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Muse : Mireille Darc, la fragilité d’une guerrière

par Elodie Lambion

13 mai 2023

Femme libre et libérée, actrice parmi les hommes, icône du cinéma français, son talent et son grand coeur subjuguent toujours autant. Ce nom franc qu’on n’oublie pas, c’est celui d’une guerrière qui, dans l’intimité, a affronté bien des épreuves. Elle aurait eu 85 ans en ce mois de mai 2023.

« Une vie est faite de tant de choses, de malheurs, de bonheurs, de rires, de larmes : c’est ça une vie ! »

Mireille Darc

REJET VIOLENT

Le 15 mai 1938, Marcel Aigroz, jardinier, et Gabrielle Reynaudo, épicière, accueillent modestement leur troisième enfant à Toulon : Mireille. Cadette de la famille, lors de la déclaration de guerre, ses parents l’envoient avec ses deux frères en Suisse auprès de la famille paternelle. De retour au village, en août 1945, sa mère lui accorde peu de temps alors qu’elle se montre toujours disponible pour aider les habitants. Son père, lui, ne lui adresse jamais la parole sauf pour la traiter de bâtarde à l’abri des regards – elle serait la fille d’un marin de passage dans la région. Mais Marcel va encore plus loin : un jour, il l’entraine dans le grenier où une corde est accrochée, il menace de se suicider et l’accuse d’avoir gâché sa vie. Cet acte d’une extrême violence l’encourage à tout faire pour fuir ce milieu familial. L’échappatoire, c’est à l’âge de 15 ans qu’elle la trouve : le Conservatoire de Toulon.

REVANCHE SUR LA VIE

Dès les premiers cours, elle a honte de ce corps décharné – d’où son surnom « la grande sauterelle » – de ses ignorances littéraires. Mais les encouragements d’un de ses professeurs lui donnent peu à peu confiance en elle. Sa démarche change, son style devient plus coquet. Son charisme est indéniable et durant l’été 1955, il lui permet d’incarner un rôle muet à l’écran. Professionnelle, séduisante, solaire, elle sait exactement ce qu’elle fait et elle le fait bien. Sans-le-sou et avec un carnet d’adresses vierge, elle « monte » à Paris et y réjouit son amie du Conservatoire, Anne-Marie. Elle enchaine les petits boulots pour payer ses cours de théâtre jusqu’à sa rencontre avec un journaliste qui la présente à ses contacts. Elle comprend immédiatement qu’elle doit se créer une nouvelle image. Elle devient blonde, elle opte pour un nom qui claque et qu’on n’oublie pas : Darc. Les journalistes s’intéressent de plus en plus à elle. Mais c’est le producteur Georges Lautner qui va bouleverser sa vie.

FEMME PARMI LES HOMMES

En 1964, elle tient son premier rôle dans « Des pissenlits par la racine ». Elle fait preuve d’un culot monstre, elle est spontanée, cultivée, elle a de l’humour et c’est cette personnalité qui lui permet d’entrer dans le cercle très fermé formé par Gabin, Audiard, Blier, Ventura et Lautner. Seule femme parmi les hommes, ils l’aiment comme une soeur, la protègent et sont inséparables. En 1966, à sa demande, Georges Lautner accepte de produire le film « Galia ». Ensemble, ils composent son personnage loin de ses rôles ingénus habituels. À l’époque, cela choque, elle incarne la femme nouvelle à la fois androgyne et fragile, la libération de la femme.

COEUR BLESSÉ

À presque 30 ans, son sourire cache bien des blessures. Sa famille ne montre aucun intérêt envers elle et elle n’a toujours pas connu le grand amour. Mais elle s’apprête à succomber au charme d’Alain Delon. Sur le tournage du film « Jeff », ils se rapprochent. Pourtant, elle a peur de lui, de ne pas être à la hauteur du comédien, il la trouble. Au début de leur idylle, alors qu’il est soupçonné du meurtre de son garde du corps, elle le soutient, même si son entourage lui conseille de le quitter pour ne pas ternir sa réputation. Elle s’occupe de l’acteur, elle l’aime passionnément, elle le maternise. Ils rêvent d’avoir un enfant, mais cela n’arrive pas. Cette blessure, elle la garde pour elle, elle n’en parle à personne. Elle ne vit plus que pour Alain, elle délaisse sa carrière – ce qui inquiète ses proches – mais elle va bientôt prouver qu’elle n’a rien perdu de sa superbe. 

