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Petite balade hebdomadaire à travers les sorties BD

par Charles Demoulin

29 octobre 2024

De la Rome antique à la Seconde Guerre mondiale, de la Normandie des années 1960 à une jeune amoureuse de l’aviation, ou alors en écoutant ces récits sortis de l’imaginaire que nous contait grand-mère le soir à la veillée, notre visite BD programmée cette semaine a vraiment de quoi séduire.

‘Alix Senator – Le cercle des géants’, de Valérie Mangin et Thierry Démarez chez Casterman

Devenu désormais ‘Senator’ au sein de l’Empire romain, Alix, le héros créé en 1948 par Jacques Martin dans le n°38 du journal de Tintin a désormais, et ce suite à une idée originale du duo Mangin-Démarez, pris de l’âge. Le voilà aujourd’hui devenu blanc de cheveux et venant de fêter ses cinquante printemps.

Toujours en quête de la mystérieuse Atlantide, Alix et les siens font route vers le Grand Nord. Objectif : se rendre dans un village d’Armorique, là où Alix va demander à Cellos, un maître-charpentier propriétaire d’un chantier naval, de lui construire un vaisseau capable de résister aux conditions extrêmes de la haute mer. Un défi que va relever Cellos malgré l’interdiction lancée par la grande déesse et ses prêtres de fabriquer un tel navire. En passant au-dessus de cet interdit, Alix et Cellos vont déclencher l’ire des tenants de la tradition religieuse, mais également de certains ouvriers du chantier.

Un opus classique, mais toujours aussi efficace. Un album où l’on attend toutefois qu’Alix atteigne enfin cette Atlantide, but de ses pérégrinations savamment croquées par un Thierry Démarez au crayon toujours aussi efficace.

‘Alix Senator – Le cercle des géants’, de Valérie Mangin et Thierry Démarez chez Casterman

‘Écoute s’il pleut’, de Patrick Prugne et Rodolphe chez  Daniel Maghen

Daniel, un jeune garçon, a l’habitude de passer ses vacances chez sa grand-mère, dans la campagne normande. Cette année pourtant, ce sera moins gai. Car non seulement son papy est décédé depuis peu, mais son cousin doit décliner ce rendez-vous annuel. C’est donc seul qu’il se balade dans la forêt et le long de la rivière où sont érigés trois moulins. Si Daniel a déjà visité les deux premiers qui sont toujours en activité, ses pas ne l’ont jamais conduit vers le troisième appelé : ‘Écoute s’il pleut’. Un moulin qui est du reste beaucoup plus éloigné que les deux autres.

Un jour, alors qu’il s’apprête à enterrer un vieux chat qu’il nourrissait et qu’il a retrouvé mort sur un chemin, surgit de nulle part un ado qui l’accoste. Il dit se nommer Paul et explique qu’il vit avec sa mère dans le moulin ‘Écoute s’il pleut’. Très vite, une amitié va se lier entre les deux garçons. Invité au moulin, Daniel y rencontre la mère de Paul, une jeune et belle femme. Tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où Paul disparaît soudainement. Intrigué et inquiet, Daniel se rend au moulin qui n’est plus que ruines. Et d’apprendre que ‘Écoute s’il pleut’ est en ruine depuis bien longtemps et que plus personne n’y habite. Alors, a-t-il rêvé l’histoire vécue avec Paul et avec sa mère ? 

Un scénario tout en délicatesse où poésie et nostalgie sont constamment de mise. Mais aussi et peut-être surtout, un album aux aquarelles lumineuses, d’une incroyable beauté, et qui s’en viennent rehausser le texte mystérieux que signe Rodolphe. Du grand art ! 

‘Écoute s’il pleut’, de Patrick Prugne et Rodolphe chez  Daniel Maghen

‘Macrales et corbeaux’, de Ghi chez Glénat

En plein hiver et au lendemain de la Révolution française, deux prêtres réfractaires, les pères Antoine et Martin, fuient à travers la forêt de Wallonie. Ils tentent d’échapper à leurs poursuivants, des sans-culottes bien décidés à mettre la main sur les reliques de Saint-Lupicin. Reliques que les deux prêtres ont emportées avec eux pour les protéger des affres de la Révolution. Sauf que les révolutionnaires vont bientôt devenir le cadet des soucis de ces deux hommes d’Église.

Plus ils s’enfoncent dans les bois, plus l’impression d’être épiés se fait forte. Quelques bruissements d’abord, puis des cris et de rires déchirent le silence de la forêt. Le père Martin, l’aîné des prêtres, en a maintenant la certitude, ils sont la cible des macrales, ces sorcières bien connues en Wallonie. Terrorisé, le jeune père Antoine comprend soudain que ces créatures sont tout simplement animées du désir de se venger du père Martin. C’est vrai que ce dernier a sous ses airs débonnaires, déjà tué l’une d’entre elles.

Venant prendre place dans la collection ‘Treize Étrange de chez Glénat, ce premier album que signe le Belge. Ghi, laisse augurer pour son auteur des lendemains qui chantent. Le scénario est joliment ficelé et remarquablement rythmé, tandis que le graphisme, sortant des sentiers battus, est savamment maîtrisé et sympa à souhait. Que dire de plus sinon bonne route Monsieur Ghi ?

