par Claudine Boulanger-Pic
25 mai 2021
Nous pouvons partir d’un simple constat : 89% des enfants ont accès à un Smartphone ou une tablette quand ils ont entre 7 et 12 ans et 83% des parents souhaiteraient accompagner davantage leurs enfants dans leur expérience en ligne.
Or les parents sont parfois peu armés pour accompagner les enfants dans ces usages, parce qu’ils ne connaissent pas forcément les outils en question. Ils pensent qu’ils ne sont pas en position pour en parler ou, au contraire, souhaitent en discuter mais ne savent pas comment initier la conversation avec leurs enfants.Ce sentiment est bien légitime. Ceux que l’on appelle à tort les « enfants du numérique » auront toujours une longueur d’avance sur nous d’un point de vue technique. Non pas parce que leurs cerveaux sont plus capables que les nôtres d’utiliser la technologie, mais parce qu’ils ont été entrainés très jeunes et qu’ils auront toujours plus de temps et d’appétence que nous pour être à l’affût des nouveautés technologiques et se familiariser avec elles.
Un dialogue constructif
Pour les protéger, il existe une solution très simple et unique: la communication. Il est fondamental d’établir très tôt avec le jeune enfant un dialogue constructif et en faire une opportunité pour le responsabiliser. Il ne s’agit pas de lui imposer un cadre, l’objectif est que cela vienne de lui, qu’il adopte des habitudes saines et conscientes.
Michaël Stora, psychologue et cofondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH), privilégie lui aussi les échanges intrafamiliaux. «Mon cheval de bataille, c’est de dire : « Partageons notre expérience autour des écrans » » affirme-t-il. Beaucoup d’enfants utilisent Youtube, par exemple, et ils peuvent montrer leurs vidéos préférées à leurs parents. Je pense que c’est en partageant nos écrans que l’on arrivera à faire des réseaux sociaux un objet du désir moins obscur.
La meilleure préparation au monde en ligne se fait ainsi hors ligne, dans le monde réel. Le multitâche technologique pouvant transformer nos enfants en accros de la futilité, nous, parents, pouvons aider notre enfant à développer la force de sa volonté et lui offrir d’autres options que le monde virtuel. La condition étant que nous-mêmes ayons cette orientation. N’oublions pas que les parents sont d’abord les modèles d’imitation !
Tous les sujets suivants seront alors régulièrement évoqués dans les dialogues avec les enfants qui, ne l’oublions pas, sont des apprentis…..etpas sorciers !
Il convient alors d’alerter les enfants sur les dangers que peuvent présenter les réseaux sociaux. Ces plateformes sont conçues pour que l’on s’entoure uniquement de personnes qui pensent comme nous. Elles encouragent la polarisation.
L’anonymat des internautes aussi représente un risque. Il fait en sorte que nous ne soyons pas pleinement conscients des conséquences de nos actes. Une attitude qui peut conduire à des dérives comme le harcèlement scolaire. Un élève sur quatre (22 % des 18-24 ans interrogés en février 2019 par l’IFOP) en était victime en 2019 et un sur trois en 2020 : le cyber harcèlement a bondi de 26% depuis le confinement, selon l’association e-Enfance.Cet anonymat présente un autre risque : celui d’entrer en contact virtuel avec quelqu’un qui se fait passer pour ce qu’il n’est pas, notamment les prédateurs sexuels. Le fait de protéger son identité permet cependant aux plus jeunes d’aborder plus facilement des questions intimes. Seulement, il faut le prévenir des dangers de retombées liées aux données partagées (surtout par les plus jeunes), qui pourraient ressurgir malgré le droit à l’oubli numérique. Quelle sera la conséquence pour un(e) adolescent(e) d’avoir partagé une photo de lui ou d’elle dénudé(e) sur les réseaux sociaux, lorsqu’il cherchera un travail à 21 ans ?
Attention aussi aux «valeurs» véhiculées par ces plateformes. La philosophie d’Instagram, notamment, est empreinte d’une sorte d’idéal de bien-être, de beauté à tout prix. Finalement, ces représentations très proches de la téléréalité constituent pour l’enfant un monde modèle illusoire. Pourtant les plateformes peuvent aussi avoir un effet positif pour les ados, la construction identitaire se fait aussi sur les réseaux sociaux. La fragilité narcissique va pouvoir s’étayer, par exemple. Osons saluer aussi l’importante dimension créative de TikTok. Un réseau social qui rassemble 500 millions d’utilisateurs mensuels… dont un tiers serait âgé de 14 ans ou moins. Reste que les réseaux sociaux peuvent contribuer à l’isolement des jeunes, causant parfois une perte d’estime de soi et être nocif pour la santé mentale de ces derniers. Une étude réalisée aux États-Unis en 2019 par YouGov indique que la génération des milléniaux – qui utilise le plus souvent les réseaux sociaux – est aussi la génération la plus solitaire. Environ 30% d’entre eux affirment ne pas avoir de meilleur ami, 27% reconnaissent ne pas avoir d’amis proches et 20% confient ne pas avoir d’ami du tout.
Il est impératif d’expliquer à nos jeunes que ce n’est pas la même chose de se connecter en mode Wifi que de croiser un regard.
Cinq autres indications pour protéger les jeunes internautes :
– mettre son compte en mode privé;– discuter par messages seulement avec ses amis;– fermer les commentaires, du moins aux utilisateurs inconnus;– restreindre la durée d’utilisation du réseau avec un code secret (et qui le reste !);– activer le mode restreint : pour ne pas être exposé à des vidéos au contenu sensible.
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