n’est toujours pas intégrée au royaume de France.
Bertrand Galic, Gwendal Lemercier et Claire L’Hoër nous font revivre la geste de cette duchesse-reine qui marqua son époque par sa résistance et s’imposa au fil du temps comme l’un des personnages les plus populaires de Bretagne, dont le destin contrarié aboutit au rattachement de son cher duché au royaume de France. À mettre en exergue le dessin hyper fouillé de Gwendal Lemercier, ainsi que le dossier historique qui se trouve en fin d’album.
‘Une BD qui parle de cul’, de Marie Brauer illustrée par Lucy Macaroni chez Leduc Graphic
« Adolescente, je pensais qu’à mes 30 ans, je passerais mes week-ends à faire la fête et à faire l’amour, que je vivrais des relations saines et joyeuses et que j’aurais même, peut-être, trouvé le grand amour… Aujourd’hui, j’ai 29 ans, et ce n’est pas vraiment le cas ! Ma vie est super, mais sur le plan amoureux, c’est la merde. »
« Dans cette BD, je vais vous raconter mes dates foireuses, mon célibat, mes années d’abstinence et mon rapport au sexe de meuf hétéro un peu paumée. Et pour mieux saisir la diversité des expériences, je vais aussi à la rencontre de la sexologue Claire Alquier (toujours de bon conseil) et d’autres personnes qui témoignent de leur sexualité bien différente de la mienne. »
Une BD qui parle de cul avec franc-parler, humour et intelligence dixit son éditrice, sublimée par les illustrations pétillantes de Lucy Macaroni. Marie de Brauer est humoriste, animatrice de podcast, auteure et chroniqueuse sur France Inter. Elle aborde sa vie amoureuse et son célibat sur son compte Instagram.
Pas question de porno même si le titre paraît évocateur. Une autodérision omniprésente. Une manière d’aborder via son propre vécu les complexités de la sexualité féminine en s’appuyant également sur des témoignages venus d’ailleurs. Un ouvrage qui invite à une réelle réflexion.
‘Tu ne marcheras jamais seule’, de L’homme étoilé au Lombard
Clémentine a tout pour être heureuse, comme le disent ses proches et surtout toutes ses amies. Éditrice à succès, en pleine écriture de son premier roman, elle partage son existence avec Simon, un homme à la carrière flamboyante qui lui permet de vivre dans le cadre enchanteur d’un palace parisien. Et puis, surtout, Clémentine s’apprête à donner naissance à leur premier enfant. Que demander de plus ?
Pourtant, une ombre se glisse dans ce décor presque trop parfait. Accaparé par son travail, Simon est souvent absent, faisant naître chez Clémentine un sentiment oppressant. Dans sa quête pour le ramener à elle, elle se heurte à un vide de plus en plus immense qu’elle a peine à comprendre.
Par une intrigue bouleversante, l’auteur, qui s’est auto appelé ‘L’homme étoilé’, parvient à nous faire explorer les méandres de la solitude avec délicatesse et sensibilité. Toujours ancré dans son désir d’aborder le deuil, comme il le fit dans ‘Je suis au-delà de la mort’ et ses récits autobiographiques, cet infirmier entend cette fois continuer son exploration, mais en parlant aujourd’hui du deuil de ceux qui restent.
Il faut reconnaître qu’avec sa manière d’aborder ce sujet ô combien délicat qu’est la mort, l’auteur n’a pas son pareil pour le faire avec tendresse, simplicité et délicatesse. Ce sont sans nul doute ces trois mots qui suscitent autant d’émotion à la lecture de ses ouvrages. Des mots que l’on peut accrocher aussi à sa manière de dessiner. Une BD qui fait mouche et vous touche à jamais.
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