‘Macrales et corbeaux’, de Ghi chez Glénat

‘La Rhapsodie du ciel – Les enfants de la forêt’, de Chendi chez Paquet

La semaine dernière, vous aviez fait connaissance avec Natalia, cette jeune gamine de 14 ans qui ne rêvait que d’une chose : devenir un jour aviatrice comme l’était Rupert, un as de l’aviation aujourd’hui disparu. Rupert bien connu d’Alfred, l’oncle de Natalia. Un homme bourru qui vit en solitaire hors de la ville et qui n’a qu’un seul copain, un certain Steve, propriétaire de la station-service du coin.

Poursuivant son rêve de participer au championnat aérien d’Himmelheim, elle tente désespérément d’y aller avec son oncle, mais celui-ci refuse catégoriquement. C’en est trop pour Natalia qui se pose désormais beaucoup de questions sur un oncle qui semble garder en lui bien des secrets. Que cache-t-il ? Quel rapport peut-il avoir avec la mort tragique de ce pilote légendaire qu’était Robert Rupert ? Aidée de Charlotte, son amie journaliste, elle est aujourd’hui bien déterminée à percer tous ces secrets.

Toujours aussi agréable, ce deuxième volet d’une série qui en comptera quatre, et qui combleront d’aise la tranche d’âge de 10 à 15 ans. Notez que si papa, maman, le grand frère ou la grande sœur s’y intéressent, laissez-les faire, car un bon moment de détente ne se refuse jamais.

‘La Rhapsodie du ciel – Les enfants de la forêt’, de Chendi chez Paquet

‘Omula et Rema’ – La naissance d’un empire’, d’Yves Sente et Jorge Miguel chez Rue de Sèvres

Cet album est en fait la suite et fin d’un diptyque mêlant science-fiction et Histoire, que les auteurs consacrent à leur manière à la légende concernant la naissance de Rome. Qu’on se souvienne !

Dans un monde lointain et futuriste, la population en constante augmentation oblige Omula à embarquer avec ses parents pour une expédition aux confins de l’univers, à la recherche d’une nouvelle planète où ils pourront vivre. À bord du vaisseau se trouvent les clones de chacun des membres d’équipage, dont Rema, qui est celui d’Omula. Au même moment, sur Terre, la cité antique d’Albalonga est le théâtre d’un complot politique. Amulius, fils du roi Procas, manœuvre en secret pour récupérer la couronne de son père et instaurer un régime autoritaire. Ces personnages de planètes et d’époques différentes, aux destins mystérieusement entremêlés, seront à l’origine d’événements majeurs de l’Histoire…

Dans ce second et dernier volet, on retrouve bien évidemment Omula et Rema devenues deux jeunes femmes ambitieuses, mais désormais rivales. En cause, le fait qu’Omula ne voit qu’en Rema son propre clone et que, de la sorte, elle lui est de loin supérieure. Dès lors, tous les coups vont être permis entre ces deux ‘sœurs’ qui viennent de se voir attribuer les terres sur lesquelles elles vont devoir, aidées par l’architecte Aaxius, construire une ville éternelle. Romulus et Rémus, cela ne vous dit rien ? Une relecture fascinante du mythe fondateur de Rome bien aidée par le trait aussi réaliste qu’efficace de Jorge Miguel.

‘Omula et Rema’ – La naissance d’un empire’, d’Yves Sente et Jorge Miguel chez Rue de Sèvres

‘Les évasions perdues’, de Thomas Legrand et François Warzala chez Rue de Sèvres

Septembre 1939. Jacques Leboy a vingt ans. Issu d’une famille bourgeoise catholique, il rêve de faire carrière dans l’armée. Alors, quand la France entre en guerre contre l’Allemagne, il n’hésite pas à devancer l’appel pour s’engager. Devenu aspirant après une courte formation, il est envoyé au front.

Quelques semaines plus tard, c’est la débâcle ! L’armée française est écrasée et Jacques, comme plus d’un million et demi de soldats, est fait prisonnier et envoyé en Allemagne. Toutefois, sa captivité, il va la vivre dans un camp un peu spécial : l’Aspilag I-A de Stablack, au fin fond du Reich. Une sorte de camp universitaire négocié par le gouvernement de Vichy pour former durant leur détention, les futures cadres de l’armée européennes.

Pendant cinq ans, entre les cours de maths et les corvées, entre l’ennui et la colère, entre les amitiés et les trahisons, Jacques ne pensera plus qu’à une seule chose : s’évader de ce Stalag VI-D. 

Écrite par Thomas Legrand d’après les souvenirs de captivité de son père, cette BD possède en elle la force des grands témoignages de ces personnes qui mêlent à la grande Histoire les anecdotes savoureuses et les réflexions intimes. D’autre part, ce récit  met en lumière une réalité peu connue de la Seconde Guerre mondiale : la captivité de 1,8 million de soldats français en Allemagne et leur difficulté à témoigner. Au-delà de ce très beau récit mémoriel, on soulignera ce dessin semi-réaliste d’une extrême élégance que signe Warzala. Un dessin du style ligne claire, que vous allez, je l’espère, et tout comme moi, adorer.

‘Les évasions perdues’, de Thomas Legrand et François Warzala chez Rue de Sèvres

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