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Muse : Juliette Greco, icône libre et intemporelle

par Jane Doe

7 février 2022

Grande figure de la chanson française à textes et engagée, elle interprètera durant 70 ans les textes et titres des plus célèbres écrivains, philosophes et chanteurs de son temps.

« Je suis un animal totalement sauvage. Il ne faut pas chercher à m’enfermer même dans une cage dorée. »

Juliette Greco naît le 7 février 1927 à Montpellier. Son père Gérard, d’origine corse, est commissaire de la police des jeux. Sa mère Juliette Lafeychine est bordelaise. Lorsque ses parents se séparent, Juliette est élevée avec sa sœur aînée Charlotte à Bordeaux par leurs grands-parents maternels, qui décèdent en 1933. Leur mère emmène ses deux filles à Paris.

A 12 ans, passionnée de danse, Juliette est petit rat à l’Opéra Garnier. En 1940, la famille quitte la capitale pour le Sud-Ouest. Résistante et membre d’une filière d’évasion vers l’Espagne, la mère place ses filles dans un internat catholique de Montauban. Lors de son arrestation en 1943, les deux sœurs s’enfuient pour Paris. Elles sont capturées et enfermées au siège de la Gestapo, où Juliette est violemment battue et Charlotte torturée.

En raison de son jeune âge (16 ans), Juliette est libérée puis jetée à la rue. Sans ressources, elle se réfugie chez son ancienne professeure de français et actrice, Hélène Duc, qui la loge et la prend en charge. Sa sœur et sa mère sont déportées à Ravensbrück. Libérées par l’Armée rouge en avril 1945, elles regagnent la France.

« Muse de Saint-Germain-des-Prés »

Après la guerre, Juliette reste à Paris, suit des cours d’art dramatique financés par Hélène Duc. Elle décroche quelques rôles au théâtre et au cinéma, et travaille dans une émission de radio consacrée à la poésie.
A 19 ans, elle se lance dans la chanson, à Saint-Germain des Prés, dans le club de danse et de jazz de « Le Tabou », qui devient un lieu de rencontres des artistes, et des écrivains et philosophes existentialistes. Jean-Paul Sartre lui demande de chanter « Rue des Blancs-Manteaux », sur un texte de sa pièce de théâtre « Huis clos », dont la musique sera réécrite par le compositeur Joseph Kosma. Elle interprète d’autres chansons du philosophe.
Raymond Queneau, Boris Vian, Jacques Prévert ou encore Albert Camus lui écrivent des textes, qu’elle récite ou chante, et deviennent des succès, faisant d’elle la « Muse de Saint-Germain-des-Prés ».

Cinéma et chansons

A 25 ans, Juliette part en tournée au Brésil et aux États-Unis avec la revue « April in Paris ». Un tour de chant international, qui la mènera plus de 60 ans durant en Amérique latine et du Nord, en Europe, en Israël ou encore au Japon. Tout au long de sa carrière, elle chantera entre autres Léo Ferré, Jacques Brel, Serge Gainsbourg, Abd Al Malik, Benjamin Biolay, Olivia Ruiz…, avant de s’arrêter à presque 80 ans, après un accident vasculaire cérébral.

De 1953 à 2002, elle apparaîtra dans une trentaine de films : en 1953, elle joue le rôle principal dans « Quand tu liras cette lettre », un film noir de Jean-Pierre Melville. Elle enchaîne avec « Le soleil se lève aussi » (Henry King , 1957), d’après un roman d’Hemingway. Suivent « Les racines du ciel » (John Huston, 1958), « Bonjour Tristesse » (Otto Preminger, 1958), « Drame dans un miroir » (Richard Fleischer, 1960), ainsi que des rôles dans des productions européennes. Elle tourne aussi pour la télévision, notamment dans la série « Belphégor ou le secret du Louvre » (1965).

Au milieu des années 1960, elle décide de se consacrer entièrement à la chanson, et ne tournera qu’épisodiquement pour le cinéma. Elle se produit gratuitement dans les maisons des jeunes et de la culture de la banlieue parisienne, devant des étudiants et des ouvriers.

Juliette continue de voyager et de chanter en France et à l’étranger. Plus d’une quarantaine d’albums seront publiés avec ses chansons, dont les célèbres « Jolie môme » (1961, paroles et musique de Léo Ferré), « Parlez-moi d’amour » (1964, paroles et musique de Jean Renoir), ou « Déshabillez-moi » (1967).

Côté cœur, Juliette rencontre à 19 ans son premier amour, le champion automobile Jean-Pierre Wimille (38 ans, marié), qui mourra en janvier 1949 pendant une course. De 1953 à 1956, elle épouse l’acteur Philippe Lemaire, avec qui elle aura une fille, Laurence-Marie. De 1966 à 1977, elle est mariée à l’acteur Michel Piccoli. En 1989, elle épouse le pianiste Gérard Jouannest, qui compose pour elle et l’accompagne au piano sur scène. Elle meurt à 93 ans dans sa demeure de Ramatuelle (Var). Elle repose au cimetière de Montparnasse, auprès de Gérard Jouannest.

ANECDOTES

A 22 ans, elle entame une idylle avec Miles Davis de passage à Paris. Le jazzman américain devant repartir aux États-Unis, elle ne peut le suivre, la ségrégation raciale empêchant les couples mixtes, et le mariage interracial restant à l’époque illégal dans certains États du pays.

Invitée par les militaires de la Junte chilienne, elle interprète des chansons antimilitaristes, dans un silence de mort. « Le plus beau bide de sa carrière, » selon elle.

BIOGRAPHIE

  • 7 février 1927 : naissance dans l’Hérault
  • 1943 : arrêtée par la Gestapo elle est emprisonnée à Fresnes
  • 1946 : elle débute sa carrière dans la chanson
  • 1952 – 2015 : elle effectue des tournées internationales
  • 1953 – 2002 : elle joue dans une trentaine de films.
  • 23 septembre 2020 : décès dans le Var