CHUTE DES REINS VERTIGINEUSE

Le réalisateur Yves Robert lui propose un rôle avec une robe au décolleté indécent dont personne ne peut parler. Le couturier Guy Laroche crée celle-ci pour le film « Le Grand Blond avec une chaussure noire ». Lors du premier essayage, elle s’amuse de la situation, incite même le couturier à descendre davantage. Sur le plateau, Pierre Richard s’étonne de ne pas encore avoir rencontré Mireille. Le tournage débute, elle l’accueille et quand elle se retourne, il reste sans voix face à cette robe mythique dans laquelle l’actrice est éblouissante. Le succès du film fait d’elle une actrice populaire, symbole de la féminité.

BATTEMENTS IRRÉGULIERS

À 41 ans, elle se plaint subitement d’une douleur dans la poitrine. Des angines mal soignées pendant l’enfance ont provoqué une insuffisance cardiaque. Le 7 mars 1980, le cardiologue l’opère pour lui placer une valve artificielle. C’est au tour d’Alain de la soutenir et de prendre soin d’elle. Mais en pleine convalescence, celui-ci s’éloigne peu à peu. Elle finit par le quitter après 15 ans d’amour. Elle souffre terriblement. En juillet 1983, victime d’un accident de voiture, elle reste immobilisée pendant des mois. Pierre Barret débarque dans sa vie. Alors qu’elle réalise son premier film « La Barbare », l’état de santé de Pierre se dégrade et malgré une greffe du foie, il décède en octobre 1988. La nuit, elle pleure de douleur, mais le jour, elle ne laisse rien transparaitre. Huit ans plus tard, elle retrouve l’amour aux côtés de Pascal Desprez. En 2007, la complicité entre « Mimi » et Alain renait sur scène dans la pièce de théâtre « Sur la route de Madison ». En mars 2013, elle subit une nouvelle opération cardiaque. Cette femme au grand coeur, cette guerrière aux multiples blessures s’éteint le 28 août 2017 à Paris.

BIOGRAPHIE

  • 15 mai 1938 : naissance à Toulon 
  • 1964 : premier rôle majeur dans le film « Des pissenlits par la racine » 
  • 1966 : incarne une femme libérée dans le film « Galia »
  • 1968 : début de son idylle avec Alain Delon 
  • 1972 : rôle emblématique aux côtés de Pierre Richard dans « Le Grand Blond avec une chaussure noire »
  • 1980 : première opération à coeur ouvert 
  • 1988 : réalisation de son premier film « La Barbare »
  • 2006 : reçoit les insignes de la Légion d’honneur 
  • 2007 : joue au théâtre aux côtés d’Alain Delon dans « Sur la route de Madison » 
  • 2013 : seconde opération à coeur ouvert 
  • 28 août 2017 : décès à Paris 

ANECDOTE

Subjuguante dans le film « Galia », Hollywood s’intéresse peu à peu à elle. Le producteur Raymond Danon, par le biais d’un ami américain, lui organise un rendez-vous pour des essais de l’autre côté de l’Atlantique. Avant son départ, son fidèle ami Georges Lautner essaie de la dissuader. Pourtant, elle semble déterminée et monte dans l’avion aux côtés de Raymond. Avant le décollage, ce dernier se rend aux toilettes et là, prise de panique, refusant de s’éloigner de sa bande d’amis, elle quitte subitement l’appareil sans prévenir le producteur. Elle tire ainsi un trait sur Hollywood avant même d’y avoir tenté sa chance. 

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